Fermeture des urgences de nuit à Laval : "On met la vie des gens en danger", alerte la docteure Caroline Brémaud

Faute de médecins, les urgences de Laval ont été fermées près de 40 nuits cet été. Un triste élan qui va s'accélérer en septembre : l'accueil de nuit n'ouvrira ses portes que six fois dans le mois.

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De la colère et de la tristesse. Ces sentiments ont envahi la docteure Caroline Brémaud lorsqu'elle a reçu son emploi du temps de septembre la semaine dernière. "Il est recouvert de rectangles noirs et chacun d'eux signifie une fermeture des urgences de nuit", détaille-t-elle.

Face à cette armée de quadrilatères, il a été plus rapide pour la médecin urgentiste de ne compter que les nuits d'ouvertures du service. Verdict, il y en a 6 : les quatre jeudis du mois et un lundi sur deux. "C'est un triste record, déplore Caroline Brémaud 

Cette nouvelle annonce de fermeture sonne comme un mauvais refrain qui tourne en boucle. En juillet et en août, l'accueil de nuit des urgences de Laval est resté portes closes à 40 reprises. L'été dernier, le centre hospitalier avait déjà eu recours à des fermetures à cause d'une pénurie de médecin.

"On met la vie des gens en danger", alerte Caroline Brémaud. La docteur se dit également inquiète par la multiplication de ce type de fermetures dans l'ensemble du pays : "ça commence à devenir commun. Le problème, c'est qu'on s'habitue à tout ce qui est commun. Mais, on doit se battre parce que tout ça est le symptôme d'un système de santé en crise."

Carence d'effectif

Partout en France, au moins 163 services d'urgence avaient été contraints de fermer, faute de ressources humaines, au cours de l'été 2023. Fermer en raison d'un manque de médecin, cette pratique a été lancé par le centre hospitalier de Laval en 2021.

Une année tristement historique gravée dans l'esprit de Meyaam El Hamdaoui, aide-soignante dans cet hôpital depuis plus de 10 ans et secrétaire syndical à la CGT. "On nous avait promis que c'était temporaire, que ce ne plaisait à personne... Trois ans plus tard, on ferme de plus en plus souvent", assure-t-elle. 

D'après la syndicaliste, les urgences seraient en carence de 70 % à 80% de ses effectifs. Tout comme Caroline Brémaud, elle rapporte par ailleurs que les fermetures attendues en septembre sont liées au départ d'un médecin qui ne pourrait pas être remplacé avant novembre.

On est arrivé à un point de non retour

Meryam El Hamdaoui

aide-soignante et déléguée syndicale CGT

Ce manque de personnel, Meyaam El Hamdaoui le corrèle à des conditions de travail médiocres. "Lorsqu'il pleut dehors, il pleut dedans. Les infirmières et les aides-soignantes font des journées à rallonge pour des petits salaires...Il faut le vouloir pour continuer à travailler ce cadre", soutient-elle.

La syndicaliste fait ainsi savoir que, en plus des médecins qui se font rares, les équipes paramédicales des urgences lavalloises enregistrent de plus en plus de démissions. "On est arrivé à un point de non-retour. Les collègues sont soit épuisés, soit blasés par la situation", souligne-t-elle.

Des régulations des 15h30

Les nombreuses fermetures nocturnes des urgences de Laval en septembre s'accompagneront de régulation à l'entrée. "On ne peut pas fermer les portes à une heure précise, alors on filtre les patients", raconte Maxime Lebigot, infirmier lavallois et coprésident de l'association des citoyens contre les déserts médicaux.

Concrètement, à partir d'une certaine heure, les aides-soignants renvoient les personnes vers d'autres services urgences si leur cas n'est pas considéré comme vital. "On commence à réguler vers 17h, mais ça peut aussi être dès 15h30", note l'infirmier.

Maxime Lebigot estime qu'il est encore possible d'éviter ces fermetures. Avec son association, il appelle la population à refuser cette décision. Il est convaincu qu'une mobilisation citoyenne permettrait d'interpeller le centre hospitalier qui ne s'est pas encore exprimé à ce sujet.

Vers une saturation du 116-117 ?

Par effet de ricochet, les médecins généralistes de garde risquent d'être impactés par les fermetures des urgences lavalloises. "Lorsqu'il n'y a plus de place aux urgences, les patients appellent le 116-117 pour être dirigé vers un de ces docteurs. Le problème c'est qu'ils ne sont pas plus nombreux qu'aux urgences", soutient Maxime Lebigot.

En Mayenne, ils ne sont que deux médecins à être au bout du fil. "Ils redirigent les personnes vers les sites de garde, mais c'est un processus qui prend du temps", ajoute l'infirmier qui craint alors une saturation de ce numéro d'urgence.

"On déplace le problème là où il y a déjà des problèmes. Le nombre de médecins généralistes n'augmente pas dans le département. Puis, ce n'est pas les obligeant à pallier la crise des urgences, sans leur donner plus de moyens, que l'on va attirer des jeunes", déplore Maxime Lebigot.

La Mayenne est effectivement le troisième désert médical de France. Dans ce contexte, l'Agence Régionale de Santé (ARS) des Pays de La Loire assure, via un mail, tout faire pour "couvrir dans les meilleures conditions l’organisation des urgences, avec l’appui des CHU limitrophes".

Le centre hospitalier de Laval assure, dans un communiqué reçu ce vendredi 23 août par mail, non pas fermer son service d'urgence, mais adapter "régulièrement le fonctionnement du Département de Médecine d’Urgence (DMU) afin de maintenir une organisation de qualité et sécurisée des soins d’urgence 24H/24 et 7j/7. Cela se traduit par la mise en place de diverses mesures visant à réguler en amont de l’accueil du patient, en appelant au préalable le 15 ou à orienter les patients, au vu de leur état de santé ne nécessitant pas de soins urgents, vers la prise en charge la plus adaptée". 

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