La photo de deux jeunes femmes, hétérosexuelles, qui s'embrassent, lors d'une manifestation contre le mariage pour tous, à Marseille, a entraîné un "buzz" sur les réseaux sociaux, repris ensuite par les médias traditionnels.
Une manifestation était organisée le 23 octobre 2012, dans plusieurs villes de France, par l'Alliance Vita, une association créée par Christine Boutin, pour s'opposer au mariage et à l'adoption des homosexuels.
A Marseille, au milieu des 400 personnes rassemblées devant la Préfecture, deux jeunes femmes ont échangé un baiser sur la bouche, devant une foule médusée. Gérard Julien, responsable du service photo de l'Afp en PACA, a tout de suite repéré "le contraste entre deux cultures et deux générations", et a immortalisé l'instant.
La rapidité des réseaux sociaux
Sur le compte Afp, la photo est remarquée par Paul Parant, journaliste à Têtu, chef de la rubrique information. Il la tweete immédiatement après la manifestation, puis l'utilise pour le magazine. Le réseau s'enflamme. Le Baiser de Marseille est échangé des milliers de fois par les internautes. "Elle m'a sauté aux yeux par son efficacité", explique Paul Parant. "Cette image est la meilleure réponse aux gens, qui, quoique l'on dise, restent haîneux".
Têtu lance un appel à témoin sur twitter, pour retrouver les 2 jeunes filles. Elles n'ont pas de compte, mais l'impact est tel qu'elles se manifestent rapidement.
Auriane, 19 ans, en préparation pour son concours d'infirmière, et Julia, 17 ans, en 1ère année de Staps, expliquent, qu'elles étaient dans la manifestation par hasard, et que l'idée du baiser est venue spontanément. "Sur le moment, on a surtout voulu les faire chier ! (...). Le baiser a duré une quinzaine de secondes, c’était pas juste un bisou, on a tenu!", précise Ariane. Julia renchérit, "on avait vraiment envie de les embêter, de les provoquer un peu… Sans pour autant vouloir faire de scandale". Lire l'interview de Mélanie Vives dans Têtu
Deux heures après la manifestation, "Julia m'appelle, et me dit qu'on est partout !", raconte surprise Auriane. "On ne s'attendait pas à ça, on n'avait pas réfléchi aux conséquences". Depuis, leurs téléphones n'arrêtent pas de sonner. Les journalistes français et étrangers s'arrachent l'interview des deux jeunes marseillaises. "Ça prend beaucoup de place". "Ça fait bizarre, mais on a dit qu'on assume", explique Julia. "Ma mère est fière de moi, elle m'a dit que je respecte mes convictions et que je me donne les moyens de le faire."
Les médias emboîtent le pas
"Les médias traditionnels n'ont pas immédiatement utilisé la photo, explique Gérard Julien, alors qu'elle a eu tout de suite beaucoup de succès sur les réseaux sociaux". Changement d'époque. L'information est propagée en quelques secondes sur les réseaux sociaux. Les médias traditionnels réagissent des heures après...une éternité aujourd'hui !Le 24 octobre à 11h21, Dans Le Huffingtonpost.fr, Romain Pigenel analyse le succès de l'image : "ce cliché fait fonctionner un ressort simple et efficace: celui de l’opposition entre émotion et raison, entre force de l’image et complexité du slogan". Et le site d'information publie les 10 photos de baisers cultes.
A 15h30, sur son site, le journal La Provence édite la vidéo du Baiser de Marseille, tournée avec un téléphone, par une amie de Julia. Mise sur Youtube mercredi 24 octobre, les 19 secondes ont déjà été vus 139.701 fois deux jours après.
A 17h09, sur Slate.fr on apprend que la photo a traversé l'Atlantique quand un contributeur français l'a postée sur BuzzFeed en la qualifiant de «plus belle image du jour».
Après le succès de la photo, la rubrique "Making-off" sur site de l'Agence France Presse donne la parole au photographe. Julien Gérard "n’avait pas prévu de couvrir la manifestation à Marseille car plusieurs autres bureaux de l’AFP en France étaient sur le coup". Mais finalement, comme il n’avait rien de spécial à faire ce matin-là, il a décidé "d’aller y faire un tour quand même". "La scène a duré à peine trois ou quatre secondes(...). "J’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment", explique-t-il humblement.