A l'heure où la France se démène pour améliorer une justice exsangue, Monaco n'a pas à rougir de l'efficacité de sa justice rendue au nom du Prince.
Avec 520 caméras de vidéo-surveillance sur une superficie de 2,2 km2 et 525 policiers pour 35.000 habitants, la Principauté n'est pas l'Etat le plus criminogène. Ils sont pourtant une trentaine de magistrats - la moitié monégasque, l'autre détachée de France - à faire tourner le Palais de justice du Rocher, un bâtiment majestueux reconstruit en 1930 par le Prince Louis II, dont les monogrammes couvrent toujours les murs.
"Le droit monégasque n'a pas à avoir de complexes par rapport au droit français", estime le procureur général Jean-Pierre Dreno. Les règles sont quasiment les mêmes, à la seule différence que "le droit y est moins exubérant".
"On a le droit français avec un retard de trente ans", ironise toutefois un avocat de la Cité-Etat, relevant que certaines incriminations comme le racolage, l'abus de biens sociaux ou la prise illégitime d'intérêt n'existent pas. Exact, reconnaît Marcel Tastevin, qui a exercé durant six ans à Monaco avant de rejoindre le tribunal de Nice en septembre. Cependant, ce juge dit n'avoir jamais été handicapé par ces lacunes, car il suffit d'"étirer" certaines qualifications existantes comme l'abus de confiance.
"Les textes sont beaucoup plus simples et moins nombreux qu'en France, c'est ici que c'est devenu d'une complexité effarante", poursuit-il, tout en pointant quelques retards dans la procédure d'instruction. En dépit de certaines critiques récurrentes sur le manque d'indépendance, assure-t-il, "on juge à Monaco des affaires financières - escroquerie, blanchiment, etc. - qui sont tout aussi importantes qu'en France".
Plus de moyens qu'en France
C'est surtout que là-bas, se souvient le juge avec un brin de nostalgie, "on n'a pas à faire face à la même masse de travail". Résultat: "On motive beaucoup plus. Ici, ce n'est pas par flegme qu'on ne le fait pas, mais on n'a pas le temps." Il y a quelques années, la présidente de la cour d'appel de Monaco l'avait déjà bien senti en affirmant que sur le Rocher, "les jugements ne se comptent pas, ils se pèsent.""C'est une bonne justice, à taille humaine", résume Me Charles Lecuyer, avocat au Barreau de Monaco. "Les problèmes d'immobilier, d'informatique, d'insuffisance de fonctionnaires nous sont totalement étrangers", abonde M. Dreno, pour lequel la réponse pénale est de meilleure qualité qu'en France qui, faute de moyens suffisants, "laisse passer plus de choses".
4 jours de prison
Alors que le procureur général assure que sa juridiction condamne plus sévèrement que les tribunaux français, le juge Tastevin n'est pas du même avis. Et pour cause, il lui est arrivé de condamner un prévenu à quatre jours de prison et "la peine la plus forte qu'(il ait) prononcée, c'est quatre ans!"La force de Monaco, c'est qu'une fois prononcée, la peine est immédiatement exécutée. Un condamné à 15 jours de prison passera véritablement
deux semaines derrière les barreaux: mieux comprise, la peine est plus efficace, alors qu'en France, victime de surpopulation carcérale, un condamné à deux ans de prison verra sa peine aménagée.
Et puis, relève Marcel Tastevin, à Monaco, "le remède n'est pas pire que le mal". Le procureur général a beau assurer que la maison d'arrêt de Monaco n'est "pas une prison 4 étoiles avec vue sur mer" mais "un souterrain éclairé à la lumière électrique", avec 42 occupants pour 80 places, propre et bien équipée, elle est bien plus vivable que ses voisines françaises.