Elles ont toutes les deux abandonné après des avaries mais toutes les deux ont décidé de continuer le chemin pour ramener leur bateau au bercail. Pour se soutenir mutuellement elles font route ensemble. Encore une histoire dans l'histoire du Vendée Globe.
Pour Sam Davies, la fin de la course a sonné le 2 décembre, lorsqu'après avoir heurté un OFNI (objet flottant non identifié) la skipper d'Initiatives-Cœur a dû faire route vers Cape Town, en Afrique du Sud pour réparer... et abandonner. Mais pas question de mettre fin à l'aventure.
"J’ai toujours dit que ma mission était de faire le tour du monde sur ce bateau" disait la navigatrice anglaise, lors de son escale technique à Cape Town.
Et elle est repartie.
Isabelle Joschke, de son côté, a eu beau tenter de réparer, elle n'est pas parvenue à remettre en état son verrin de quille qui avait cassé. Le 9 janvier, alors qu'elle était 11e au classement provisoire et première des cinq femmes encore en course, elle est contrainte de faire route vers le Brésil.
"Je suis quand même fière, déclarait alors la Franco-Allemande. Fière de mon parcours, fière de ma course, fière d'avoir passé les trois caps et d'avoir montré qu'avec la MACSF on était là. Et ça, on ne nous l'enlèvera pas."
Cette décision de faire route ensemble, elles l'ont prise en concertation. Pour se tenir chaud. Veiller l'une sur l'autre.
Après avoir navigué dans la tempête avec une quille instable pour rejoindre Salvador de Bahia et réparer, Isabelle Joschke a eu le temps de réfléchir quand le temps s'est calmé. C'est alors qu'elle a pris la décision, si les réparations étaient possibles, de ramener elle-même le bateau aux Sables d'Olonne, "en solo" nous a-t-elle expliqué. "C'est à ce moment-là, dit-elle, quand j'étais tout proche de Bahia qu'elle (Samantha Davies) m'a proposé de l'attendre pour faire le reste du chemin ensemble."
"On est resté en contact depuis le début de la course"
"Isa et moi, nous confiait Samantha Davies le 9 février dernier, on est voisines de ponton à Lorient. On est toujours resté en contact depuis le début de la course et puis nos bateaux ont les mêmes performances alors on s'est dit que ce serait trop top de finir le chemin ensemble. C'est mieux de savoir qu'on n'est pas toute seule."
Et finalement, c'est Samantha qui s'est retrouvée à attendre Isabelle, les réparations sur MACSF étant plus longues que prévu. Le 5 février, Isabelle Joschke a donc repris la mer pour rejoindre sa copine.
Les deux femmes échangent beaucoup entre elles, parlent de la météo, essayent de faire les bons choix, de prendre les bonnes décisions.
"On a des bateaux un peu fatigués, reconnaît Sam Davies, on doit prendre des décisions pour protéger nos bateaux, pour ne pas prendre de risques dans l'Atlantique nord où c'est l'hiver." Ce que confirme Isabelle. "On s'appelle très très régulièrement, tous les matins pour faire le point. Ce qu'on a comme conditions, ce qu'on a comme voilure..."
Et d'ailleurs, Samantha a réduit sa voilure pour attendre Isabelle.
Pour Sam Davies, continuer l'aventure était une évidence. Elle avait eu un tel mauvais souvenir de son démâtage dans l'édition 2012-2013 du Vendée Globe ! Contrainte d'abandonner et de regarder les autres poursuivre leur tour du monde. Avant même de prendre le départ en novembre dernier, elle avait pris la décision de continuer hors course s'il le faudrait, à condition que le bateau le permette bien sûr.
"Continuer de sauver des enfants"
"Le projet Initiatives-Cœur, ça fait cinq ans que je le prépare pour sauver des enfants, tient à préciser Sam Davies. Et je voulais, même si c'était hors course, continuer de sauver des enfants !" Car plus on parle de son aventure, plus elle a de fans qui la suivent sur les réseaux sociaux et plus les partenaires financiers donneront pour cette cause qui permet d'opérer en France des enfants atteints de malformations cardiaques et venant de pays moins pointus dans cette technique chirurgicale.
"Je voulais sauver 60 enfants et là je suis à presque 70 (72 selon le site de Initiatives Cœur) et il y a encore deux semaines à courir !"
Le Vendée Globe est vraiment une course mixte et, une fois qu'on est sur l'eau, on n'a pas un regard différent des autres parce qu'on est une femme."
Derrière cette idée de faire route ensemble, il y a aussi une solidarité féminine. "On est super contentes qu'on parle de nous pour montrer la force des femmes, reconnaît Sam, pour montrer au public la résilience des femmes. On est deux à boucler le tour du monde hors course ! Peut-être que ça peut inspirer des plus jeunes, d'autres femmes. Clarisse (Cremer, Banque Populaire X, arrivée 12ème) a fait un super parcours et n'a pas fini très loin des premiers. C'était son premier Vendée Globe !"
Un groupe WhatsApp des filles
La navigatrice avait même créé un groupe WhatsApp pour les six femmes du Vendée Globe. "On s'envoie des messages régulièrement, révèle Isabelle Joschke. Cette proximité entre les deux navigatrices s'est affirmée sur la Route du Rhum il y a deux ans. Toutes deux ont abandonné presque en même temps. "On s'est retrouvées au ponton, à Lorient, c'était assez dur" se souvient Isabelle.
Faire route ensemble, c'est aussi, pour la skipper de MACSF, soutenir Samantha qui a abandonné début décembre et s'est retrouvée rapidement seule, hors course, avec forcément moins d'interactions avec les autres concurrents. " Moi, j’ai été en course 63 jours, précise Isabelle Joschke, j’ai passé les trois caps en course, ça a été une aventure de dingue, je me suis surpassée pendant des semaines. On n’a vraiment pas vécu la même histoire."
Isabelle Joschke est attenduaux Sables mercredi entre 12 heures et 20 heures, Sam Davies entre le 25 et le 26, car les deux femmes n'envisageaient pas forcément une arrivée groupée. "On en a parlé avec nos équipes, dit Samantha. C'est peut-être bien qu'on fasse chacune notre arrivée parce que c'est un moment intense à célébrer."
Quant à reprendre un billet pour le prochain Vendée Globe, les deux navigatrices n'en sont pas encore là. Il faut d'abord rentrer. Même si Samantha avoue avoir envie de poursuivre avec ce bateau qu'elle aimerait bien pousser un peu plus.
Isabelle ne sera peut-être pas bien loin.