Marseille : un réseau de prostitution nigérian devant le tribunal

Dans le box, six prévenus, quatre femmes et deux hommes, soupçonnés notamment de proxénétisme aggravé et de traite des êtres humains. Ils encourent au maximum dix ans de prison et 1 500 000 euros d’amende

Vous pouvez me croire, je n’ai jamais fait prostituer qui que ce soit


L’ancien président de l’association des nigérians de Marseille s’adresse au tribunal. Christopher AIWKHOE, chemise à carreaux et lunettes fines, rajoute : « je ne savais pas que les adhérentes de l’association étaient des prostituées !» Becky Ajayi les cheveux tressés collés et le visage rond conteste avec des sanglots dans la voix : « je n’ai jamais fait la proxénète. Ca fait quatorze mois que je suis en prison et je souffre ! » «  Je vis sans mes enfants ils souffrent, moi aussi ! » Dans le box tous les prévenus, détenus, quatre femmes, deux hommes dont deux anciennes déjà condamnée par des tribunaux pour proxénétisme aggravé. Tous contestent les faits reprochés.

Un système matriarcal structuré par des ex-prostituées nigérianes

En début d’audience, ce mardi 2 juin, la présidente du tribunal, fait un bref résumé de ce dossier. Elle décrit un système matriarcal structuré par des ex-prostituées nigérianes appelées « Mamas ». Les faits datent de 2011 à 2014. Le réseau est particulièrement bien organisé avec le recrutement de jeunes filles au Nigéria. Elles sont « achetées » entre 5000 et 10 000 :€uros, pour ensuite être, exploitées pendant 2 ans, et rembourser une « dette » de 30 000 à 50 000 €uros. Une vingtaine de jeunes femmes est concernée.
Madame LADEGAILLERIE souligne la spécificité du dossier :

 il s’agit d’une affaire de prostitution sous l’emprise de l’ensorcellement


La magistrate a cité une étude sociologique et anthropologique réalisée en 2008 par François Guillemaut de l’université de Toulouse « sexe Juju et migrations » ( http://rsa.revues.org/404 ) La présidente indique que les filles sont recrutées principalement à Bénin city et à Lagos au Nigéria par des « Mamas » locales.

Une enquête menée par la Direction Interrégionale de la Police Judiciaire de Marseille

L’enquête a démarré en 2011. Les policiers de la Direction Interrégionale de la Police Judiciaire de Marseille recueillent des renseignements concernant un réseau de prostitution de jeunes femmes nigérianes exerçant au profit de « Mamas ». Une recrudescence de la prostitution nigériane est constatée sur la ville. Les enquêteurs vont découvrir que les jeunes femmes, avant d’être envoyées clandestinement en France par des recruteurs locaux, sont accompagnées chez un « Jujuman » qui va jeter un sort. Ce rituel magique, pouvant être assimilé au vaudou, permet aux « Mamas » de contrôler les futures prostituées, qui vont craindre tous les malheurs si elles ne paient pas. Les frais de passeport et d’acheminement sont pris en charge par le réseau.L’information judiciaire, s’appuie essentiellement sur de nombreuses écoutes téléphoniques. Les policiers et le magistrat instructeur sont confrontés à la langue Edo, utilisée par les mis en cause. Une langue parlée au Nigéria et au Bénin. La rareté des interprètes-traducteurs a rendu difficile la traduction et l’interprétation des conversations interceptées. Les investigations vont permettre de mettre au jour deux réseaux marseillais dont les protagonistes se connaissent. L’un, qualifié comme le plus violent, est animé par « Mama Ashley » et sa sœur dans l’Oise. L’autre organisé par « Mama Twins » parce qu’elle est mère de jumeaux. D’après l’enquête elle s’apprêtait à envoyer des jeunes filles en Russie. Dans cette affaire, les policiers ne recueilleront pas de dépôt de plainte. Aucune victime n’est venue dénoncer ses proxénètes de peur des représailles magiques ou réelles au Nigéria ou en France. Le procès doit se terminer ce jeudi.
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