Deux élèves de première ont été placés sous le régime de la garde à vue à La Roche-sur-Yon mardi 26 septembre. Scolarisés au lycée Rosa Parks, ils sont soupçonnés d'avoir harcelé une élève de seconde. Les policiers sont venus les chercher directement dans le bureau de la proviseure de l'établissement. Une méthode encore peu utilisée par les forces de l'ordre, qui interroge les syndicats.
"Nous mènerons une lutte implacable contre le harcèlement" a promis Elisabeth Borne ce mercredi 27 septembre. Sans attendre les annonces gouvernementales, deux élèves de première, scolarisés au lycée Rosa Parks à La Roche-sur-Yon (Vendée), ont été interpellés mardi 26 septembre, en toute discrétion. Ils sont soupçonnés d'avoir harcelé une élève de seconde, c'est-à-dire exercé une violence répétée, verbale, physique ou psychologique, sur elle.
Tous deux placés en garde à vue
Les élèves ont été interpellés par des policiers en civil alors qu'ils avaient été convoqués dans le bureau de la proviseure. Dans la foulée, ils ont été placés en garde à vue pour être entendus par les services de police.
Au lycée ce matin du mercredi 27 septembre, les élèves ont fait leur rentrée comme si de rien n’était. Ils sont nombreux à avoir pris connaissance de l'intervention des policiers dans les médias, mardi 26 septembre. "Ça fait forcément un petit choc puisqu’on n’a pas l’habitude d’entendre ça", avance un élève interrogé avant le début des cours.
C’est très bien que les policiers soient intervenus, ça montre l’exemple, que ça peut aller très loin et que ce n'est pas rien. C’est quelque chose de grave, il faut le dire, porter plainte et en parler.
Une élève du lycéeA propos de l'arrestation de ses camarades
Une méthode qui interroge les syndicats enseignants
Au lendemain de leur interpellation, certains parents d'élèves restent prudents. "Si les faits sont avérés, ils sont condamnables, mais pour l’instant, on ne peut préjuger de rien du tout", avance ce père d'élève, interrogé alors qu'il déposait son enfant au lycée.
C'est seulement la deuxième fois en France que des élèves suspectés de harcèlement sont arrêtés au sein de leur établissement. La première interpellation du genre avait eu lieu il y a une semaine, directement dans la classe d'un collégien accusé de harcèlement à Alfortville (Val-de-Marne),
Benoît Duranteau, secrétaire départemental du syndicat enseignant UNSA en Vendée, s'interroge sur la décision d'arrêter des élèves au sein de leur établissement scolaire.
On voit quand même qu'il y a une certaine volonté de la part du ministre d'accentuer ce côté répressif. Il a dit hier à l'Assemblée nationale que la peur va changer de camp en parlant des harceleurs. On va voir ce que ça va donner, mais c'est quand même une réponse très forte de l’institution.
Benoît DuranteauSecrétaire départemental UNSA Vendée
L'élu craint que la méthode ne serve qu'à "faire peur à d'autres éventuels harceleurs" et nuise au travail pédagogique mené par les équipes éducatives auprès des élèves.
Selon un représentant de la CFDT, joint par téléphone, dans le cas du lycée Rosa Parks, une concertation avait été menée avec l'équipe pédagogique avant l'arrestation des deux lycéens.
Le plan anti-harcèlement du gouvernement dévoilé
Depuis sa nomination au poste de ministre de l’Éducation Nationale en juillet, Gabriel Attal a multiplié les prises de parole concernant la lutte contre le harcèlement scolaire. Le suicide de Nicolas, un jeune homme âgé de 15 ans scolarisé et harcelé à Poissy (Yvelines) au lendemain de la rentrée scolaire, a précipité la mise en place d’un plan gouvernemental anti-harcèlement, dévoilé ce mercredi 26 septembre par Elisabeth Borne et Gabriel Attal.
Sans préciser dans quels délais et sous quelles conditions, la première ministre vient d’annoncer que "tous les élèves de CE2 à la troisième vont remplir une grille d'auto-évaluation chaque année pour détecter les cas de harcèlement".
Numéro vert et cours d'empathie
D’autres mesures ont suivi. Toujours selon la ministre, à l'avenir, les personnels de la justice feront de la sensibilisation dans les établissements. Fini aussi les deux numéros d'écoute et de signalement dédiés aux victimes. Un seul et unique numéro de téléphone, gratuit, anonyme et confidentiel, le 3018, sera maintenu.
Gabriel Attal a quant à lui annoncé que "dès la rentrée de janvier 2024, il y aura une école pilote par département qui s'engagera dans les cours d'empathie et de respect de l'autre". Sans donner de détails sur cette mesure, le ministre s'engage à généraliser ces cours d'empathie à partir de septembre 2024.
Après l'arrestation des deux lycéens à La Roche-sur-Yon, ni la procureure de la République de La Roche-sur-Yon, ni le rectorat, ni la direction du lycée Rosa Parks n'ont souhaité s'exprimer à l'heure où nous publions cet article. Les deux élèves, eux, restent présumés innocents.
Carla Butting avec Elise Coussemacq et Boris Vioche.