Fermeture de Michelin à La Roche-sur-Yon : "trahison", "tristesse", "accablement", les réactions sont vives

Le modèle social de Michelin questionne. En 2018 la marque au Bibendum a dégagé un bénéfice net d'environ un milliard d’euros. Alors comment justifier la fermeture d'une usine comme celle de La Roche-sur-Yon ? Les réactions sont vives ce jeudi 10 octobre 2019.

Tel un couperet, l'annonce de la fermeture "d'ici fin 2020" de l'usine Michelin de La Roche-sur-Yon est tombée ce jeudi matin. Un choc pour les 619 salariés du site.La décision de fermeture a été annoncée au personnel de l'usine, sur place, par des dirigeants de Michelin. Le ton est monté, certains salariés invectivant les responsables en criant "assassins", "menteurs" ou encore "escrocs".

"On a joué le jeu pour garder nos emplois. On nous a demandé sans arrêt de changer nos horaires et on l'a fait (...). Et le remerciement, c'est qu'on est licencié", a lancé, amère, Sandrine, 42 ans, dans l'usine depuis 2008.

Pour beaucoup, la perspective d'être muté dans une autre usine Michelin en France ne semble pas intéressante. Christophe, père de cinq enfants et ancien salarié de l'usine Continental, explique même qu'elle lui rappelle de difficiles souvenirs. Chez les "Conti", les licenciements ont représenté "300 divorces et 14 suicides", a-t-il assuré.

A 43 ans, il se dit "écoeuré" que l'histoire se rejoue. A La Roche-sur-Yon "on nous a toujours dit qu'il fallait y croire, on nous a menti", regrette-t-il.

Chez les Yonnais, c'est la consternation. "C'est une catastrophe pour le département", lance une dame.

"Si Michelin ferme, je ne vois pas ce qu'il y aura après sur La Roche-sur-Yon", s'interroge un autre Yonnais.

Et l'impact de cette fermeture se répercutera sur l'ensemble de l'économie locale, comme le souligne une commerçante, "une usine qui ferme ce sont des consommateurs qui vont se retrouver au chômage donc avec un pouvoir d'achat moins important".
 

Un site "pas suffisamment performant"

"Pendant des années, nous avons essayé de maintenir le site, mais nous n'y arrivons pas, les conditions du marché ne le permettent plus", a fait valoir le président de Michelin, Florent Menegaux, dans un entretien au quotidien Ouest-France. "Le site est petit et, malgré les investissements que nous avons réalisés pour essayer de lui donner une taille critique, il n'est pas suffisamment performant en termes de coût de revient industriel", a-t-il argumenté.

En cause, les "difficultés du marché des pneus poids lourds haut de gamme, tant en Europe qu'à l'export" avec notamment 'un marché européen attendu sans croissance" et une "concurrence exacerbée".

"Le marché du pneu poids lourd est en train malheureusement de glisser dans la mauvaise direction. Nous avions encore des prévisions de marché mondial autour de 197 millions de pneumatiques au mois de mai dernier, aujourd'hui on est au mieux à 190 millions",
a expliqué de son côté le directeur Europe de Michelin, Laurent Bourrut, "deuxième élément, nous sommes face à une invasion de produits asiatiques à bas prix en Europe. Ces produits représentaient 5% de part de marché en 2012 et nous sommes aujourd'hui pratiquement à un tiers du marché.

Et pourtant selon l'expert en transport Arnaud Aymé , Michelin se porte bien ... 

"Une décision couperet"

Dans un communiqué publié ce jeudi, la présidente de la région Pays de la Loire, Christelle Morançais, et le sénateur de Vendée Bruno Retailleau, ont annoncé qu'ils allaient "demander des comptes au président de Michelin, Florent Menegaux".

Au-delà même des obligations légales, les élus exigent que "soient prises toutes les mesures, pour assurer l'avenir des salariés vendéens et du site de La Roche-sur-Yon".

Selon les deux élus LR, "cette décision couperet traduit une froide vision des rapports économiques et sociaux, qui devraient d'abord être des rapports humains".

Jeudi après-midi, ils ont rencontré Florent Menegaux, le président du groupe Michelin, pour lui faire "part de (leur) colère devant la brutalité de l’annonce de la fermeture du site de La Roche‐sur‐Yon, qui a été effectuée sans aucune concertation avec les élus locaux". Christelle Morançais et Bruno Retailleau ont prévu de rencontrer les représentants des salariés de Michelin à La Roche-sur-Yon en début de semaine prochaine.

Humiliation économique

Ils dénoncent un "manque de respect des salariés, qui ont fait des efforts considérables pour améliorer la compétitivité de leur usine, et dont la proposition de lancer une étude pour redimensionner ou diversifier l'activité du site n'a même pas été entendue par la direction".

Bruno Retailleau et Christelle Morançais critiquent aussi un "manque de respect des élus, car cette annonce a été faite avant même" une rencontre prévue avec Florent Menegaux. "Cela n'est pas acceptable, d'autant plus que le groupe Michelin envisage de solliciter le soutien financier de la région pour la revitalisation industrielle de l'usine", ajoutent-ils. A sa sortie de cette rencontre réaction de Bruno Retailleau. 
 "Face aux conséquences de cette décision, l’État veillera à ce que le groupe Michelin respecte toutes les obligations légales et réglementaires qui s’imposent à lui", estime, pour sa part, la préfecture de Vendée, qui dénonce un "choc économique, social et humain". Luc Bouard, le maire de La Roche-sur-Yon, Yves Auvinet, le président du conseil départemental de Vendée, et Patrick Loiseau, député de la 2ème circonscription de Vendée, ont prévu de se rendre sur le site de l'usine Michelin ce jeudi après-midi à 15h45.

"Le Conseil départemental restera mobilisé notamment via la Maison Départementale de l’Emploi et du Développement Economique, et en lien étroit avec la ville de La Roche-sur-Yon et le Conseil Régional des Pays de la Loire ainsi qu’avec le monde économique vendéen qui recrute actuellement", a précisé Yves Auvinet dans un communiqué.

Luc Bouard annonce qu'il n'abandonnera pas "les salariés de l’usine Michelin de la Roche-sur-Yon. Tout, je dis bien tout sera fait pour qu’ils puissent, avec leurs familles, continuer à vivre en Vendée", écrit l'élu sur Twitter.  
Didier Mandelli, sénateur de la Vendée, a annoncé qu'il avait "fait part aux dirigeants de son incompréhension et son amertume, tant sur le fond que sur la forme, face à cette annonce faite sans concertation". Il a également rappelé qu'il avait "travaillé en étroite collaboration avec les dirigeants de l’entreprise dans le cadre du projet de loi économie circulaire dans le but de trouver des solutions d’avenir pour l’usine de la Roche-sur-Yon".

En fin de journée, désespérés, des salariés ont bloqué la sortie de la direction sur le parking. Elle a pu sortir après un moment d'incertitude.   
 D'autres ont brûlé des pneus.
Ce jeudi soir c'est une immense colère et une grande incompréhension qui règne chez les 619 salariés du site. 
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