On surnomme la course l’Everest des Mers et vous allez comprendre pourquoi. Nous avons recueilli les témoignages de skippeurs qui ont osé affronter la bête. Des femmes et des hommes dont les témoignages vont étayer la Nuit du Vendée Globe, diffusée ce jeudi sur France 3 Pays de la Loire, à partir de 22 h 50.
Et vogue la galère des débuts
Né d’un pari entre amis initiés par Philippe Jeantot, le Vendée Globe voit le jour en 1989 : un tour du monde en solitaire, sans escales ni assistance pour les 13 bateaux au départ. Le 10 novembre prochain, 40 skippers s’élanceront des Sables d’Olonne pour cette course mythique, reconnue comme l’une des plus folles et exigeantes au monde, fascinant des milliers de terriens.
La course n’avait pas eu bonne presse au début. C’était vécu comme un truc de dingues
Philippe JeantotCréateur du Vendée Globe
Des femmes aux confins des océans : audace et frissons du large
Et pourtant, les candidats au départ sont de plus en nombreux et avec eux apparaissent les premières femmes. Isabelle Autissier ou Catherine Chabot. "J’avais peur de naviguer sur les mers du sud et de croiser des icebergs. Et en même temps, je rêvais de naviguer sur les mers du sud et de croiser des icebergs". Dans un sourire, Catherine dévoile le caractère dualiste des concurrent.e.s.
Et vient le jour du départ, l’émotion de quitter la terre ferme et les siens. Personne n’y coupe, Catherine Chabot en tête. "Ma mère me disait toujours : pars libre, ne te charge pas de nos émotions et concentre-toi sur ta course".
Lorsque l’immensité de l’océan devient un compagnon silencieux
"Il y a un truc marrant, c'est qu'à la fois, j'ai l'impression de vivre confinée dans mon bateau parce que je peux passer des semaines dans un espace très petit" se confie Isabelle Joschke.
"Et en même temps, c'est confiné dans mon bateau que je vais faire le tour du monde et que je vais explorer des océans que personne ne connaît. Il y a à la fois l'infiniment restreint et l'infiniment grand".
Golfe de Gascogne, l’épreuve initiatique des âmes marines
Partir début novembre, c’est l’assurance de croiser très vite une météo en mer compliquée. Et très vite, avec le Golfe de Gascogne. "On est sûr d’en prendre au moins une bonne, histoire de se mettre en jambes !".
Et Yves Parlier d’enchaîner : "On est comme dans une transition entre terre et mer. En répétition générale avec ce qui nous attend durant toute la course. Et plus le temps passe, plus on se sent invincible, surtout quand on est en solitaire, en manque de sommeil. Comme en transe où tout peut arriver".
Là où la lumière se fait rare et l’air se fige : l’entrée dans les mers du Sud
Le Golfe de Gascogne est derrière les bateaux, les premières colères de l’océan également. Et puis vient le moment magique. Celui que tous les engagé.e.s attendent, comme un passage que beaucoup fêtent au champagne d’ailleurs.
Et pourtant, passer la ligne, c’est comme ouvrir une porte qui se referme derrière vous, sans espoir de réouverture.
"Ce moment est magique pour moi " avoue Thierry Dubois. "C’est tellement symbolique, le passage de la ligne. Et au pôle Sud, on perd tous ses repères. Chez nous, l’Étoile polaire est nord. En fonction de sa hauteur, on sait à quelle latitude on se trouve. Au Pôle Sud, on n’a plus aucun repère".
Et d’un seul coup, tout change, à commencer par la température extérieure
Isabelle AutissierNavigatrice
La petitesse des navigateurs face à l'immensité des océans
De l’avis de tous ceux qui passent par là, il fait de plus en plus froid, les lumières changent aussi, pour devenir plus rases. Et puis la houle commence à enfler. On croise les premières déferlantes. " Devant ces vagues, on se rend compte de notre petitesse " avoue Isabelle Autissier. "Mais paradoxalement, On se sent aussi très grand parce qu’on se sent capable de faire face et de trouver des solutions". Malgré les conditions qui se durcissent de plus en plus.
"Il suffit de regarder une mappemonde, et de s’attarder dans les mers du sud, autour de l’Antarctique, pour comprendre" explique Philippe Jeantot. "Il n’y a aucune terre qui arrête les vagues. Elles font le tour du monde et prennent de la hauteur, sans que rien ne puisse les arrêter".
Et les déferlantes se transforment en scélérates
Si l’enfer existe sur terre, je l’ai vécu dans ces tempêtes-là, c’est évident
Raphaël DinelliSkipper sur Algimouss en 1996
Il est encore gagné par l’émotion quand il évoque le Vendée Globe 96/97. Une troisième édition qui va virer à l’enfer sur mer. Raphaël raconte ces vagues "hautes comme des falaises". "25, peut-être 30 mètres de haut et mon bateau qui se met en travers. Erreur fatale, il est emporté et roule comme un tonneau. Tout devient blanc, je suis complètement perdu, sans savoir où je suis".
Mais Raphaël Dinelli va s’en sortir, comme Thierry Dubois ou l’Anglais Pete Goss, au prix d’une mobilisation générale incroyable…
Liés par les vents et les vagues : la fraternité silencieuse des marins
La solidarité des marins n’est plus à démontrer. Elle ne pourra en revanche rien pour Gerry Roufs, dont le bateau subira les assauts des mêmes vagues. On ne retrouvera jamais le Canadien. Juste quelques morceaux de son bateau, un an et demi après, au large du Chili.
"C’est cette fois-là que tous ceux qui suivaient la course depuis la terre ont pris conscience des risques encourus par les navigateurs en solitaire". Le regard de Philippe Jeantot reste dans le vide quelques secondes.
La course prend son envol : les voiles embrassent le ciel
La 10ᵉ édition du Vendée Globe partira avec des bateaux qui offrent la perspective d'un tour du monde en moins de 80 jours. Grâce à une technologie des bateaux à foils.
On apprend à l'école qu'un bateau navigue selon les principes d'Archimède. Aujourd'hui, bye-bye, Archimède
Giancarlo PedoteNavigateur
Giancarlo Pedote, qui va s’élancer le 10 novembre, en a conscience : "Nous, on a des bateaux volants, donc c'est plutôt Bernoulli. C'est l'aile d'avion. Forcément, tout a changé. Et ça, on ne peut pas freiner la technologie, mais la nature reste la plus forte et on ne pourra rien changer. Il faut rester ambitieux mais modeste.
"Les dévoilés" : Un documentaire de 52' de Yannick Charles. Une coproduction Bleu Iroise / Carrément à l'Ouest.
À voir le jeudi 7 novembre à 22h50 sur France 3 Pays de la Loire, mais aussi le vendredi 8, le lundi 25 novembre et le mardi 3 décembre à 9 h35.
Suivi à 23h40 du documentaire "Vendée Globe 1996/1997 : une course en enfer". Un film de
Jeanne Lefèvre. Coproduction Hauteville Productions-Karina Si Ahmed-Guillaume Allary.
Puis à 00h40 le documentaire "Vendée Globe 2020/2021, un monde d'émotions". Un film de Christophe Duchiron. Coproduction Saem Vendée – Nefertiti Production.
Pour finir à 1h30 le documentaire : "Itinéraire d'un marin pas sage" de Mathurin Peschet. Coproduction Les Films de Traverse.