Le taux d'abstention en Pays de la Loire pour ce premier tour des élections régionales est de 69,27%. Nous sommes la deuxième région la plus abstentionniste, après le Grand Est. Explication avec le politologue Arnauld Leclerc.
Jamais aussi peu d’électeurs se sont présentés aux urnes, tout scrutin confondu. L'abstention atteint des records lors du premier tour des élections régionales et départementales, ce dimanche 20 juin 2021.
Selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, qui doit être affinée durant cette soirée électorale avec les résultats, elle s'élève à 66,1% en France. C'est 16 points de plus qu'au dernier scrutin en 2015 où elle s'était élevée à 50,09%. En 2010, elle se situait à 53,67%, et en 2004 à 39,16%.
69,27% d'abstention dans les Pays de la Loire
Toujours selon Ipsos/Sopra Steria, les Pays de la Loire seraient la deuxième région la plus abstentionniste, après le Grand Est (70,38%), avec un taux record : 69,27%, contre 42,75% en 2015 et 48,22% en 2010. La région où les électeurs se sont le plus mobilisés serait la Corse avec un taux d'abstention de 44,5%.
Comment expliquer cette abstention historique ? Nous avons posé la question au politologue mayennais Arnauld Leclerc, qui intervenait sur le plateau de France 3 Pays de la Loire, pour cette soirée électorale du 20 juin 2021.
Le professeur de sciences politiques à Nantes estime que cette abstention est d'abord liée à un phénomène conjoncturel, la sortie de la pandémie : "Il y a eu des privations, les gens n'ont pas encore la tête à ce genre d'horizon politique. Il y a plus une envie de faire la fête, sortir et aller en vacances que de s'occuper de politique".
Distance à l'égard de la politique "politicienne"
Il existe également selon lui un facteur structurel, installé depuis plusieurs années et "qui s'aggrave au fur et à mesure du temps qui est la prise de distance d'une grande partie de la population française à l'égard de la politique. En tout cas de la politique "politicienne" qui agit à coup de parti, à coup d'élection et qui suscite moins d'intérêt aujourd'hui".
Les jeunes sont ceux qui s'abstiennent le plus : les écologistes et le RN en pâtissent
Selon une autre étude réalisée par Ipsos-Sopra Steria, "Sociologie des électorats et profil des abstentionnistes", pour France Télévisions, publiée ce dimanche 20 juin, plus on est jeune, plus on s'est abstenu. 87% des 18/24 ans et 83% des 25/34 ans ne se seraient pas déplacés aux urnes tandis que les électeurs de 70 ans et plus n'ont été "que" 40% à s'abstenir.
Ainsi, "des listes politiques reculent plus que ce à quoi on s'attendait car elles ont de base un électorat jeune, analyse Arnauld Leclerc. C'est le cas des écologistes - jeunes diplômés - et du Rassemblement national - jeunes peu diplômés. A l'inverse, Les Républicains et le Parti Socialiste, qui ont un électorat âgé - plus de 60 ans - ont réussi à faire à peu près le plein de leurs électeurs".
Un scrutin incompréhensible : comment le rendre plus accessible ?
Pour faire voter les jeunes, il paraît nécessaire de rendre ce double scrutin plus lisible.
"C'est incompréhensible. Il faut que les élections à l'échelle locale correspondent à des autorités qui aient un vrai pouvoir et qu'il soit identifié. Et c'est loin d'être le cas aujourd'hui", considère le politologue, qui va même plus loin, remettant en question la légitimité des élus départementaux, "le département est une structure qui distribue des aides d'Etat pour lesquelles il y a très peu de libertés alors pourquoi faut-il des élus ?"
"Trop d'élections tue l'élection, poursuit Arnauld Leclerc, la région, en revanche, est une autorité où il y a bien plus de libertés mais si l'on veut que les gens puissent les identifier et aient de bonnes raisons d'aller voter, il faut qu'il y ait des pouvoirs plus lourds, comme c'est le cas en Italie, en Espagne, Etats unitaires et non fédéraux... où les élections régionales sont tout de même majeures."
"Ne pas passer que par l'élection"
Pour le politologue, aller chercher les jeunes et faire revenir les électeurs aux urnes doit passer par une palette de nombreux outils : "renouveler les formes de la politique : les partis, leur manière de fonctionner, ce que sont les élus, ne pas toujours passer que par l'élection, il existe des outils plus participatifs comme le référendum. Tous les outils ont des limites, aucun n'est une solution parfaite mais il faudra en explorer beaucoup pour espérer pouvoir reconstruire la confiance".