Un an après le scandale de la Bac Nord, six policiers sont convoqués jeudi et vendredi devant le conseil de discipline, risquant la révocation, à l'issue d'une enquête de l'IGPN jugée bien fragile.
Le rappel de la procédure judiciaire
Octobre 2012: 16 fonctionnaires sont mis en examen, soupçonnés d'avoir volé et extorqué de l'argent et de la drogue à des trafiquants. Le procureur parle de "gangrène" et dans la foulée, 14 autres sont suspendus et l'équipe de jour dissoute par le ministère de l'Intérieur. Si sur le front judiciaire, l'instruction n'est pas close, l'heure des sanctions administratives est venue pour ces hommes accusés de manquements à leurs obligations de probité, de dignité et d'exemplarité.Un premier conseil s'est tenu début juillet, aboutissant à des propositions de peines - entérinées depuis à Paris - allant jusqu'à trois mois de suspension ferme de service (et donc de salaire) à l'encontre de huit anciens "baqueux". Deux de leurs collègues ont été convoqués et sanctionnés en septembre lors de conseils tenus hors de Marseille et une dizaine ont reçu des blâmes.
6 policiers devant le conseil les 14 et 15 novembre
Cette semaine, c'est au tour de six des sept policiers incarcérés pendant deux mois et demi - le septième ayant été muté dans une autre région - de comparaître devant cette instance à huis clos. Agés de 33 à 52 ans, tous ont repris le travail, en dehors des Bouches-du-Rhône, et affichaient d'excellents états de service avant d'être interpellés dans cette retentissante affaire. Au rang des faits établis, la récupération, à l'occasion de contrôles, de cigarettes et stupéfiants sans qu'aucune procédure ne soit rédigée. Des produits ensuite détruits ou remis à des "indics", une pratique courante dans les petites affaires, ont-ils déclaré en garde à vue, niant tout enrichissement personnel. Le dossier fait état de "pochons d'herbe", "quatre grammes de résine de cannabis" ou encore d'"une vingtaine de barrettes", saisis lors des perquisitions.Parmi les autres découvertes, un pied de biche - partie intégrante du matériel collectif de la Bac, d'après le policier mis en cause - "une enveloppe supportant des annotations faisant penser à des comptes" - simple organisation de pots de brigade, assure-t-on de même source - ou trois cartes Sim. Un lot de bijoux aussi, a priori sans grande valeur. Enfin, un autre a reconnu avoir trouvé une sacoche contenant 540 euros et gardé l'argent "sans pouvoir expliquer son geste".
Négligence ou méthodes de voyoux ?
"Négligents", "jonglant avec la bande blanche", mais pas ripoux, les fonctionnaires rejettent les conclusions des enquêteurs de l'IGPN qui évoquent de leur côté des "méthodes de voyous", des pratiques "visiblement répandues ne constituant sans doute que la partie émergée de l'iceberg".Les preuves, pourtant, semblent manquer pour étayer la bande organisée. Les sonorisations, au coeur de la procédure, sont sujettes à caution, selon Alliance qui défend les fonctionnaires incriminés. Trafic radio, moteur, bruits parasites: difficile de comprendre la quarantaine de conversations interceptées à l'aide de micros placés dans six véhicules de la Bac, reconnaît l'Inspection générale de la police nationale (IGPN). Des propos ont ainsi été mal retranscrits - par exemple, "tiens, sens", devient "cinq cents". D'autres ont été sortis de leur contexte, alors qu'une patrouille de huit heures donne inévitablement lieu à des "galéjades", "fanfaronnades", pointe un responsable syndical.
Des témoignages controversés
Le dossier, parti de rumeurs, s'appuie par ailleurs sur les témoignages de trois policiers controversés, deux évincés de la Bac et un autre révoqué, Sébastien Bennardo. Personnage central, ce dernier a participé, en concertation avec les deux autres, à l'investigation "secrète" menée par la "police des polices", comme il le raconte dans un livre récent, dans l'espoir d'obtenir sa réintégration. Décrit par un commissaire, lors de l'enquête, comme "un mythomane qui n'a eu de cesse (...) que de chercher le moyen de se venger de ses ex-collègues", M. Bennardotrouvera cependant une oreille attentive en Alain Gardère, alors préfet délégué à la Sécurité, comme il l'écrit encore dans son livre. Avec, en toile de fond, une guerre des chefs. Le directeur départemental de la Sécurité publique Pascal Lalle, promu depuis directeur central, avait notamment des dissensions avec la délégation marseillaise de l'IGPN de l'époque, expliquent des sources proches du dossier.