Repéré il y a quarante ans dans la forêt près des Sables-d'Olonne, il n'avait plus donné signe de vie dans la région jusqu'en 2018, lorsqu'un naturaliste de l'Office National des Forêts a pris un lézard ocellé en photo dans le Pays-de-Monts, preuve de sa présence sur la zone.
Vous faites peut-être partie des chanceux qui l’ont déjà aperçu dans les dunes vendéennes. Le lézard ocellé, observé dans le Pays-de-Monts pour la première fois en 2018, est un reptile aussi rare que discret.
Pouvant atteindre jusqu’à 80 cm de long, le plus grand lézard d’Europe occidentale, tout à fait inoffensif, était déjà présent dans le sud de la France depuis des décennies. Pour les scientifiques qui s’intéressent à l’espèce menacée d’extinction, sa présence en Pays de la Loire est remarquable, puisque la région est éloignée du bassin méditerranéen, où il est présent en plus grand nombre.
Une douzaine de spécimens identifiés sur la zone
Dans les années 80, déjà, quelques spécimens avaient été observés en forêt d’Olonne, plus au Sud du département. "Depuis on n'en avait pas recensé d’autre dans la région, mais ça ne veut pas dire pour autant qu’ils avaient disparu", explique Mickaël Ricordel, membre du réseau naturaliste de l’Office national des forêts (ONF).
La petite bête est "un reptile très fragile", souligne le naturaliste. "Il vit en milieu ouvert dans le sable, dans la dune grise", celle qui se trouve entre la dune la plus proche de l’océan et la forêt, poursuit-il. Depuis 2018, le naturaliste contribue au recensement de l’espèce sur une zone de deux hectares et demi.
"Nous avons observé huit spécimens adultes et quatre juvéniles sur la zone", explique le technico-commercial de l’ONF, qui identifie les individus à partir de photographies. Souvent confondu avec le lézard vert, ou lézard à deux raies, celui-ci est reconnaissable grâce à sa robe parsemée d’écailles noires, jaunes et bleues. Pour autant, "comme une empreinte digitale", chaque spécimen est reconnaissable à la répartition de la couleur sur ses écailles, propre à chaque individu.
Indissociable de son meilleur ami, le lapin, pourtant en déclin
S’il est si fragile, c’est parce que ce lézard a besoin d’un autre animal pour survivre. Incapable de creuser lui-même des terriers pour nicher, le lézard partage son habitat avec les lapins de Garenne, qui jouent le jeu de la colocation avec lui. C’est d’ailleurs dans les terriers qu’il passe le plus clair de son temps, à l’abri des dangers.
Lorsqu’il ne se cache pas dans les terriers, il vient chercher de la chaleur sur le sable dans un rayon de 200 mètres environ autour de son gite, d’après les constatations de Mickaël Ricordel.
Si sa survie dépend directement de la présence de terriers de lapins, et parfois de plus petits rongeurs, elle est menacée par la diminution de leur population. Touchés massivement par des maladies mortelles comme la mixomatose ou la fièvre hémorragique, le nombre de lapins a décliné sur le territoire régional ces dernières années, privant ainsi les reptiles de leur abri favori.
Un plan national d'action pour le préserver
Pour éviter son extinction, un nouveau plan national d’action en faveur du lézard ocellé est mené depuis 2020 par le ministère de la Transition écologique. Laure Bourgault, qui pilote ce plan, espère voir le nombre de spécimens recensés augmenter d'ici à 2029, date de fin du plan.
"Pour pallier le manque de terriers de lapins, des gites artificiels ont été installés sur la zone", explique la scientifique, membre de la société herpétologique de France, spécialiste des reptiles et des batraciens. Notamment grâce à des morceaux de bois creusés et légèrement ensablés, le lézard peut ainsi mieux survivre à l’absence du lapin.
D’ailleurs, s'il adore les lapins, il aime beaucoup moins les chiens : lorsqu’ils ne sont pas tenus en laisse dans les dunes, ces derniers peuvent prendre en chasse le reptile, l’effrayer ou le tuer. Pour limiter ces interactions, des grillages à mouton ont été installés autour de la zone où le lézard est présent dans les Pays-de-Monts.
Le recul du littoral accélère sa disparition
Le dérèglement climatique ne rend pas non plus service au grand lézard : le recul du littoral entraîne bien souvent la destruction de son milieu.
Sur l’île d’Oléron, où il est aussi présent, les évènements climatiques exceptionnels, comme les tempêtes, provoquent un retrait de la dune grise, qui emporte parfois avec elle des lézards en hivernage et entraîne leur disparition.
Laure BourgaultAnimatrice du plan national d'action en faveur du lézard ocellé
S’il aime la chaleur, le lézard ocellé supporte mal les canicules,"au-delà de 30 degrés, il sort moins de son terrier et cesse parfois de se nourrir", déplore Laure Bourgault.
Un avenir incertain
Dans ces conditions, difficile pour les spécialistes d’anticiper l’évolution de la population de lézards ocellés en Pays de la Loire. Mickaël Ricordel, lui, espère pouvoir recenser de nouveaux spécimens dans d’autres zones à proximité, et pourquoi pas "créer des gites artificiels qui permettent de relier différentes populations" pour améliorer la diversité génétique de l’espèce et lui garantir un meilleur taux de reproduction.
En attendant, si vous apercevez ce lézard haut en couleurs, n'essayez surtout pas de le toucher ou de l'attraper, puisque la capture d'une espèce protégée est passible de 3 ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. En revanche, si vous parvenez à le prendre en photo, vous pouvez transmettre le cliché à la société hérpétologique de France, qui poursuit son recensement.