Vous passerez les fêtes avec un proche malade ou dépendant ? Personne n'ose le dire mais l'idée du dernier Noël plane... Comment réussir ce moment où se mélange joie et tristesse d'une perte future ? Voici quelques conseils.
Personne n'ose le dire mais tout le monde y pense : "Et si c'était le dernier Noël de Mamie ?" Comment réussir cette fête quand l'un des membres de la famille est gravement malade ? Comment concilier cet instant de joie et de rires avec une vie qui va s'éteindre ?
"Il y a deux écueils à éviter : le déni et l'événement pathétique, indique Marie-Christine Belzanti, psychanalyste à Marseille. On ne peut pas faire comme si de rien n'était mais il ne faut pas non plus que tout le monde soit là pour alimenter le pathos de la perte future, dont, de toute façon, personne ne connaît la date, même les médecins."
"Echanger avec le patient"
"En effet, personne ne le sait. Parfois on est agréablement supris. On risque d'oublier le présent si on est dans le futur incertain, indique Aurélien Proux, médecin en soins palliatifs à l'Institut Paoli Calmettes à Marseille. Il rappelle la formule "Hope for the Best, Plan for the Rest" (espérer le meilleur, planifier le reste). S'il y a des examens que l'on peut décaler de quelques jours pour libérer le patient les 24 et 25 décembre, on le fait. Il faut échanger avec le patient qui, parfois, n'ose pas demander le décalage d'un traitement à son oncologue.
"La clef est aussi dans la relation entre le patient et ses proches qui se protègent l'un/l'autre, poursuit le médecin de l'IPC.
"Le proche aimerait faire plus, le patient culpabilise. Parfois, il est plus à l'aise, et même plus heureux, à l'idée de voir ses proches fêter Noël sans lui."
Aurélien Proux, médecin en sons palliatifs, Institut Paoli-Calmettes à Marseilleà France 3 Paca
Et si la personne malade veut être avec ses proches, souhaite-t-elle vraiment faire un repas avec beaucoup de monde ? A-t-elle peur du repas, des excès de nourriture ou des préparatifs et des cadeaux à faire ? Vit-elle trop la pression de "passer un bon moment à tout prix"?
"Il faut voir comment il ou elle souhaite vivre cette fête, prévient Marie-Christine Belzanti, organiser ce moment à la mesure de ce qui est supportable émotionnellement et physiquement, ne pas faire une journée marathon avec les risques d'épuisement que cela peut engendrer."
Faire de Noël un moment de vérité
"Et aussi tout faire pour limiter l'apparition de symptômes ce jour-là, poursuit le Dr Proux. On peut y parvenir grâce à des traitements de secours à prendre en cas de douleur. Et si le Noël doit se dérouler à l'hôpital avec la famille qui vient, personne ne s'y opposera. Noël, c'est avant tout être ensemble.
Et cela reste une date clef : "Il y a beaucoup de patients qui tiennent jusqu'à Noël et après qui lâchent, indique Béatrice Der Gazérian, aumonière à l'Institut Paoli-Calmettes. Noël est plus que jamais un moment où la vérité peut reprendre le dessus. C'est le moment où l'on peut rappeler son frère que l'on n'a pas vu depuis 20 ans, libérer la parole sur des lourds secrets de famille.
"Oui la mort est là, mais la vie aussi. Il faut vivre chaque minute en profondeur. La mort fait partie de la vie. Le plus dur, ce sont les familles qui sont dans le déni, qui disent "mais non, ça va aller", cela fait souvent encore plus souffrir les patients que se sentent totalement incompris."
"Il y a des choses évidentes que l'on ne dit jamais, conlut l'aumonière marseillaise, comme dire à ses proches qu'on les aime." Noël est sans doute le meilleur moment pour déclencher ces paroles, quel que soit l'âge ou l'état de santé d'ailleurs...