La Cour de justice de la République (CJR) va enquêter sur le rôle joué p ar l'ancien chef du gouvernement Edouard Balladur et son ex-ministre de la Défense François Léotard, dans l'affaire dite Karachi.
En ce qui concerne M. Balladur, la commission d'instruction de la CJR va se pencher sur les rétrocommissions sur des contrats d'armement susceptibles d'avoir financé sa campagne présidentielle en 1995, mais aussi sur d'éventuels détournements indus des fonds secrets de Matignon, a précisé la source. François Léotard n'est concerné que par le premier volet.
La commission des requêtes de la CJR a jugé que cette instance, seule habilitée à juger des ministres pour des faits commis dans l'exercice de leur fonction, était compétente.
Le procureur général de la Cour de cassation, Jean-Claude Marin, va désormais saisir la commission de l'instruction de la CJR, qui mènera l'enquête.
Les magistrats de la CJR s'appuieront sur le travail des magistrats financiers Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire, qui, dans le volet non ministériel du dossier, viennent de renvoyer en correctionnelle 6 personnes.
Parmi elles, des très proches d'Edouard Balladur et de François Léotard, Nicolas Bazire, actuellement dirigeant du groupe de luxe LVMH, et Renaud Donnedieu de Vabres.
Les juges financiers soupçonnent que des contrats d'armement avec le Pakistan et l'Arabie Saoudite aient donné lieu à des rétrocommissions qui auraient contribué au financement de la campagne de M. Balladur.
Leur thèse est que le gouvernement Balladur aurait imposé un nouveau réseau d'intermédiaires dans ces contrats, alors qu'ils étaient quasiment finalisés, afin que ce réseau reverse ensuite illégalement à la campagne une partie de l'argent perçu.
Durant les investigations, les enquêteurs s'étaient également intéressés aux conditions d'acquisition par Edouard Balladur d'une villa à Deauville (Calvados) et à des travaux effectués dans sa propriété de Fréjus par François Léotard.
Dans le volet terroriste du dossier, le juge Marc Trevidic étudie la thèse selon laquelle l'attentat de Karachi, en mai 2002, qui avait coûté la vie à 15 personnes, dont onze Français, avait été commis en rétorsion à une décision de mettre un terme au versement des commissions prise par Jacques Chirac, adversaire politique d'Edouard Balladur.
La décision d'enquêter sur Edouard Balladur "démontre à l'évidence que nous sommes bien en présence d'une affaire d'Etat considérable, l'une des plus graves depuis le début de la Ve République, visant notamment l'ancien Premier ministre Edouard Balladur pour détournement de fonds publics", a commenté l'avocat de proches de victimes, Me Olivier Morice.
"Les familles regrettent néanmoins que la Cour de justice de la République ne soit pas abrogée comme s'y était engagé François Hollande alors qu'il était candidat à la présidence de la République", a poursuivi l'avocat. "Il faut que ces hommes politiques rendent maintenant des comptes aux familles des victimes car leur attitude, depuis des années, a fait preuve de déni et de mépris en insultant la mémoire des morts."