Près de la moitié des salariés de l’usine soit 300 personnes ont répondu jeudi 17 octobre à l’appel à débrayer lancé par l’intersyndicale (SUD, CFE-CGC, CFDT, FO) et la CGT du site de La Roche-sur-Yon. Des discussions tendues ont suivi pour décider de la stratégie à adopter avec la direction.
Le directeur de Michelin France, Jean-Paul Chiocchetti, l’a assuré mercredi lors d’une conférence de presse téléphonique : "en aucun cas, je crois qu’on tiendra jusque fin 2020, je pense qu’on va s’arrêter dans quelques mois". Cette nouvelle annonce, les salariés du site de la Roche-sur-Yon l’ont apprise pour certains sur les réseaux sociaux, pour d’autres dans la presse, ou en prenant leur poste à 21h mercredi soir. Pour eux, "tout va beaucoup trop vite".
Jean-Louis Divet, Animateur flux qualité
"Je suis dans le flou. Je ne sais pas quoi faire. Vous savez après 29 ans de boîte, on ne sait pas trop où aller. On est ailleurs, on sait plus, on dort mal. On se pose beaucoup de questions, on ressasse dans la tête, on ne sait pas trop. Je suis complétement perdu aujourd’hui".
Franck Poisson, 51 ans
"Je suis resté 26 ans à Joué-les-Tours, puis Michelin a fermé l’usine. Je me suis positionné sur La Roche-sur-Yon où on m’avait promis un pôle européen du pneu poids lourd avec un investissement de 100 millions d’euros. Et au bout de 5 ans, Michelin ferme l’usine. C’est inadmissible. On ne veut plus d’emplois en France ? M.Ménégaux, je ne vous comprends pas. On va me foutre dehors, je vais faire quoi derrière ? J’ai fait l’effort de venir ici, de déplacer femme et enfants pourquoi ? Recommencer encore ? On a été trahis. J’avais pas imaginé ça, je pensais même aller jusqu’à la retraite ici".
Vincent Portes, enrouleur-approvisionneur, 31 ans
"J’ai été recruté il y a 2 ans. La personne m’avait fait espérer une évolution rapide.
Quand on va carrément place Napoléon avec un bus de recrutement et qu’on recrute à tour de bras, je me voyais absolument pas dans une telle situation aujourd’hui. Ça devient très inquiétant. Moi, j’aimerais assurer une formation c’est le minimum et une indemnité conséquente parce que signer un CDI, c’était une pérennité en terme de revenus pour ma famille et aujourd’hui je ne sais pas ce que je vais retrouver.
Je suis actuellement en renfort à Cholet pour 6 mois, et ça a commencé bien avant l’annonce de fermeture du site ici, je le faisais pour éviter une période de chômage annoncé à La Roche, aujourd'hui je me vois pas être muté ailleurs. Ma famille est implantée là, on a notre cocon".
Vassili Degtiariov, 23 ans
"Je suis encore perdu dans ma tête. Ca me plaisait bien de continuer ma vie à Michelin, monter en grade, y’a de l’évolution à Michelin, enfin c’est ce qu’on me promettait du moins. Aujourd’hui, c’est une autre histoire puisque Michelin décide de fermer l’usine. Je ne sais pas si je vais continuer dans le groupe et partir en mutation ou partir en externe, trouver une autre boite. J’ai demandé une mutation sur le site de Roanne mais je ne sais pas si je vais l’avoir. Ils privilégient les anciens".
Échanges tendus entre syndicats
Sur le site cet après-midi, des échanges tendus ont eu lieu entre l’intersyndicale et la CGT. Les premiers ont lancé une consultation auprès des salariés. Vendredi, entre 1h du matin et 15h, les 619 salariés sont appelés à répondre à cette question : "Etes-vous d’accord pour que l’intersyndicale engage des négociations avec Michelin ? ". Si le non l’emporte, une action en justice sera menée avec la CGT.
Les discussions de cet après-midi n’ont pas permis de savoir vers quelle direction penchaient les salariés. Les dissensions et le manque d’unité entre l’intersyndicale et la CGT ont même fait fuir minute après minute certains salariés lassés d’un débat stérile, avec le sentiment de ne pas être écoutés. L’un d’eux a lancé : "Vous croyez qu’avec ça on a envie de se battre ? Non, moi j’ai juste envie de me barrer avec de l’oseille".
La direction confiante sur l’issue du vote
Jean-Paul Chiocchetti, directeur de Michelin France, a déjà prévu une première réunion mardi 22 octobre, anticipant ainsi une réponse positive au vote de vendredi. Il a évoqué "une volonté commune de réussir la reconversion". La direction a ainsi précisé avoir reçu 300 offres d’emploi d’entreprises situées à moins de 30km de La Roche-sur-Yon. Une centaine de places sont aussi disponibles à Cholet où le recrutement est gelé dans l’attente de salariés volontaires pour une mutation interne. Enfin, seules 80 personnes sont concernées par des départs à la retraite. Le site vendéen est en effet celui où la moyenne d’âge – 39 ans - est la plus jeune de tous les sites en France. Parmi les salariés, 42% ont moins de 5 ans d’ancienneté.