Un Mayennais de 77 ans porte plainte pour non-assistance à personne en danger après le décès de son épouse, en janvier 2023. Le retraité affirme avoir appelé sans cesse le Samu et son médecin pendant six jours, sans que personne ne se déplace pour porter secours à sa femme. Elle aurait pu, selon lui, être sauvée.
De la peine et de la colère. Voilà ce qu'il reste à Raymond Goulay depuis le décès de sa femme le 2 janvier 2023 à l’hôpital de Laval.
Mercredi 14 décembre 2022, Alice Goulay, 80 ans, est prise de fortes nausées et n’arrive plus à marcher. Connaissant les problèmes cardiaques de sa femme, à qui l'on vient de poser un pacemaker, le retraité appelle aussitôt le Samu.
"Ils m'ont dit qu'avant d'intervenir, il fallait que je voie mon docteur. Je leur ai pourtant précisé que c'était urgent", se rappelle-t-il.
Le septuagénaire contacte alors la maison médicale de Louverné, où le couple est suivi depuis des années, et explique la situation à la secrétaire. "J'ai demandé à ce que mon docteur se déplace le plus tôt possible pour que les secours arrivent."
Ma femme est en train de mourir et personne ne se déplace !
Raymond Goulay
"En plus, c'est le docteur lui-même qui m'avait dit de le prévenir si ma femme se sentait mal, car on venait de lui poser un pacemaker", poursuit Raymond. Mais là encore, personne ne se déplace.
Désespéré, il rappelle le Samu. "Le médecin ne veut pas se déplacer, il ne m’a même pas rappelé. Je dois faire quoi moi ? Ma femme est en train de mourir à petit feu et personne ne se déplace", se souvient-il, la voix chancelante.
Six jours et des dizaines d'appels avant l'arrivée de l'ambulance
Le lendemain et les jours qui suivent, Raymond réitère ses appels, alors que la santé de sa femme se dégrade d'heure en heure. Ses alertes restent sans réponse. "J'ai passé des dizaines d'appels, du matin au soir et personne ne s'est déplacé. C'est incroyable. Ma colère est immense."
Il prévient alors le directeur de la résidence senior Domitys à Louverné. Le couple habite dans une maison située au sein de l’établissement. Face à l’urgence de la situation, le directeur appelle les urgences à son tour. Mais rien ne se passe.
Je n’ai pas le temps de me déplacer, j’ai trop de travail, m'a répondu le médecin
Raymond Goulay
Ce n’est que six jours plus tard, le lundi 19 décembre, alors que sa femme est en train d'agoniser, que Raymond arrive enfin à parler à un médecin de la maison médicale de Louverné.
Le praticien lui aurait répondu : "Je n’ai pas le temps de me déplacer, j’ai trop de travail. Attendez 20h et appelez le 116 117. Et il a raccroché aussi sec", dénonce Raymond d'une voix encore pleine de colère.
Le retraité ne savait connaissait pas l'existence de ce numéro. "Je m'en veux".
Une infection qui aurait pu être soignée avec des antibiotiques
À 20h, il contacte le numéro indiqué par le docteur et à l’autre bout du fil, le médecin régulateur comprend très vite qu'il y a urgence. Il envoie immédiatement une ambulance.
"Quand les secours sont arrivés et que le médecin a vu ma femme, il n’en revenait pas et m’a dit que c’était impossible de l’avoir laissée comme ça, pendant six jours, avec une infection de son pacemaker, qui s'est aggravée de façon inquiétante", relate le retraité.
Raymond apprend que cette infection aurait pu être traitée avec de simples antibiotiques si sa femme avait été prise en charge à temps.
Le lendemain, il contacte l’hôpital de Mayenne, mais les nouvelles ne sont pas rassurantes. "Mon pauvre monsieur, il aurait fallu qu’elle vienne plus tôt. On va faire ce que l’on peut, mais j’ai peur qu’il soit trop tard : l’infection s’est propagée aux valves du cœur", annonce, d'un trait, le docteur.
Je n'arrête pas de penser à ces quelques jours où tout a basculé.
Raymond Goulay
Deux jours plus tard, le 21 décembre, Alice Goulay est transférée en cardiologie à l’hôpital de Laval, où elle décédera deux semaines plus tard, le 2 janvier 2023.
"Ma colère grandit de jour en jour. Je n'arrête pas d'y penser et dans ma tête, je repense à ces quelques jours où tout a basculé. J'ai fait tout ce que j'ai pu", confie son mari, la voix enrouée de chagrin.
Une enquête ouverte pour non assistance à personne en danger
C'est cette colère qui amène Raymond Goulay à porter plainte, le 25 janvier, contre la maison de santé de Louverné et le Samu, rattaché à l’hôpital de Laval.
Une enquête est ouverte pour non-assistance à personne en danger, menée par la gendarmerie de Château-Gontier. Elle dispose déjà des bandes téléphoniques du Samu, les appels étant tous enregistrés.
Je ne sais même pas si je vais réussir à m'en remettre ou si je vais mourir de chagrin...
Raymond Goulay
De son côté, le septuagénaire va faire appel à un avocat "dans les prochains jours" et espère que justice soit faite.
"Ceux qui sont responsables de la mort de ma femme doivent s’expliquer devant la justice. Je le fais en mémoire de mon épouse et pour que de tels faits ne se reproduisent pas. Moi j’ai tout perdu. Je ne sais même pas si je vais réussir à m’en remettre ", explique Raymond, dorénavant veuf.
Contactés par téléphone, ni la maison de santé de Louverné, ni l’hôpital de Laval n’ont souhaité faire de commentaires.