Sarthe et Mayenne : les moulins à eau, patrimoine sacrifié pour préserver les poissons ?

Les moulins à eau sont-ils une espèce en voie de disparition ? L'eau des rivières est de mauvaise qualité, il conviendrait de rétablir leurs cours naturels pour la circulation de la faune piscicole et celle des sédiments. Mais souvent leurs barrages sont aussi producteurs d'énergie électrique.

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Les moulins à eau, et surtout leurs barrages, sont-ils menacés disparition? Voilà plus de dix ans que les propriétaires d'ouvrages hydrauliques se battent contre la suppression de leurs barrages, mise en oeuvre par l'administration au nom de la préservation des poissons migrateurs. 

Pour leur disparition

"J'aurais dû refuser", se désole encore Michel Richard, propriétaire du moulin des Prés, à Montigné-le-Brillant en Mayenne. Le seuil de son moulin, sur le Vicoin, a été démantelé en 2014 après "50 réunions" avec l'administration.
"Il y avait des pressions de tous bords. Je voulais produire de l'électricité. J'ai tout fait pendant 5 ans pour garder mon barrage", raconte-t-il.

Sur ce sous-affluent de la Loire, 24 ouvrages hydrauliques (barrages à clapets, seuils bétonnés, batardeaux) ont été détruits ou aménagés, pour permettre le passage des poissons et des sédiments. L'administration "veut détruire les seuils des moulins", juge Alain Forsans, président de la Fédération  Française des  Associations de sauvegarde des  Moulins (FFAM). "Pour elle, c'est à cause des seuils que l'eau est polluée."

Ces petits barrages, qui permettent d'utiliser la force motrice des rivières, sont considérés comme un obstacle à la remontée des poissons migrateurs. Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 et une circulaire de 2010, la restauration de la "continuité écologique" des cours d'eau est devenue un des objectifs phares des agences de l'eau.

Et un décret de juin 2020, allégeant les procédures pour détruire les seuils, a encore crispé les relations entre "amis des moulins" et administration.

"Pour qu'un cours d'eau fonctionne correctement, il faut que les sédiments, les plantes, les zooplanctons et les poissons circulent. Et il faut que le cours d'eau puisse sortir de son lit en période hivernale"

Martin Gutton, directeur de l'agence de l'eau Loire Bretagne



Les barrages en question sont "souvent des ouvrages abandonnés ou qui ne fonctionnent plus et dont on ne peut plus ouvrir les vannes", avance-t-il, en soulignant qu'un barrage est "fortement dégradant de la qualité de l'eau".

Depuis 2013, 1440 ouvrages ont été rendus "franchissables" sur le territoire de l'agence de l'eau Loire Bretagne, pour un coût de plus de 50 millions d'euros.
 

Pour leur maintien

Cette politique a donné lieu depuis dix ans à de vifs débats entre partisans et opposants, jusqu'à l'Assemblée nationale. Chacun se renvoyant des arguments scientifiques sur l'intérêt ou non de la suppression des seuils.

"La controverse scientifique arrive après la prise de décision politique", regrette Simon Dufour, géographe, directeur de recherche au CNRS (Université Rennes 2).
Selon lui, "la décision politique s'est appuyée sur un état un peu partiel de la connaissance scientifique. Vouloir faire partout la même chose pose question".

Si la suppression d'un barrage favorise indéniablement la reproduction des poissons migrateurs, elle peut en revanche avoir un impact négatif sur les zones humides alentour, réservoirs de biodiversité.
 

"Les cours d'eau de l'Ouest de la France ne transportent pas beaucoup de sédiments grossiers car il n'y a pas beaucoup de pente. Un seuil n'entrave pas grand chose"

Anne-Julia Robert, géographe, maître de conférence à Rennes 2



En outre, certains propriétaires ne comprennent pas qu'on les empêche de produire de l'électricité hydraulique et estiment que le gouvernement s'en prend à eux par crainte du "lobby agricole", responsable, selon eux, de pollutions aux pesticides.

En 2015, moins de la moitié (44,2%) des masses des cours d'eau étaient en "bon état écologique en France".

Au ministère de la Transition écologique, on assure ne pas privilégier "la suppression des ouvrages", même si "cette solution" reste "la plus efficace d'un point de vue uniquement écologique"

"Notre objectif est de restaurer la circulation des poissons et le transport des sédiments de façon à atteindre le bon état écologique des cours d'eau", une nécessité "pour faire face au mieux à l'effondrement de la biodiversité aquatique", souligne le ministère, qui a identifié "5000 ouvrages à traiter en priorité" d'ici à 2027.

La suppression ne sera pas la seule réponse et ne concernera pas la majorité des opérations. Car, à quoi bon défaire des barrages en Mayenne ou en Sarthe, si au bout du bout, la jonction ne peut se faire avec la Loire par exemple, du fait de la présence d'un ouvrage de régulation du niveau de la Maine à Angers ?
 
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