Julien Gobaux, un ancien membre de l'équipe de France de gymnastique, originaire de Soissons, mène une vie d'artiste au sein de la troupe du Cirque du Soleil, dans le cadre du spectacle Corteo. Une seconde carrière avec comme fil conducteur le sport qu'il a toujours pratiqué ou presque.
Julien Gobaux, originaire de Soissons, dans l'Aisne, "transporte toute sa vie dans deux valises de 23 kg" depuis mars 2023. L'ancien membre de l'équipe de France de gymnastique durant neuf ans, mène désormais un quotidien d'artiste au sein de la troupe du Cirque du Soleil. Une seconde carrière toujours en lien avec le sport dans lequel il évolue depuis tout petit.
Il faut remonter environ trente années en arrière. Vers 4/6 ans, il suit les pas de son frère, Romain, son aîné de vingt mois. "Mes parents nous ont fait essayer plusieurs sports. Mon frère a accroché sur la gym." En allant le chercher à l'entraînement, Julien le voit "sauter sur les tapis". Il s'élance alors à son tour pour effectuer ses premières acrobaties. Le plaisir est tout de suite au rendez-vous. S'il pratique pour s'amuser les premiers résultats arrivent rapidement. "Je me rappelle de mon premier trophée gagné", mais l'homme de 34 ans a du mal à se souvenir d'images précises. Il évoque surtout l’importance de ces moments "quand on est gamin" pour la suite.
Quelques années plus tard, toujours sur les traces de son frère, l'Axonais intègre le CREPS d'Antibes. Il reste dans cette structure façonnant les futurs athlètes de haut niveau jusqu’à ses 16 ans, avant de décider de tout plaquer. "J’ai fait un an sans gym". Étudiant à la fac de Nantes, mais licencié à l’Étoile de Monaco, Julien s’entraîne seul, loin de ses amis du club. C'est vers 18 ans qu'il reprend sérieusement, "cinq heures par jour, seul, dans une salle de gym". Un rythme qu’il conjugue avec une activité de rugby, à côté. "Je m’entraînais lors de mes heures perdues."
"Un jour, un pote avec qui on s’appelait régulièrement, m’a dit : viens à la fac de Nice", pour mettre fin à cette période d'autogestion. Entraîné par Thierry Aimes, ancien membre de l’équipe de France lors des Jeux olympiques d’Atlanta, il retrouve le haut niveau. "Il m’a ramené aux championnats de France élite, à 21 ans, où j’ai fait un bon résultat. J’avais demandé si c’était possible de revenir en équipe de France."
Une carrière sportive riche avec les JO 2016 en Graal
Mais pas sans condition. "La fédération obligeait les gymnastes à s’entraîner dans un pôle élite". Pour garder "l’équilibre dont j’avais besoin, j’ai signé une convention avec la fédération pour avoir le droit de m’entraîner deux fois par semaine avec mon coach à Monaco."
Dans ce cadre, Julien Gobaux performe au sein de l’équipe de France durant neuf ans, de juillet 2013, date de sa première sélection jusqu’à la fin de la saison 2022. Il en garde "que des bons souvenirs. Quand on peut vivre de sa passion, ce n’est que bonheur." Il réalise son objectif de carrière, lors des Jeux olympiques de Rio, en 2016. "Porter les couleurs de son pays, lors des Jeux, c’est incroyable. Ce qui est beau aux JO, c’est tout ce qui gravite autour de la gymnastique. Être avec tous les athlètes : Bolt, Rinner, basketteurs, on est tous sous la même bannière."
La médaille de bronze par équipe aux championnats d’Europe 2018 et la coupe du monde se déroulant à Bercy sont les deux autres souvenirs qui l’ont marqué.
À la suite de plusieurs blessures, dont une à la cheville survenue en septembre 2021, Julien fait une coupure."Je pars en vacances à Dubaï. Je rencontre des personnes de la gym épanouies dans le monde du show et du spectacle." C’est alors que l’idée commence à germer dans sa tête. La décision de sa retraite est prise. Il en parle à ses proches avant de l'annoncer officiellement sur ses réseaux sociaux, à 32 ans, début juillet 2022.
Des gestes "très robotisés" à la "transmission d'émotions"
C’est alors que tout se précipite. "Quand j’étais à Dubaï, j’ai rencontré une boss d’une salle de gymnastique. Elle m’envoie un message en juillet, pour être coach durant un an." Il n’ira pas au bout du contrat puisque sept mois plus tard, il est contacté par Julien Penel, artiste dans la compagnie du Cirque du Soleil, pour lui demander s’il est intéressé pour rejoindre la troupe. Après un contact informel avec le cirque, le Picard passe ainsi de la chaleur des Émirats arabes unis, à la fin de l’hiver canadien, à Montréal, en mars 2023, pour évoluer dans le spectacle de Corteo.
Il suit une formation de "hoop diving", correspondant au numéro de sauts dans les cerceaux. Aujourd'hui, l’Axonais évolue dans un numéro de barre fixe, le Tournik. Une performance qui regroupe dix gymnastes évoluant dans un carré de barre fixe.
Avec du recul, Julien Gobaux voit cette nouvelle vie comme "une bonne alternative" à la gymnastique sportive. Un moyen d’en faire autrement. À plusieurs reprises, il évoque le sport de haut niveau comme quelque chose de "très robotisé". "Là, il faut transmettre des émotions. C’est quelque chose qu’on peut choisir. La gym c'est des agrès répétitifs. Là, ce ne sont pas les mêmes entraînements." Il a dû passer par des cours de théâtre où il a appris à "mettre le cerveau sur off" après des premières heures où il se sentait ridicule. "C’était compliqué au début. Ils veulent voir comment en une demi-seconde, on arrive à bouger", en faisant un animal ou un élément plus abstrait comme la boue.
L’autre différence est la prise de risque. Pour performer en compétition, tout est poussé au maximum, "Quand on est dix sur les barres, la règle n°1 c’est la sécurité." Si l’un d’entre eux doit s’écarter pour des problèmes de synchronisation, ce n’est pas grave, "vous avez un autre show" à assurer derrière.
Concernant les ressemblances avec la gymnastique de haut niveau, "il n'y en a pas vraiment. J'utilise mon background de gymnaste pour les différents gestes. On a une capacité à savoir où on est dans l’espace." Dans le numéro qu’il réalise actuellement, il n’y a que des anciens gymnastes.
Tant que le corps et la tête le permettent et tant que j’aurai encore des étoiles dans les yeux, je resterai.
Julien Gobaux, membre de la troupe du Cirque du Soleil
Julien partage avec eux "cette vie d’artiste". Il en profite pleinement."Tant que le corps et la tête le permettent et tant que j’aurai encore des étoiles dans les yeux, je resterai." Comme il l’a été dans sa carrière de gymnaste, Julien reste à l’écoute de ses sensations. "Il faut savoir s’arrêter au bon moment. Certains qui font ça depuis plus de vingt ans et n’en peuvent plus de parcourir le monde", sans réel point d'attache.
Il assure avoir toujours cette "flamme de la gym" qu’il vit d’une autre manière. Il évoque un parcours marqué par la "chance" et des "coups de pouce". Notamment pour rentrer dans le monde du cirque. Après avoir clos un rêve, un deuxième s'est rapidement ouvert.
Julien a finalement toujours provoqué ces opportunités, en ne réalisant pas le même "parcours que tout le monde" dans cet univers. Comme lorsqu'il a arrêté la gymnastique un an avant de revenir à ses conditions pour accéder à l'équipe de France. Des choix qui lui permettent de continuer à s’épanouir dans l’effort physique sous l’angle du spectacle.