Le groupe allemand TÜV, leader mondial du contrôle qualité qui certifiait les prothèses mammaires PIP, est assigné vendredi au civil à Toulon par des distributeurs et des victimes qui réclament réparation avant le procès pénal de l'affaire à Marseille, dans un mois.
Cette procédure devant le tribunal de commerce remonte au lendemain de la liquidation de l'usine de La Seyne-sur-Mer (Var), en mars 2010, et du retrait du marché des implants frauduleux, remplis avec un gel de silicone "maison" différent de celui déclaré à l'Afssaps. L'audience a été renvoyée à maintes reprises, la dernière fois le 1er février.
Six distributeurs de PIP à l'étranger - un bulgare, un brésilien, un italien, un syrien, un mexicain et un roumain - accusent TÜV de négligences et lui réclament 28 millions d'euros d'indemnités, rejoints par environ 1.500 porteuses de prothèses, principalement sud-américaines, dont les avocats demandent pour chacune 15.000 euros de provision au titre du préjudice moral.
L'enjeu est de trouver un débiteur pour indemniser les victimes, dans la mesure où au pénal, les cinq prévenus (d'anciens cadres et dirigeants de PIP dont son fondateur Jean-Claude Mas) ne sont pas solvables et les plafonds de la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (Civi, 4.179 euros) et du Service d'aide au recouvrement des victimes d'infraction (Sarvi, 3.000 euros) ne satisfont pas tout le monde.
En juin 2012 devant la même juridiction à Toulon, les plaignants avaient déjà fait reconnaître la validité des polices d'Allianz, qui assurait PIP, décision dont le groupe allemand a fait appel en dénonçant une "fraude intentionnelle" de son client.
Mais une quinzaine de procédures seulement ont été lancées contre Allianz par des porteuses de prothèses PIP. "Car cela ne vaut pas le coup: la garantie d'Allianz est de trois millions d'euros pour 30.000 porteuses en France: soit 100 euros chacune", souligne un avocat du dossier.
Distributeurs et victimes cherchent donc du côté de TÜV, dont ils dénoncent l'insuffisance des contrôles. Le certificateur rétorque que sa mission se limitait, en vertu de la directive européenne sur les dispositifs médicaux, à un audit "documentaire", à vérifier la conformité du dossier de conception des prothèses et des procédures
de contrôle internes à l'usine varoise.
"TÜV n'était absolument pas chargé du contrôle du produit. TÜV n'a jamais apposé un seul tampon +CE+ sur les prothèses, il ne les a jamais testées sur la chaîne de production, car ce n'était pas sa mission", martèle son avocat, Me Olivier Gutkès.
Le groupe allemand, qui a porté plainte contre PIP, siègera d'ailleurs parmi les parties civiles du 17 avril au 14 mai à Marseille, où le parquet n'a jamais envisagé de le poursuivre.
Le 1er février, le représentant du ministère public à Toulon avait toutefois jeté le trouble en évoquant "des négligences" de la part de TÜV, une position que l'avocat des distributeurs, Me Olivier Aumaitre, n'avait pas manqué de saluer.
A l'audience vendredi, Me Cécile Derycke, qui représente le certificateur, soulèvera des problèmes de compétence et de recevabilité, et tentera de faire valoir que le dossier pénal démontre clairement les manoeuvres de PIP pour contourner ses audits, TÜV n'ayant aucune raison de se méfier ni de procéder à des contrôles inopinés.
Ses adversaires ne partagent pas cet avis. "Mes clientes espéraient une garantie supplémentaire en achetant ces prothèses avec la certification CE. Il y avait eu plusieurs alertes sur PIP, et TÜV aurait dû mettre en place une vigilance spéciale", avait souligné en février Me Nathalie Lozano, du barreau de Bogota.