Le 6 mars 2023, Alexandre Couillon, chef du restaurant "La Marine" à Noirmoutier en Vendée, était distingué de trois étoiles par le Guide Michelin. Une consécration qui marquait plus de 20 ans de travail pour créer une table insulaire gastronomique qui met à l'honneur produits de la mer et de la terre.
Il y a un an, le chef cuisinier Alexandre Couillon, 47 ans, voyait son travail et sa créativité récompensés de trois étoiles au Guide Michelin.
C'est la première fois qu'il recevait cette haute distinction gastronomique depuis sa reprise du restaurant familial, rebaptisé La Marine, à la pointe nord de Noirmoutier-en-l'Île.
Le chef, adepte des produits de la mer et du potager, est le seul à être trois étoiles en Pays de la Loire.
De Dakar à Noirmoutier
Alexandre Couillon est né à Dakar (Sénégal) en 1975 d'une mère couturière et d'un père pêcheur de crevettes, tous deux Noirmoutrins d'origine. La famille retourne s'installer sur l'île lorsque Alexandre a sept ans.
Les parents décident de reprendre La Table d'Élise, en face du port de plaisance de l'Herbaudière, mais le restaurant connaît des difficultés. Ils retournent vivre au Sénégal et Alexandre se retrouve en famille d'accueil dans les Pyrénées-Atlantiques, une période de sa vie dont il garde une affection pour le terroir pyrénéen.
Élève rebelle, n'aimant pas les cours, il est renvoyé du collège et commence un CAP en école hôtelière. Son premier stage à La Baule lui fait les pieds et fait naître son amour pour le métier de bouche.
Le futur chef fait son bonhomme de chemin et passe par les cuisines du grand chef Michel Guérard à Eugénie-les-Bains (Landes). Ce haut lieu de la gastronomie le motive à continuer sa formation auprès d'Alain Ducasse ou de Joël Robuchon.
Son plan est contrecarré par une proposition qui marque le début de l'histoire de son restaurant La Marine.
La Marine, l'aboutissement d'un travail de 24 ans
Cette proposition vient des parents du chef, alors jeune cuisinier, en 1999. Ils suggèrent qu'Alexandre et Céline reprennent La Table d'Élise à Noirmoutier. Ils n'ont pas 25 ans, mais ils acceptent.
Le couple rivalise de volonté et de détermination les premières années, alors que le restaurant n'est pas tout à fait au goût du jour et que les clients se font rares à l'année.
Noirmoutier compte plus de 60 % de résidences secondaires et se transforme en île fantôme en dehors de l'été. Difficile pour un restaurant d'être rentable dans ces conditions, mais Alexandre et Céline Couillon travaillent avec acharnement, et ouvrent sept jours sur sept.
Un début de reconnaissance médiatique améliore la fréquentation de l'établissement, mais le couple envisage de fermer, quand survient la première étoile en 2007.
L'ascension commence. En 2008, Alexandre Couillon est nommé "Grand de demain" par le Gault et Millau (2 e guide gastronomique après le Michelin).
Il déménage son restaurant à côté de l'historique Table d'Élise, qu'il conserve en tant que bistrot. La Marine fait peau neuve et reçoit une seconde étoile en 2013.
Alexandre Couillon est sacré "Cuisinier de l'année" en 2016 par le Gault et Millau.
Le pari du terroir, de la fraîcheur et des produits de la mer
Alexandre et Céline Couillon et leurs équipes ont fait grandir La Marine jusqu'à en faire une table gastronomique, servant des produits frais et locaux. Le poisson arrive directement du port situé en face du restaurant, et les légumes proviennent du potager du chef.
Le menu ne s'égrène pas en plats, mais en "épisodes", 6 ou 9 à raison de 210 à 300 €. Ils sont susceptibles de changer "en fonction de l'arrivage quotidien", fraîcheur oblige.
Parmi les plats signatures de la maison, "l'huître Erika", une huître marinée dans un bouillon à base d'encre d'encornet poudrée de lard italien. Un met pensé en rappel de la marée noire causée par le pétrolier Erika en 1999, afin de marquer la dépendance entre la gastronomie et la préservation de la biodiversité marine.
En août 2020, Bérénice Agonse et sa famille avaient pu goûter l'huître Erika, ainsi que six autres plats. Après des mois d'attente, ils avaient enfin pu accéder à la table d'Alexandre Couillon à la suite de désistements liés à la pandémie de Covid-19.
"C'était incroyable, à la fois simple et raffiné, raconte Bérénice, tout est très bon et bien expliqué. On a voyagé pendant trois heures, coupés du monde. Ils nous ont fait découvrir des textures et des goûts géniaux. On a goûté des glaces et des chips à l'algue".
J'ai eu des étoiles dans le ventre et dans les yeux.
Bérénice AgonseCliente de La Marine
Amatrice de cuisine sous toutes ses formes, Bérénice ne tarit pas d'éloges sur son expérience à La Marine. "On sent que ce sont des bons produits, et que les serveurs sont heureux de les proposer. Ils font des accords surprenants, surtout entre le végétal et la mer."
Isolé aux confins de Noirmoutier, le restaurant a su tirer son parti de cette position reculée, en faisant des saveurs du terroir de l'île sa force et sa singularité. Un pari gagnant qui lui a valu sa troisième étoile.
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