Dans la nuit du samedi 30 au dimanche 1er décembre, des centaines de participants s'élanceront pour tenter de rallier Lyon à Saint-Étienne dans le froid et la nuit. Une course mythique à laquelle Sylvain Dhugues prendra part pour la deuxième fois. Le jeune homme, battu et harcelé jusqu'à l'adolescence revient de loin et voit dans le sport un exutoire des maux passés.
À l'heure où beaucoup seront au lit, eux seront au parc des expositions de Saint-Étienne (Loire). Dans ces hangars, au beau milieu de la nuit du samedi 30 novembre au dimanche 1er décembre, une armée de lampes frontales s'apprêteront à traverser le froid de la nuit pour la 70ème édition de la Saintélyon, une course de 82 kilomètres, en pleine nature.
Sur la ligne de départ, Thomas Cardin, vainqueur sortant et dans la forme de sa vie, Antoine Charvolin, son dauphin l’an passé qui nourrit de grandes ambitions, Baptiste Chassagne, le champion de France trail long en 2023 qui a fait de la Saintélyon sa priorité et Sylvain Dhugues, 24 ans, qui ambitionne... de terminer la course.
Un premier échec sur la course
Dossard 5707 sur la poitrine, ce Montpelliérain s'était déjà élancé sur cette redoutable course, en 2021. Alors qu'il en rêvait depuis plusieurs années, une blessure l'avait empêché de terminer l'aventure. Touché au 22ème kilomètre, après avoir glissé sur une plaque de verglas et s'être déchiré les muscles ischio-jambiers, il poussera 21 kilomètres de plus, avant de rendre son dossard à mi-parcours. "Sa plus grande déception sportive" à ce jour. Mais pas assez pour entamer le moral de ce jeune homme au parcours de vie plus que morcelé.
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Agir pour devenir
Si Sylvain court aujourd'hui, et pousse son corps dans ses retranchements, au point de se faire mal... c'est pour se faire du bien. Enfant, il baigne dans un environnement familial brutal avec un père violent à l'égard de sa belle-mère. Sylvain plonge alors dans l'obésité et subit les moqueries et le harcèlement durant toute la scolarité. C'est sa rencontre avec Vincent, "le seul qui lui a tendu la main" et leur découverte ensemble du sport qui vont contribuer à sa renaissance. "Le sport m'a sauvé la vie" résume-t-il sobrement.
Sylvain commence la course à pied, pour s'évader, et prend goût à l'effort. Celui qui était surnommé "Fatman" se rêve en "Ironman". Et il le devient, en bouclant trois fois ce triathlon XXL. Mais aujourd'hui, Sylvain craint davantage la Saintélyon : "Cette course me fait plus peur qu'un Iron man et c'est encore plus dur d'y retourner quand tu sais à quelle sauce tu vas être mangé" sourit-il à quelques jours de la course.
Ce serait un accomplissement énorme, cela fait cinq ans que je pense souvent à cette course et j'ai envie de franchir cette ligne d'arrivée.
Sylvain Dhugues
"Cette course, elle est mythique en fait. Je l'ai découverte il y a cinq ans, j'y étais allé pour encourager un ami et j'avais couru les quinze derniers kilomètres avec lui, rembobine-t-il. Après mon abandon en 2021, j'y suis retourné un an plus tard pour accompagner Vincent, lui porter assistance et lui donner les ravitaillements. Cette année, on inverse les rôles".
Sensibiliser les enfants victimes de harcèlement ou d'obésité
Pour cette seconde tentative, le jeune homme de 24 ans ne s'est fixé aucun objectif de chrono, mais plusieurs objectifs progressifs. D'abord, passer le 30e kilomètre, "où beaucoup de monde abandonne". Ensuite, franchir le kilomètre 45, celui où lui-même avait abandonné. Et enfin franchir la ligne d'arrivée, à Lyon au bout de 82 kilomètres d'effort.
"Je connais le parcours, je me souviens de la dureté de l'épreuve. Il peut faire très froid, neiger... Mais c'est aussi pour ça qu'elle est mythique, par rapport aux conditions. Il n'y aura sûrement pas de neige cette année, j'espère qu'on pourra voir les étoiles. Ça ne doit pas être commun sur la Saintélyon".
Sur le trajet, Sylvain entend profiter du spectacle de drones sur le premier kilomètre. Avant de se mettre dans sa bulle pour le reste du parcours. Peut-être aura-t-il le temps de penser aux 10 000 personnes sensibilisées durant son Tour de France de l'engagement, entrepris depuis janvier 2024. Une initiative personnelle, pour inspirer les jeunes et les personnes en situation de handicap et d'obésité. Face à eux, il raconte son parcours, n'élude aucun détail de ses souffrances psychiques ou physiques. Mais prend également le temps d'évoquer sa reconstruction par le sport.
Parler pour aider
J'ai la conviction que ça a aidé beaucoup de monde, estime aujourd'hui l'Héraultais. Des jeunes m'écrivent tous les jours. J'ai en tête une gamine qui m'a parlé de ses troubles alimentaires mais aussi de son sentiment de culpabilité. Elle n'arrivait pas à saisir les mains tendues quand on tentait de l'aider. Depuis, elle a réussi à renouer le dialogue avec les autres".
En 2025, Sylvain poursuivra ses sensibilisations, partout en France. Toujours pour raconter son histoire, ses difficultés et ses victoires, en espérant pouvoir en rajouter une, celle d'avoir vu les étoiles puis franchit la ligne d'arrivée d'une course mythique.
