C'était l'un de ses modèles préférés. Hélène Mercier dessinée par Henri Matisse. Le portrait avait mystérieusement disparu depuis 1948 et voilà qu'il réapparait comme par magie... roulé sur une armoire. Mis aux enchères le 26 juin prochain, il est estimé à plus de 300.000 euros.
Il avait l'habitude de donner de la liberté à ses traits. Des traits harmonieux et légers comme pour décrire cette femme accoudée sur un bout de canapé. Le regard fuyant mais perçant, signature du célèbre peintre Henri Matisse.
Cette ébauche au fusain et à l'estompe était perdue depuis son exposition dans la grande rétrospective consacrée à l'artiste français au Philadelphia Museum of Art en 1948.
Plus de 70 ans après sa disparition, le portrait d'Hélène Mercier, née Princesse Galitzine, vient d'être découvert dans les Alpes-de-Haute-Provence.
Perdu depuis son exposition au Philadelphia Museum of Art en 1948, un #dessin historique d’Henri #Matisse représentant Hélène Mercier a été découvert à Manosque. Il sera présentée aux #enchères en juin.
— Barnebys.fr (@barnebysfr) May 22, 2021
À l'origine, il devait servir à la réalisation d'un décor commandé par le milliardaire américain Nelson Rockefeller pour son appartement à Manhattan... Puis, après un passage chez les soeurs du couvent des Minimes, il s'est finalement retrouvé au-dessus d'une armoire dans une maison, à Manosque.
Un trésor caché qu'une dame est venue apporter chez l'expert, sans se douter qu'il valait de l'or.
Jennifer Primpied-Rolland, commissaire priseur à la maison de vente Ivoire-Manosque, se souvient de cette rencontre : "Elle est arrivée parfaitement sereine car, pour elle, c'était une reproduction. Elle voulait juste en avoir le coeur net. Mais quand elle me l'a donné, j'ai immédiatement été saisie par la beauté du dessin et alertée par la signature parfaitement lisible. Bien sûr, à ce moment-là, nous ne savions pas encore qu'on avait entre les mains quelque chose d'extraordinaire."
Pour vérifier qu'il s'agissait bien de l'original, un an d'enquête et de recherche a été nécessaire. Des analyses techniques, limite scientifiques, du pigment et du papier.
Au dos du dessin, une mention a également attiré l'oeil de la commissaire. "Il y a la référence du photographe d'Henri Matisse. Quelqu'un qui reproduirait une oeuvre n'irait pas jusque dans ces détails-là", sourit-elle.
Bingo ! Marc Vaux, photographe des peintres parisiens dans les années 20, avait l'habitude de tenir un registre sur lequel il référençait toutes les photos d'oeuvres d'art qu'il prenait. Un élément de plus pour affirmer que le dessin était bien de la main de Matisse.
"Après identification du modèle et la chance de voir que l'oeuvre était parue dans la revue Les Cahiers d'Art, on s'est rendu compte qu'il s'agissait même d'une pièce majeure de la production d'Henri Matisse. Le premier jet d'un tableau qui devait décorer le penthouse du Nelson Rockfeller et qui existe : Le Chant, peint la même année, en 1938", précise Jennifer Primpied-Rolland.
Quand la propriétaire de l'esquisse, pas coutumière de l'art en général, a appris la bonne nouvelle, sa réaction ne s'est pas faite attendre. "Elle a été quasi proche de l'évanouissement tellement elle était stupéfaite d'avoir ça chez elle !" raconte la commissaire.
Surprise donc : l'oeuvre d'art, datée et signée par Henri Matisse le 22 octobre 1938, est aujourd'hui estimée entre 300.000 et 400.000 euros, au minimum. Et ce dessin (65 x 50 cm) pourrait vite grimper lors de sa mise aux enchères le 26 juin prochain. À titre d'exemple, un croquis plus petit du même artiste vient d'être adjugé pour 1,39 million d'euros chez Christie's.
Ami et rival de Pablo Picasso, Henri Matisse était le leader du fauvisme, un mouvement artistique caractérisé par des formes simplifiés, des contours marqués mais surtout des couleurs pures et vives, voire violentes.
"Il commençait généralement par des dessins très poussés de ses modèles pour aller à la simplification des formes. Il y a une émotion profonde quand on est face à ce dessin [le portrait d'Hélène Mercier], on la sent pensive tout en posant naturellement", s'est exprimée Agnès Sevestre-Barbé, experte en oeuvre d'art, au micro de BFM TV.