Les attaques de loups se multiplient dans le Finistère. En deux ans, les constats de dommages sur les troupeaux ont été multipliés par dix. Un phénomène qui touche désormais aussi les bovins, un fait inédit.
"Il y a de plus en plus d'attaques et de plus en plus d'attaques dans lesquelles l'attaquant loup n'est pas exclu", confirme le préfet du Finistère Alain Espinasse lors du comité loup, réuni ce mardi 19 novembre 2024 au siège du Parc naturel régional d’Armorique au Faou.
Depuis deux ans, les attaques sur les troupeaux se sont multipliées : Alors qu'elle notait 8 constats de dommages sur animaux domestiques en 2022, la Préfecture du Finistère indique en avoir dénombré potentiellement près de 60 en 2023 et autour de 80 à la date du 13 novembre 2024. Ces attaques ne sont pas toutes certifiées, ces chiffres sont des repères.
Des attaques sur les bovins
Fait nouveau, le loup pourrait aussi être à l’origine de sept attaques sur des jeunes bovins depuis le début de l’année.
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"C'est un phénomène qui est en train de naître qui implique plein de changements, témoigne Léo Parel, éleveur de mouton à Ploézoc et référent loup pour la Confédération paysanne du Finistère. Notamment sur du fait que les vaches ne sont pas éligibles aux mesures de protection donc on ne donne pas la possibilité aux élevages de se protéger parce que jusqu'à maintenant, on pensait qu'il n'y avait pas de risque."
"[On pense] que le loup mange essentiellement du petit ruminant. Mais en 2020, en Espagne, il y a eu 6 400 vaches mangées par le loup."
Léo ParelRéférent loup pour la Confédération paysanne du Finistère
Pourtant, selon cet éleveur, les attaques contre ces grands ruminants pourraient bien progresser, comme en Espagne.
"Historiquement, le loup est revenu par des territoires d'élevages ovins en France. On avait un raccourci en tête qui voulait que le loup mange essentiellement du petit ruminant. Mais en 2020, en Espagne, il y a eu 6 400 vaches mangées par le loup. En France, on en est à 400 environ par an."
8 élevages bovins subventionnés
Le Préfet du Finistère l'assure, les éleveurs bovins du Finistère seront accompagnés financièrement en cas d'attaques avérées du loup.
Sur les vaches, par exemple, il n'y a quasi jamais de prise à la gorge. Sur les moutons, c'est systématique, c'est même un critère clef.
Léo ParelRéférent loup pour la Confédération paysanne du Finistère
Le problème, selon Léo Parel, c'est que les grilles d'identification des attaques du loup sur les bovins ne seraient pas assez développées.
"Les grilles de constatations ont été construites sur des moutons, pas sur des vaches. Sur les vaches, par exemple, il n'y a quasi jamais de prise à la gorge. Sur les moutons, c'est systématique, c'est même un critère clef pour dire que c'est le loup qui a mis l'animal à mort. Sur les vaches, il y a bcp de griffures et de saisies à l'arrière, aux mamelles, aux pattes, à la queue."
Actuellement, l'état considère que la protection des bovins est quasiment impossible et n'apporte pas de solutions pour les éleveurs. Nous demandons à ce qu'ils soient pris en compte.
Jean-Noël BallotMembre du groupe Loup Bretagne
"On demande que les éleveurs bovins soient aussi soutenus que les éleveurs ovins, renchérit Jean-Noël Ballot, administrateur de l'association Bretagne vivante et membre du groupe Loup Bretagne. Actuellement, l'état considère que la protection des bovins est quasiment impossible et n'apporte pas de solutions pour les éleveurs. Nous demandons qu’ils soient pris en compte."
Dans le cadre d’une expérimentation nationale, cinq élevages finistériens et trois élevages costarmoricains ont déjà obtenu des subventions pour tester l’introduction de chien de protection dans des troupeaux bovins.
Combien de loups en Bretagne ?
Entre éleveurs, représentants des associations environnementales et autorités locales, une question fait toujours débat : combien de loups sont présents en Bretagne ?
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"On a fait une étude en profilant les photos et vidéos des animaux, explique l'administrateur de l'association Bretagne vivante. On s'est aperçu que sur deux ans, il y a au moins trois ou quatre loups qui sont passés en Bretagne, ça ne veut pas dire qu'ils sont restés."
Le fait qu'il n'y ait qu'un loup dans ce département génétiquement identifié ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres.
Alain EspinassePréfet du Finistère
Mais un seul loup a été identifié à ce jour dans le département grâce à des poils collectés sur la commune de Sizun et envoyé en laboratoire pour analyse en avril 2023. Il s'agissait d'un mâle, de lignée allemande ou polonaise.
"Le fait qu'il n'y ait qu'un loup dans ce département génétiquement identifié ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres, concède le Préfet. Mais le fait de dire il y a quatre loups dans le département, ce n'est pas vrai scientifiquement."
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Expérimentation des tests salivaires dans le Finistère
Si le plan national d’action sur le loup et les activités d’élevage 2024-2029 ne prévoit pas d'analyses génétiques systématiques sur des prélèvements de salive réalisés sur des proies, le préfet du Finistère a proposé "que cette technique puisse être mise en place, à titre expérimental, dans le Finistère, à l’image de celle mise en œuvre dans les Ardennes."
Une mesure soutenue par les éleveurs. "Si on trouve des profils génétiques différents, ça permettrait de donner le nombre réel de loups présents, relève Gilles Morvan, éleveur de brebis à Lopéret dans les Monts d'Arrée et président de la Fédération ovine de Bretagne. Ça ne changera rien pour les éleveurs, ce n'est pas le nombre de loups qui détermine les loups."
Des mesures de protection pour les troupeaux
Face à la multiplication des attaques, la Préfecture va augmenter le nombre de communes où les élevages pourront être subventionnés pour obtenir des mesures de protection.
En vigueur dans le département depuis janvier 2023, ces arrêtés "cercle" vont être étendus de 10 à 18 communes pour le cercle 1, de 66 à 82 communes pour le cercle 2 pour l'année 2025.
On est au début d'une situation qui va certainement empirer.
Léo ParelRéférent loup pour la Confédération paysanne du Finistère
Des mesures de protection qui restent coûteuses pour les éleveurs, selon Léo Parel qui a lui-même anticipé l'arrivée du loup en s'équipant de clôtures électriques et en intégrant un chien de protection, un patou, à son troupeau depuis l'année dernière.
"En France, l'état a fait le choix de limiter l'aide à 80 % du montant d'investissement alors que l'Europe permet une prise en charge à 100 %. Il y a quand même un reste à charge de 20 % pour les éleveurs, ça peut représenter de gros montants."
L'éleveur ne cache pas son inquiétude : "On est au début d'une situation qui va certainement empirer."
(Avec Claire Louet)