Le Parlement a définitivement adopté mardi le projet de loi sur l'immigration, 349 députés votant pour et 186 contre, après un vote favorable du Sénat plus tôt dans la soirée.
Le président Emmanuel Macron va transmettre dès ce mercredi au Conseil constitutionnel le projet de loi Immigration adoptée la veille à l'Assemblée nationale, conformément à son engagement, a annoncé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.
Il s'agit de demander aux Sages de "statuer sur la conformité de tout ou partie de cette loi à notre Constitution", a précisé le ministre, alors que la crise politique est ouverte dans la majorité. La Première ministre Élisabeth Borne a reconnu dans la matinée que certaines mesures étaient inconstitutionnelles et que le texte "serait amené à évoluer".
L'Assemblée a voté le projet de loi avec 349 voix pour (la plupart des députés de la majorité présidentielle, LR, RN) et 186 voix contre, sur 573 votants. Dans la majorité, vingt députés Renaissance, cinq députés MoDem et deux députés Horizons ont voté contre. Dix-sept Renaissance et quinze MoDem se sont abstenus.
Dix députés des Pays de la Loire ont répondu à nos questions à ce sujet ce mercredi 20 décembre.
Guillaume Garot (PS)
Le député de la 1e circonscription de Mayenne se dit "triste et en colère en même temps. Parce que Emmanuel Macron hier a rogné la promesse qu'il avait faite à ses électeurs du second tour en 2022. Il avait dit à l'époque, je serais le barrage contre les idées de l'extrême droite et contre Madame Le Pen".
"Résultat, aujourd'hui, les idées de Mme Le Pen sont dans la loi immigration que lui-même Emmanuel Macron a soumis au Parlement. Voilà où nous en sommes. Et ça veut dire quoi concrètement ? Mais c'est l'idée de la préférence nationale dans plusieurs articles de cette loi. Par exemple, les allocations familiales qui seraient interdites d'accès avant deux ans et demi pour les étrangers qui travaillent et qui cotisent. C'est ça, ça veut dire que ça va précariser des familles, des enfants en particulier"
"Mais la préférence nationale c'est aussi l'idée qu'on va interdire l'hébergement d'urgence aux étrangers sans papiers. Mais c'est quoi pour eux ? C'est la rue qui les attend ? Ça veut dire plus de précarité dans nos villes ? C'est ça concrètement le résultat de cette loi qui a été votée dans les conditions qu'on sait hier avec l'appoint des voix du Front National qui se réjouissait d'une victoire idéologique.
C'est donc bien qu'aujourd'hui Emmanuel Macron n'est pas le barrage au Front National qu'il prétendait être et qu'il avait promis d'être
Guillaume GarotDéputé
Véronique Besse (Droite)
Véronique Besse est députée de la 4e circonscription de la Vendée.
"J'ai voté positivement en faveur de cette loi parce que je pense qu'il y a quand même, malgré tout, même si le texte n'est pas parfait, il y a des avancées. Il faut voir le bon côté des choses, il y a des avancées par rapport à ce qu'on connaît aujourd'hui sur le thème de l'immigration".
"Et même si je pense que le texte pour moi ne va pas assez loin, je suis plutôt sur une ligne assez dure par rapport à l'immigration parce que je pense que la France ne s'en sortira pas si nous ne durcissons pas les choses, notamment les entrées dans notre pays".
Maintenant j'attends une réforme constitutionnelle, vraiment, pour que la France puisse être maître de son destin
Véronique BesseDéputée
François Gernigon (Horizons)
François Gernigon est député de la1e circonscription du Maine-et-Loire et dit avoir "voté pour ce texte parce qu'il fallait un texte".
"Je suis, sur ma circonscription, très sensibilisé sur l'intégration des étrangers, notamment par le travail. J'ai deux associations notamment qui soutiennent les étrangers en recherche de travail. Et c'est toujours des interventions auprès de la préfecture pour obtenir les cartes de séjour. C'est toujours compliqué parce que justement, il manque un texte".
Ma pierre angulaire sur mon vote, c'était l'intégration par le travail et non pas l'intégration par rapport à la préférence nationale comme certains peuvent le dire
François GernigonDéputé
"Alors ce texte, il est très intéressant parce qu'il va permettre d'intégrer 10 000 étrangers en recherche de travail, de pouvoir sanctionner les passeurs, aussi les marchands de sommeil, mais ce que je trouve intéressant, c'est de donner la main au préfet qui, en rapport avec le monde économique local, va pouvoir accélérer et perfectionner l'obtention des câbles de séjour".
