"C'est un drame humain", on vous explique pourquoi cet Ehpad fermera définitivement dans quelques mois

L'Ehpad "le Paradis" de Tennie en Sarthe devra fermer d'ici au 30 juin 2025. Devenu vétuste et potentiellement dangereux pour les professionnels qui y travaillent et les résidents qui y vivent, l'établissement avait ouvert ses portes en 1975.

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Il portait pourtant un joli nom, "Le Paradis". Depuis 1975, l'Ehpad de Tennie, petite commune de 1000 habitants au nord du Mans, faisait partie du décor.

Le 30 juin 2025, l'établissement et son foyer autonome qui loge 95 personnes fermeront définitivement. L'annonce faite par l'ARS et le département ce 23 octobre est brutale. Dans la commune, personne ne comprend.

"C'est une catastrophe"

Annick, originaire du coin, n'en revient pas. 

 "C'est une catastrophe, c'est un drame humain ! Pour moi, pour les résidents, pour les habitants, pour tout le monde, pour la commune aussi, pour les commerces qui restent. Par exemple, les familles venaient le dimanche, et emmenaient leur proche au restaurant." 

Le coiffeur s'occupait aussi des résidents, "c'est vraiment, pas pensable", souffle annick.

Une tante de mon mari vit là, depuis que son époux est en foyer logement, "les enfants peuvent venir quand ils veulent. Et ça fait une petite animation dans la maison de retraite. Quand on y va, on dit bonjour à tout le monde"

Là, vraiment, c'est catastrophique, une chose pareille. On ne s'y attendait pas. C'est une bombe à retardement qui est tombée

Annick

Parente d'un résident de l'Ehpad de Tennie

"Vraiment, ça va être compliqué pour leur santé morale et physique, ça va être très dur, c'est un bel endroit.  C'est malheureux qu'ils ne se soient pas rendus compte plus tôt de la nécessité des travaux à entreprendre. C'est ça, le gros problème. Aujourd'hui, il est trop tard pour réagir puisqu'il faut fermer"

Je pense aux résidents qui ont leurs habitudes. Et le personnel, ça va encore faire du chômage

Annick

Parente d'un résident de l'Ehpad de Tennie

"Ils sont une soixantaine, je crois, à travailler ici. Et pour les familles qui n'ont pas de moyens de locomotion, et qui doivent rendre visite à leurs proches ?  Ils vont aller où les anciens ? C'est un changement qui va bouleverser tout le monde ?", grommelle Annick en s'éloignant.

Vétusté et système électrique défaillant

En cause, la vétusté des bâtiments, et surtout une installation électrique vieillissante et dangereuse. La remise en sécurité coûterait 4,2 millions d'euros. L'établissement n'a pas les reins suffisamment solides pour supporter un tel investissement. 

Quand elle est arrivée en poste, la directrice Céline Montigny-Frapy connaissait la situation ; Un bâtiment datant de presque 50 ans, dont les dernières extensions remontent à 1998.

Répondre aux attentes en matière d'accueil pour les résidents, "bien évidemment, ça faisait partie des projets de l'établissement", assure la directrice. 

Aujourd'hui, elle doit faire face aux angoisses des personnes âgées et des personnels.

Concrètement, la question, c'est comment on organise l'accompagnement du transfert des résidents et des locataires et le suivi des professionnels vers un nouvel emploi

Céline Montigny-Frapy

Directrice de l'Ehpad

Pour les professionnels comme pour les usagers, il faudra agir individuellement, car "chacun à une histoire personnelle ", convient la directrice. "Nous mettrons le temps qui nous est accordé pour répondre aux besoins de chacun", promet-elle.

La décision est lourde conséquence, le maire de la commune accuse le coup.

"C'est la commission de sécurité qui a jugé utile, à la demande de la direction, d'aller dans les vides sanitaires qui sont sous la résidence autonome. À cet endroit, il y a tous les fluides qui passent. Et c'est un lieu très humide, donc il y a eu des corrosions. C'est le principal argument de sécurité, de non-continuité de l'établissement."

