Commémoration du 8 mai 1945 : à 95 ans, la Légion d’honneur pour un résistant des Alpes-de-Haute-Provence

76 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Robert Maestracci va être fait chevalier de la Légion d’honneur lors de la cérémonie du 8 mai prévue dans sa commune d’Entrevennes dans les Alpes-de-Haute-Provence. Une reconnaissance tardive pour ce résistant de la première heure.

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"Cette Légion d’honneur, je ne l’ai pas demandée. Elle est tombée du ciel comme ça, je ne sais pas pourquoi. Ils ont peut-être examiné tous les détails de ma carrière". Robert Maestracci, bientôt 96 ans, n’en revient toujours pas.

Ce samedi 8 mai, il recevra la Légion d’honneur pour ses actes de résistance lors de la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire que ce Marseillais de naissance est un résistant de la première heure.

"Je me souviens du discours de Pétain en juin 1940. Les gens applaudissaient parce qu’ils allaient remettre leurs pantoufles. Mais moi, j'avais 15 ans à ce moment-là et je pleurais. Je pleurais de déception. Je n'ai jamais accepté ça. Jamais."

Il s’attaque d’abord aux véhicules des Allemands

Robert Maestracci décide d'abord d'agir seul contre l'occupant allemand. "Je mettais une partie de mes restes de sucre dans les réservoirs des voitures allemandes ou des morceaux de verre sous leurs pneus. Je faisais ce que je pouvais quoi", explique-t-il, le regard pétillant.

En 1941, alors lycéen à Marseille, le jeune Robert s’engage auprès de l’Abbé Blanc, célèbre figure de la Résistance phocéenne.

"L’Abbé Blanc était le directeur de l’école où je prenais mes cours. J’y préparais mon bac que je n’ai finalement jamais passé. Avec l’Abbé, on a sympathisé tout de suite même si nous étions très différents. Il était très expansif. Moi j’étais plutôt discret. Mais je l’ai aidé à créer ce réseau, où l’on faisait tout ce que l’on peut faire dans un réseau : attaques sur l’occupant, poses d’affiches, etc.".

Il échappe par miracle à l’arrestation de son groupe de résistants

Robert Maestracci aide le prêtre à organiser le réseau O.S.S. dans la zone sud avant ce triste soir d’été 1943. "Le réseau a été trahi par un officier français pour du pognon. La Gestapo a arrêté tout le monde le 28 août 1943. Une partie a été fusillée. L’autre partie, dont l’Abbé Blanc, a été déportée à Buchenwald (ndlr : un camp de concentration nazi). Le hasard a voulu que, par miracle, je ne sois pas là le soir de l’arrestation". 

Un miracle… allemand. "La veille, j’avais reçu une convocation de l’armée allemande. J’avais été tiré au sort pour aller garder les voies à la gare Saint-Charles cette nuit-là. Si je n’y avais pas été, j’étais passible du Travail obligatoire en Allemagne. C’est finalement les Fritz qui m’ont sauvé", relate-t-il en souriant.

Il travaille ensuite au journal "Le Petit Marseillais"

Mais Robert Maestracci n’est pas sorti d’affaires pour autant. Il est activement recherché par la Gestapo qui tarde à mettre la main sur lui. "J’avais un faux nom parce que l’Abbé Blanc avait préféré être prudent pour nous protéger. Si la Gestapo avait su mon vrai nom, ils m’auraient trouvé de suite".

À partir de là, un retour au lycée est impossible. Robert ne décrochera jamais son bac. "Mon père avait une entreprise de fournitures maritimes qu’il a fermée car il ne voulait pas travailler pour les Allemands. On a tout perdu. On a fini la guerre ruinés", confie-t-il. "Du coup, je suis allé travailler dans un journal : Le Petit Marseillais".

Sur place, il se fait copain avec le fils du rédacteur en chef, qui travaille dans la photogravure. Juste une connaissance, à qui il ne révèle pas son passé de résistant. Bien lui en prit.

"Un beau jour, il disparait du journal et part travailler pour la Gestapo. Naturellement, nos relations se sont arrêtées là, mais quelques mois après, le téléphone sonne au travail. C’était lui. Il me dit : "Robert, je ne peux rien te dire au téléphone mais attends-moi à la sortie". Alors, à 18h, je suis descendu. Il était devant la porte. Il me dit : "Tu sais, j’ai ouvert un cahier par hasard au travail et j’ai trouvé ton nom souligné en rouge. Quand c’est comme ça, c’est que l'arrestation est prévue pour cette nuit".

Recherché, il prend le maquis à Entrevennes

Nous sommes en mai 44. Robert décide alors de fuir Marseille. Il prévient ses parents et les oblige à venir avec lui pour les protéger de représailles allemandes. Le soir même, la famille Maestracci est dans le train pour les Basses Alpes.

Après douze kilomètres de marche éreintante, ils arrivent dans le petit village d'Entrevennes, dans les Alpes-de-Haute-Provence. "Il y avait une maison ouverte que l’on connaissait et qui était abandonnée. On s'est donc réfugié à l'intérieur pour dormir".

Dès le lendemain matin, il part à la rencontre des hommes du village mais tous ont disparu. "On m’a dit : "ils sont sur les plaines là-haut". Je suis donc monté et à 9h du matin, je remplissais deux chargeurs de mitraillettes".

Jusqu’à la libération, Robert Maestracci va enchaîner les missions typiques des maquis provençaux. 

"J'ai fait des patrouilles un peu partout. Je devais surveiller des routes avec ma mitrailleuse car j'étais le mitrailleur de l’équipe. Et surtout, on réceptionnait les parachutages d'armes, de munitions et de ravitaillement".

Un travail crucial pour permettre aux résistants d'effectuer des missions de sabotage ou des embuscades contre les forces d’occupation. Des actions qui ont facilité les opérations des Alliés lors du débarquement en Provence.

Décoré 76 ans après la fin de la guerre

Robert Maestracci restera à Entrevennes jusqu'à la fin de la guerre. Il tentera ensuite sa chance au Canada avant de revenir s'installer à Marseille avec sa famille. Il tiendra pendant de longues années un magasin de stores avec sa femme. Ce n'est qu'à la retraite que le Phocéen retournera vivre à Entrevennes.

La petite commune honorera son doyen ce 8 mai en début d'après-midi. 76 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il était temps d'honorer cet homme de l'ombre même si tant de considérations le gênent.

"C'est une fierté mais je ne suis pas tranquille avec ma conscience. Je ne suis pas fier parce que je n’ai pas gagné la guerre tout seul. Il y a des milliers de jeunes comme moi qui y ont participé. Alors quand je me vois là, honoré par tous, ça me choque un peu. Je pense surtout aux copains de mon âge qui y ont laissé la vie".

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