Depuis 2017, une centrale d’enrobage approvisionne les chantiers de l’autoroute A81, bordant la commune sarthoise de 600 habitants. Une association de riverains dénonce des nuisances et espère faire bouger les choses. La société Pigeon, qui exploite la centrale, clame sa transparence.
Nous avons rencontré Erwann Malmaison, responsable de chantier sur la centrale d’enrobage, il nous explique son fonctionnement. « La centrale peut produire chaque jour 2000 tonnes d’enrobé, soit, 3 centimètres d’épaisseur sur 3 kilomètres de long et 11 mètres de large pour une autoroute ».
Il vante les progrès réalisés par la centrale au niveau environnemental : « Nous recyclons les anciens enrobés afin de moins puiser dans les carrières. La combustion nécessaire au mélange des matériaux et du bitume ne s’effectue plus au fuel lourd mais au gaz naturel (propane liquide). Ce gaz correspond à celui d’un feu de gazinière, il n’est pas dangereux. Il n’y a aucun produit toxique émis par la centrale, ce sont seulement des émissions de gaz naturels, de la vapeur d’eau. D’ailleurs, nous respectons les normes d’émissions imposées par l’Etat : deux contrôles inopinés par semaine vérifient que notre production est conforme et si elle ne l’est pas, alors nous devons couper l’activité de la centrale. Certaines personnes travaillent ici depuis dix ans et ne connaissent aucun souci de santé. »
L’inquiétude grandit autour d’émissions de particules cancérigènes
Le son de cloche est bien différent chez les riverains adhérents de l’association « Du Goudron sur les plumes ». Olivier Gemberling, secrétaire de l’association, se montre inquiet mais déterminé :
En effet, selon les adhérents de l’association, les contrôles déjà effectués manquent véritablement de transparence. Au-delà de la mauvaise odeur dégagée par la production d’enrobé, l’inquiétude autour d’émissions de particules cancérigènes grandit et amène l’association à revendiquer l’installation de filtres sur les cheminées pour retenir les particules.Les émissions polluantes ne sont pas contrôlées. Il y a une information annuelle sur trois composants chimiques (souffre, poussières et dioxyde d’azote) mais rien sur les autres. Nous souhaitons qu’un comité de suivi puisse avoir la compétence de demander l’instauration d’un contrôle indépendant afin d’éviter de contrôler le site lorsque l’activité est au ralenti.
Les émissions de la centrale située à environ quatre kilomètres de Loué pourraient, à terme, remettre en cause le label des poulets de Loué. Voilà un autre enjeu soutenant la lutte de l’association. Celle-ci dénonce aussi les nuisances sonores, les routiers acheminant l’enrobé sont notamment mis en cause lorsqu’ils se klaxonnent la nuit pour se saluer.
De plus, lorsque l’activité bat son plein, 150 camions circulent sur la départementale qui mène à la centrale, l’enjeu sonore devient aussi sécuritaire.
Ce site industriel s’inscrit dans une logique économique favorisant l’emploi
Le maire de Joué-en-Charnie, Régis Noir, est partagé : « L’installation de cette centrale était initialement provisoire afin de répondre aux besoins du chantier sur l’A81. Le groupe Pigeon, originaire de Bretagne, a voulu s’installer dans le Maine définitivement. La demande a été acceptée par la préfecture. Je comprends les oppositions à cette centrale, la mauvaise odeur concerne tout le monde mais ce site industriel s’inscrit dans une logique économique favorisant l’emploi. Je pense notamment aux nombreux sous-traitants qui viennent entretenir la centrale et aux routiers. La décision autorisant la centrale à s’installer ne dépend pas de moi mais des services de l’Etat, tout comme les aménagements de voiries dépendent du département. »
En ce qui concerne les rejets toxiques, le maire remet la responsabilité de cet enjeu à la préfecture : « C’est à elle de donner l’autorisation de contrôler. »
Un comité de suivi devrait être créé. Il pourrait peut-être permettre d’instaurer un dialogue plus sain entre la société Pigeon, les riverains désabusés de l’association « Du Goudron sur les plumes » ainsi que la mairie. L’épilogue de ce conflit parait encore lointain.
► Voir le reportage de Rémy Poirot et Etienne Breil