Il y a de l'eau qui monte dans les sous-bassements, et évidemment, l'humidité entraîne des corrosions de tuyaux, il peut y avoir un risque de cassure, de fils électriques qui tombent dans l'eau, donc des dangers réels

Michel Patry

Maire (SE) de Tennie

Un crève-cœur pour l'élu qui essaie de maintenir une activité économique sur la commune. 

Je suis vraiment désolé vis-à-vis de ma population, mais je ne suis pas totalement responsable

Michel Patry

Maire (SE) de Tennie

"J'ai mon papa qui est à l'Ehpad depuis huit mois, donc c'est un coup de massue vraiment pour ma famille et toutes les familles qui sont ici, évidemment. On espère tous un nouvel établissement sur le territoire", veut croire le maire. "Quand on a des parents en maison de retraite, on veut qu'ils soient bien traités, qu'ils soient près de nous, qu'on ne les emmène pas sur le Mans où ailleurs. Ici à la campagne, on a vraiment des lieux bucoliques, le plan d'eau, un circuit PMR, donc plat pour les personnes qui ont du mal à marcher, le site est idéal. "

Reste désormais à reloger les résidents et redéployer les 62 salariés.

"La fermeture était inévitable"

"La fermeture était inévitable au regard des risques qui, aujourd'hui, sont pointés par la sous-commission départementale de sécurité, avec en appui des expertises diligentées par un bureau d'études et un bureau de contrôle, qui mettent en avant l'insécurité des biens et des bâtis, et également un établissement qui devient dangereux pour ceux qui le fréquentent, qui y travaillent ou qui y sont logés", affirme Stéphane Domingo, directeur de la délégation ARS de la Sarthe. 

"Cet établissement a la particularité d'avoir plusieurs vides sanitaires qui doivent être maintenues en eau constamment. Et dans ces vides, en fait, passent tous les flux d'alimentation de l'établissement, flux électriques, conduite de gaz, conduite d'eau, eau propre, eau usée. L'état est tellement dégradé, avec des points de corrosion très forts, que l'on craint, en fait, une chute des réseaux qui passent", précise-t-il.

Un modèle économique fragile

L'ARS l'assure, toutes les places vacantes dans le département seront réservées en priorité aux résidents et aux professionnels. Les syndicats attendent de voir.

Derrière cette affaire, c'est aussi le modèle économique des structures d'accueil qui pose question. "On a de plus en plus d'établissements EHPAD. Finalement, quel que soit le statut, qu'il soit public, privé, associatif, qui se retrouvent en difficulté financière importante, on a un modèle économique des EHPAD qui est aujourd'hui particulièrement interrogé et qui ne permet pas de donner suffisamment de moyens aux établissements et à leurs directions pour assurer aussi une stabilité économique, une trajectoire financière sécurisée. Ce qui amène donc les établissements à être en difficulté", reconnait Stéphane Domingo.

L'établissement de Tennie, comme d'autres, peine à maintenir un équilibre financier. 

"Il était également en difficulté financière puisque agences et départements lui octroyaient des subventions en trésorerie pour lui permettre de payer les salaires et régler les factures des fournisseurs", confirme le représentant de l'ARS. 

"Il faut probablement revoir le modèle économique de ces établissements-là, revoir aussi les normes, en tout cas les demandes de qualité et de sécurité qui leur sont faites, qui représentent des coûts qui aujourd'hui ne sont pas financés, hormis par la variable qui est le prix de journée, et donc financée par les familles et les résidents. Et il y a des limites à ce type de financement", soutient Stéphane Domingo.

Céline Montigny-Frapy, elle, veut tenir bon. "Il est vrai que même si la décision est inattendue, qu'elle surprend et peut choquer, nous avons malgré tout le temps de pouvoir procéder aux accompagnements nécessaires, nous ne sommes pas dans la précipitation et l'urgence qui rajouteraient encore de l'inquiétude. Il va y avoir des hauts et des bas, donc on sera là tous ensemble pour arriver à les surmonter et pour se dire qu'avant l'échéance du 30 juin, on aura réussi à relever ce défi".  

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