Matthias Tavel (LFI)
Le député de la 8e circonscription de Loire-Atlantique, éprouve "un sentiment de très grande gravité. Ce qui s'est passé à l'Assemblée hier est extrêmement grave. Pour la première fois, c'est le Rassemblement National qui a fait la majorité d'un texte sur les questions d'immigration. Et c'est un naufrage politique et un reniement moral total pour les macronistes et tous ceux qu'ils ont essayé de convaincre de faire barrage en votant pour eux".
Le texte doit être retiré, abandonné. Il a été adopté grâce aux voix du Rassemblement national. Il faut que les macronistes refusent cela et que le président de la République demande à ce que ce texte soit retiré, rediscuté et rejeté par l'Assemblée. Et ensuite, il faut combattre
Matthias TavelDéputé
"Il n'y a aucun regret à avoir sur cette motion de rejet. Nous étions contre ce texte. Nous avons voté à chaque fois contre ce texte, y compris en faisant adopter cette motion de rejet".
"Le texte doit être retiré, abandonné. Il a été adopté grâce aux voix du Rassemblement national. Il faut que les macronistes refusent cela et que le président de la République demande à ce que ce texte soit retiré, rediscuté et rejeté par l'Assemblée. Et ensuite, il faut combattre".
Segolene Amiot (LFI NUPES)
"Je suis extrêmement déçue de voir que la promesse républicaine n'avait pas tenu, dit la députée de la 3e circonscription de Loire-Atlantique, déçue que le barrage fait à l'extrême droite qui a été promis par Mr Macron, cette promesse n'ait pas été tenue non plus. Et qu'au final on intègre aujourd'hui dans notre droit français des éléments de programme du Front National, des éléments qui avaient été portés par Jean-Marie Le Pen. Aujourd'hui, c'est dans notre droit français".
"Par exemple, la déchéance de nationalité qui a été bien élargie, facilité. Et puis la préférence nationale, cette notion inventée par le Front National qui est aujourd'hui inscrite dans notre droit".
On est sortis du cadre du pays des droits de l'homme, on est sorti du cadre du pays des lumières. Voilà, la France ce n'est plus ça aujourd'hui
Ségolène AmiotDéputée
Denis Masseglia (Renaissance)
Denis Massiglia, député de la 5e circonscription de Maine-et-Loire, a voté en faveur du texte de loi.
"Il est issu d'un compromis entre la majorité présidentielle et la droite sénatoriale. Il y a un certain nombre de points sur lesquels j'aurais aimé qu'on n'aille pas autant à droite, mais néanmoins le compromis qui sort, comme chaque compromis, il y a des points positifs, des points qui le sont un peu moins, et me semble, et c'était l'objet de mon vote, que le texte est globalement positif par rapport à l'ambition qui était la nôtre".
Un compromis c'est l'acceptation de faire un pas vers l'autre, mais aussi le besoin que l'autre fasse un pas vers nous
Denis MassegliaDéputé
"Je vous rappelle, il y avait 27 articles dans le projet de loi, 26 sont présents, donc globalement le texte ressemble vraiment à ce qui a été présenté initialement au Conseil des ministres".
"Il y avait des lignes rouges que je m'étais fixé. La première, c'était de ne pas voter sur le texte et pour le texte si on avait besoin des votes du Rassemblement National pour qu'il puisse passer. Le groupe politique m'a confirmé qu'il passerait sans besoin du vote du Rassemblement National alors j'ai voté pour".
Éric Martineau (MoDem)
Le député de la 3e circonscription de de Sarthe s'est abstenu "parce que ce texte, même s'il comporte des points pour lesquels je suis très favorable, il y a quand même des points,
selon moi, où je ne pouvais pas voter pour. Mais après, voter contre, ça excluait quand même des avancées réelles dans ce texte".
"Ça a été très difficile à prendre comme décision, mais je ne pouvais pas voter contre. Si vous voulez les bonnes raisons, pour moi il y en a deux. Deux que je défendais ardemment (...) La première, cette hypocrisie concernant les travailleurs sans papiers et la régularisation des travailleurs sans papiers, je suis désolé mais j'ai beaucoup de chefs d'entreprise qui me contactent régulièrement pour régulariser".
