Air Cocaïne : les pilotes "auraient pu" alerter leur hiérarchie

Le procès de l'affaire "Air Cocaïne" se tient à Aix-en-Provence jusqu'au 5 avril. Lors des audiences, une experte a déclaré que les pilotes "auraient pu" alerter leur hiérarchie ou les autorités du caractère anormal de leur cargaison. 

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La cour s'est penchée mardi 26 février sur la responsabilité des deux pilotes, Bruno Odos, 59 ans, et Pascal Fauret, 58 ans, qui clament leur innocence.

"Dans l'aviation d'affaires, j'ai vu beaucoup de choses mais ce chargement était clairement hors normes vu le nombre de valises (26 valises, NDRL) et leur poids (700 kilos, NDLR) (...) A leur place, je me serais demandée : "qu'est-ce qu'il y a dans ces valises?"", affirme Claudine Oosterlynck, ancienne pilote de ligne instructeur, citée à la barre en tant qu'experte.

Selon l'accusation, les pilotes ne pouvaient ignorer ce qu'ils transportaient. Lorsque l'avocat général lui demande des précisions, l'experte répond : "Je ne peux pas dire qu'ils auraient dû alerter sur le chargement, je dis bien qu'ils auraient pu le faire".
 

Le pilote est "responsable du chargement"

Autre élément douteux : les valises chargées "ont visiblement beaucoup bourlingué", selon l'experte, "ce qui est inhabituel car dans l'aviation d'affaires, on voit plutôt des bagages de luxe".
Mme Oosterlynck assure que "si le pilote n'est pas tenu de fouiller les bagages, il doit savoir si tout se déroule légalement lors du vol" et il est "responsable du chargement". "Moi, je me serais tournée vers la société d'assistance aux passagers pour savoir si tout était OK avec ces valises", a insisté l'experte, "d'autant plus que ce n'était pas le premier vol de ce type qu'ils opéraient".

Lors de l'enquête, un pilote interrogé avait également assuré que, dans la même situation, "il aurait fait appel aux Douanes". "Il y a deux solutions: ou ils sont neuneus ou ils sont dans le coup", avait dit un autre.
 
 

"Le client est roi"

Pourquoi Pascal Fauret et Bruno Odos, qui assurent ne jamais avoir été complices d'un quelconque trafic, ne se sont-il pas étonnés de ce chargement ?
"Ces valises avaient passé le filtrage de l'aéroport", souligne leur avocat, Me Antoine Vey.
Le président Jean-Luc Tournier relit des témoignages de pilotes rappelant "qu'en aviation d'affaires, le client est roi". Plusieurs pilotes de la société SNTHS, interrogés par les enquêteurs, ont soutenu que la pression commerciale de clients exigeants et fortunés les incitait à "ne pas poser de questions".  
Une pression toutefois démentie par un autre accusé, Pierre-Marc Dreyfus, le dirigeant de SNTHS. "Il est quand même très rare qu'un commandant de bord s'en laisse conter
par un commercial !
", s'exclame-t-il. 



Le vol du 19 mars 2013 ne comportait pas de "grosses irrégularités", selon l'experte en aéronautique. Cette dernière relève "un changement de plan de vol de dernière minute", mais rien d'anormal dans l'aviation d'affaires, selon elle.

Elle émet toutefois des doutes sur "l'ingérence du porteur d'affaires, Alain Castany, dans le vol". Alain Castany, le "broker" de 72 ans, trop malade pour être jugé lors de ce procès, "portait une veste à galons et était marqué comme pilote", lors du vol intercepté à Punta Cana, "il n'avait pas la qualification pour ce rôle et aucune qualification "Falcon 50"", observe-t-elle. 



 
Rappel des faits
Le 19 mars 2013 sur le tarmac de Punta Cana, les deux pilotes de la société SNTHS préparent un vol d'affaires en direction de Saint-Tropez avec un seul client à bord, Nicolas Pisapia. Et 26 valises, d'un poids total de 700 kilos, que les deux hommes, qui supervisent le chargement du Falcon 50, répartissent entre la soute et le "salon arrière" de l'appareil.

Les pilotes, Bruno Odos et Pascal Fauret ont été condamnés à vingt ans de prison en République dominicaine, dont ils sont parvenus à s'enfuir clandestinement en 2015 vers la France. En novembre 2015, ils ont été placés en détention provisoire jusqu'en mars suivant. 


7 semaines de procès
Les juges ont également renvoyé devant la cour d'assises Ali Bouchareb. Ce Lyonnais, présenté comme un gros bonnet de la drogue, est le seul mis en examen en détention
provisoire dans ce dossier.

Comparaîtront également à partir du 18 février, Frank Colin, ancien garde du corps de la jet-set qui prétend avoir infiltré ce réseau pour le compte des services de sécurité français, et deux responsables d'une compagnie d'aviation privée lyonnaise.

Le procès doit durer jusqu'au 5 avril.
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