C'est l'ensemble des personnels de ce service qui est appelé à ce mouvement de grève illimité, aux urgences de l'hôpital du Mans. L'afflux de patients qui nécessiteraient des soins en psychiatrie a encore dégradé une situation déjà sous tension.
Aux urgences du Mans, cinq médecins officient, alors que six postes devraient être pourvus dans ce service qui tourne 7j/7, 24h/24 et qui prend en charge, en moyenne, 180 patients chaque jour. Ce service est dimensionné pour accueillir 40 000 patients par an, or, ce sont désormais jusqu'à 65 000 personnes qui y passent dans l'année.
Selon le syndicat FO, ce sont dix médecins supplémentaires dont ont besoin les urgences.
Des patients atteints de pathologies mentales
La situation est devenue encore plus tendue depuis que l'établissement de santé mentale de la Sarthe (l'hôpital psychiatrique) a fermé 42 lits. Depuis, les urgences reçoivent des patients atteints de pathologies mentales qui devraient être pris en charge dans un établissement spécialisé, mais qui ne le sont pas, faute de place.
"On a des patients psychiatriques qui déambulent dans les couloirs puisqu'on n'est pas équipés pour pouvoir gérer ces gens-là, dénonce Marc Gandon, représentant FO du personnel à l'hôpital du Mans. Les conditions de travail étaient déjà dégradées, ça devient insupportable."
Un rassemblement était organisé devant l'hôpital en début d'après-midi ce jeudi 29 février. Environ 200 membres du personnel étaient présents.
Lors de ce rassemblement, des mannequins représentant des patients ont été posés devant l'hôpital. L'un évoquait une personne de 41 ans ayant dormi sur un matelas au sol pendant trois jours. Un autre figurait un patient de 56 ans, attaché durant 11 jours sur un lit. Un de ces patients qui auraient dû être pris en charge à l'établissement de santé mentale.
"On ne fait pas du soin comme on nous l'a appris"
"C'est très compliqué de prendre un patient en charge aux urgences (psychiatriques) déclare Cindy, infirmière aux urgences psychiatriques, puisqu'on sait qu'il va systématiquement attendre un, deux, trois, quatre jours, voire, pour la dernière patiente, 18 jours dans des conditions qui sont délétères pour lui puisqu'il n'a pas accès aux soins tout de suite. Le traitement n'est pas mis en place tout de suite, il n'a pas un lit, des toilettes, une douche. On ne prend pas en soin le patient comme on voudrait le faire."
Cette infirmière vit mal ces conditions de travail et s'estime parfois maltraitante avec les patients.
"On ne fait pas du soin comme on nous l'a appris, regrette-t-elle, et comme on aimerait le faire. Du coup, ça nous rend mal".
Un constat que confirme son collègue Kévin, infirmier, qui décrit des patients qui devraient relever de la psychiatrie et qui, faute de place, errent dans les couloirs des urgences ou, parfois, sont contentionnés (attachés) pendant plusieurs jours.
"C'est ingérable ! dit-il. Les urgences, ce n'est pas fait pour garder des personnes pendant 48 heures, une semaine, ce n'est plus possible."
"On n'a plus rien à proposer"
"On vit depuis plusieurs mois une situation compliquée qui est due à une grande tension sur les lits de psychiatrie", reconnaît Alexandre Morand, le directeur général adjoint de l'hôpital du Mans qui évoque des difficultés de recrutement de médecins à l'hôpital psychiatrique d'Alonnes, qui a dû fermer des lits.
"Il n'y a plus de perspectives, on ne voit plus de solutions pour essayer de sortir de cette crise, déplore le Dr Lionel Imsaad, le chef du service des urgences. On a essayé plein de choses depuis 18 mois avec la direction, avec l'Agence Régionale de Santé, pour essayer d'apporter des solutions. Il n'y en a aucune qui a porté ses fruits. On est au bout de tout ce à quoi on a pensé, on n'a plus rien à proposer et ça s'aggrave tous les jours."
"On comprend la grande frustration de nos équipes"
Du côté de la direction de l'hôpital, on comprend cette grève, mais on emploie un vocabulaire très mesuré pour le dire.
"Le service des urgences n'est pas pensé, architecturalement pour accueillir ces patients-là pendant plusieurs jours, déclare le directeur adjoint. On comprend la grande frustration de nos équipes et la volonté que les choses s'améliorent. On souhaite que des solutions puissent être trouvées rapidement."
Le problème, c'est que ces éléments de langage, les personnels les connaissent bien et ils ne suffiront pas à satisfaire les grévistes.
Demain, si cette équipe tombe, il n'y a plus d'offre d'urgence nulle part en Sarthe.
Dr Lionel ImsaadChef des urgences de l'hôpital du Mans.
Dans cet établissement de santé, comme dans tous les autres, on sait bien, aussi, que si les conditions de travail se détériorent, cela se sait et le recrutement de personnels devient plus difficile. Or, au Mans, ces personnels soignants s'épuisent et sont tentés de trouver mieux ailleurs. Qui va être candidat dans de telles conditions pour venir les remplacer ? Un cercle aussi vicieux qu'infernal.
Une assemblée générale a eu lieu qui a décidé la poursuite du mouvement de grève et une nouvelle mobilisation la semaine prochaine.
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