La secte du Mandarom a obtenu jeudi gain de cause devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), qui a condamné la France pour des redressements fiscaux portant, selon elle, atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
Les juges de Strasbourg ont appliqué à deux associations liées au Mandarom et à une autre secte la même logique que celle dont ils avaient déjà fait bénéficier dans un autre arrêt, en 2011, la branche française des Témoins de Jéhovah. Invalidant des procédures fiscales intentées contre ces associations, la Cour a condamné Paris à verser, pour "préjudice matériel", 3.599.551 euros à l'Association cultuelle du temple pyramide, et 36.886 euros à l'Association des chevaliers du lotus d'or, toutes deux liées au "Mandarom". Une troisième requérante, l'Église évangélique missionnaire, présidée par Eric Salaûn, s'est vu allouer 387.722 euros.
Le rappel des faits
Les Chevaliers du lotus d'or avaient édifié des temples au monastère du Mandarom à Castellane (Alpes-de-Haute-Provence), dans l'attente de la construction du "temple pyramide" par une association distincte, l'Association cultuelle du temple pyramide. Quant à l'église évangélique missionnaire, il s'agit d'une secte fondée dans les années 1960 dans la région de Besançon.
A l'issue de procédures fiscales, ces associations s'étaient vues respectivement réclamer plus de 2,5 millions et 37.000 euros, puis appliquer une taxation d'office de 60% sur des dons apparaissant dans leur comptabilité. La troisième s'était vue réclamer pour des raisons analogues 280.000 euros. Dans ces trois affaires, portées devant la cour européenne en 2007, les associations requérantes alléguaient que la taxation de dons manuels à laquelle elles avaient été assujetties avait porté atteinte à leur liberté de religion inscrite à l'article 9 de la convention européenne des droits de l'homme.
La CEDH leur a donné raison en se référant à sa propre jurisprudence établie en 2011, dans une affaire similaire, concernant alors les Témoins de Jéhovah. Elle avait jugé le 30 juin 2011 que la France avait porté atteinte à la liberté de religion en ordonnant en 1998 à l'encontre de ces derniers un redressement fiscal massif, pour des dons manuels de fidèles. Les Témoins de Jehovah estimaient que le gouvernement français cherchait en fait à réprimer leur activité légitime, à travers un redressement qui portait à l'époque sur 45 millions d'euros.
La Mission interministérielle française de vigilance et de lutte contre les dérives, sectaires (Miviludes) a "pris acte" jeudi de ces nouvelles décisions de la CEDH. Selon le président de la Miviludes Serge Blisko, l'arrêt prononcé dans l'affaire des Témoins de Jéhovah repose sur "l'interprétation par la CEDH du caractère des dons des adeptes de certains groupes à leur organisation. L'administration ne reconnaît pas le caractère cultuel donnant exemption fiscale à ces dons, qui sont taxés forfaitairement à 60%", a-t-il souligné.
"Mais, si ces associations ont été condamnées, c'est bien pour dérives sectaires, comme ce fut le cas pour Gilbert Bourdin, au Mandarom, qui a échappé par son décès à la justice des hommes", a-t-il conclu. De son côté, Catherine Picard, ex-députée PS et présidente de l'UNADFI (Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l'Individu Victimes de Sectes) a déploré que "quoi qu'il se passe, la CEDH applique l'article 9 de la Convention européenne, sans regarder qui sont les auteurs des faits".
Selon elle, "ces groupes savent que quoi qu'ils fassent, quelque dérives sectaires qu'ils s'autorisent, la Cour européenne leur donne raison".
Les parties disposent d'un délai de trois mois pour demander que ces affaires soient éventuellement réexaminées par l'instance suprême de la CEDH, la Grande Chambre.