Ça voulait dire qu'on laissait encore dans la clandestinité ces gens se faire exploiter aussi par certains quelquefois qui ne sont pas que des bons patrons
Eric MartineauDéputé
La deuxième raison pour Eric Martineau, "j'ai eu la possibilité de visiter un centre de rétention administratif l'an dernier, celui du Blanc-Ménil. Et je vous promets que les gens, et que peu importe sa couleur de peau, sa religion ou quoi que ce soit, et bien le fait d'avoir des enfants, des mineurs enfermés dans ces centres de rétention, pour moi ce n'est pas digne de la France".
Jean Claude Raux (Ecologiste NUPES)
Pour le député de la 6e circonscription de Loire-Atlantique, "il y aura vraiment un avant et un après ce vote. Moi, j'ai voté contre ce texte de loi et je pense que c'était un vote courageux parce qu'il est plus facile de hurler avec les loups, il est plus facile d'aller du côté populiste, de trouver ou de désigner des boucs émissaires faciles, d'aller construire ou co-construire un texte avec les Républicains qui se droitisent et avec l'extrême droite qui jubilait hier soir".
C'est vraiment un sentiment amer cette soirée et ce vote final sans ambiguité
Jean-Claude RauxDéputé
"Je vois ça déjà comme une trahison puisque si on se réfère aux termes utilisés par le président de la République, c'est lui qui utilisait les mots de 'barrage', il disait que le vote, il y avait notamment mon vote, l'obligeait. Et de fait, aujourd'hui, on se rend compte qu'il n'y a plus ce barrage républicain et qu'au contraire, effectivement, ceux qu'on voyait applaudir et sourire, c'était le Rassemblement national".
"On voit bien qu'il y a déjà une levée de bouclier très très rapide de la part d'un certain nombre d'acteurs", "donc nous allons accompagner tous ceux qui se soulèvent, cette loi qui va ne produire que plus d'injustices, plus d'inégalités, qui ne réglera pas grand-chose finalement aux questions de fonds concernant l'immigration".
Stéphane Buchou (Renaissance)
Le député de la 3e circonscription de Vendée s'est abstenu mardi soir.
"Moi j'avais dit que je voterais sans sourcilier le texte du gouvernement, le texte initial qui était un texte d'équilibre entre la nécessaire fermeté vis-à-vis des délinquants étrangers qui n'ont rien à faire dans notre territoire. Mais aussi un volet à l'intégration auquel je suis particulièrement attaché, en particulier le volet à l'intégration par le travail".
Il n'était pas pour moi possible de voter favorablement à ce texte
Stéphane BuchouDéputé
"À partir du moment où cet équilibre n'était plus respecté et où la version du texte du Sénat était une version extrêmement dure, où le volet intégration par le travail disparaissait petit à petit puisqu'on complexifiait des procédures en conscience et en responsabilité, j'ai voté une abstention sur ce texte".
Stella Dupont (Renaissance)
La députée de la 2e circonscription du Maine-et-Loire a choisi de voter contre le texte.
"Mais tout en prévenant, en discutant, en partageant ma réflexion, mes doutes, mes réticences et mon opposition au final".
Ce texte me paraissait très très loin de mes valeurs
Stella DupontDéputée
"Il y a des mesures d'une rigidité extrême concernant le regroupement familial, c'est à dire l'impossibilité ou les difficultés renforcées pour les étrangers présents sur notre territoire de façon régulière à faire venir leurs enfants, leurs conjoints. Il y a également une mesure symptomatique et pour moi inacceptable qui concerne les prestations sociales puisque les étrangers réguliers, ceux qui sont autorisés à être sur notre territoire, voient leurs droits à prestations familiales réduites, les allocations familiales, mais aussi l'aide au logement".
"J'hésitais à m'abstenir sur ce texte parce qu'on a besoin de mesures de fermeté et je m'y associe, je les soutiens depuis le début. On a besoin de mesures d'intégration, dont ces régularisations. Et on a réussi à sauver quelque chose, une capacité à régulariser. Mais c'est très loin de ce que nous souhaitions faire initialement, bien entendu".
"Ne nous y trompons pas et ne choisissons pas nos votes en fonction de l'extrême droite, vraiment ayons le recul nécessaire, mais restons au clair avec ce que nous portons, avec nos histoires politiques respectives et pour ma part, je travaille sur le sujet de l'intégration et de l'immigration depuis très longtemps, j'ai beaucoup travaillé le texte, j'ai beaucoup de propositions pour pouvoir l'améliorer notamment, donc c'est avec regret bien entendu qu'on n'a pas pu faire l'examen que je souhaitais.Et c'est vrai que c'est avec regret que je vois ce texte validé. J'espère que le Conseil constitutionnel va annuler un certain nombre de décisions".
Propos recueillis par Jérémy Armand
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