Un Cor de chasse raisonne. Et symboliquement un jeune homme au béret déclare "la chasse au loup ouverte". Derrière lui, 300 brebis bêlent perturbant les promeneurs de chiens du matin, au pied de la Tour Eiffel. Les éleveurs dont ceux des Alpes du sud ont manifesté ce jeudi à Paris.
Mercredi, des éleveurs et bergers avaient lancé cette transhumance vers la capitale depuis l'Auvergne et la Champagne-Ardenne. Ce jeudi, ils étaient environ 300 et autant de brebis, venus des principaux départements producteurs.
Cet après-midi, quelques unes accompagneront une délégation au ministère de l'Agriculture où Stéphane Le Foll doit les recevoir, la ministre de l'Écologie étant retenue par la 3e conférence environnementale.
"On a voulu montrer aux pouvoirs publics l'absurdité du loup. Et puisqu'on arrive plus à protéger nos troupeaux, on va demander au gouvernement de les garder", répond Serge Préveraud, président de la Fédération nationale ovine (FNO).
Ce qu'ils veulent: un nombre conséquent d'autorisation de tuer. Pour 2014-2015, le nombre de tirs de prélèvement autorisés par les préfets est plafonné à 24 loups.
Il pourra éventuellement être porté à 36 si le nombre de 20 bêtes tuées est atteint. Mais c'est insuffisant pour les éleveurs.
Leur constat est clair: le loup, qui est revenu en France par le Mercantour en 1992, ne cesse de gagner du terrain.
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300 loups
La population, estimée à 300 animaux, progresse de 15 à 20% par an, sur une aire de répartition qui augmente de 25% par an également.Et les pertes s'amplifient. Dans les Alpes-de-Haute-Provence par exemple, depuis janvier, il y a eu 345 constats d'attaques, contre 288 sur la même période l'an dernier; et 1.117 brebis reconnues tuées par le prédateur, contre 874, selon un décompte fourni par la FNSEA du département.
La forêt se referme
Jacques Courron a 550 brebis, des Mourérous, une race adaptée aux milieux secs et originaire des Alpes-Maritimes, le département le plustouché par les attaques: 675 par an.
Visage émaciée, grands yeux verts et cuir marron trop grand pour lui, il lâche: "le loup, c'est la même logique qu'un viol".
"Notre boulot, c'est ramasser des cadavres ou des brebis qui agonisent encore. C'est un stress terrible pour les animaux avec beaucoup d'avortements précoces, et pour la famille".
Depuis janvier, il dit avoir subi une quarantaine d'attaques, 60 animaux morts et autant de disparus. Pourtant, insiste-t-il, tous les élevages du département ont mis en place les mesures de protection: gardiennage renforcé, tirs de défense, chien de protection et troupeau à l'abri la nuit.
Installé à Caussols, son troupeau sillonne justement le Parc du Mercantour, et toute l'année, pas seulement l'été comme dans les régions plus septentrionales.
"La journée, on s'occupe des morts et la nuit on va chercher le loup", finit-il par résumer. Et depuis, sa femme est partie.
Il y a également les conséquences collatérales. "Du moment où les éleveurs ne veulent plus aller à certains endroits, la forêt se referme sur elle-même. Les pins repoussent là où les brebis passaient. Depuis quatre ans dans les Alpes-de-Haute-Provence, la forêt progresse de 1% tous les ans", argumente Jean-Paul Comte, président de la FNSEA départementale.
Les éleveurs continuaient leurs récits, devant une nuée de journalistes, pendant que, de l'autre côté de la Tour Eiffel, une vingtaine de pro-loups tentaient également de se faire entendre.
"Être pour le loup, ce n'est pas être contre les éleveurs" et "ce qu'on fait sur le loup est disproportionné par rapport aux vrais problèmes des éleveurs", insiste Marc Giraud, vice-président de l'association pour la protection des animaux sauvages.