A Nice au Crédit municipal, on constate un changement d'habitudes et de nouveaux usagers face à la crise sanitaire

En cette période, rendue bien complexe par la Covid-19, les crédits municipaux des Alpes-Maritimes, établissements publics de crédit et d'aide sociale, connaissent-elle une hausse vertigineuse de fréquentation ou pas du tout ? Nous faisons le point à Nice.

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Depuis une dizaine d'années, les Monts-de-piété, tant dans les Alpes-Maritimes qu'au niveau national, connaissent une forte croissance due principalement à un levier cascade : l'augmentation du nombre de prêts, stimulés, entre autre, par la flambée du cours de l'or depuis 2011. Aujourd'hui, à 50 euros le gramme, en 2017 il n'était qu'à 34 euros.

Héritière du Mont-de-piété de Nice, la Caisse de crédit municipal fait partie du patrimoine local depuis plus de quatre siècles. Egalement connue, plus familièrement, sous le nom de "clou"  ou "chez ma tante"  cette institution est implantée sur trois villes du département des Alpes-Maritimes : Nice, son siège, Cannes et plus récemment Menton.

Objectif premier, lutter contre l'usure

Le principe ? En échange d'un objet, en fonction de sa valeur, définie par des experts certifiés et du cours officiel de l'or, les usagers se voient remettre une somme d'argent. C'est ce que l'on appelle le prêt sur gage.

En général, lors de périodes de crises économiques marquées, nombreux sont ceux qui se tournent vers cet organisme. Avec la crise sanitaire mondiale liée à la Covid-19, l'année 2020 et ce debaut de 2021, n'échappent pas à un très fort ralentissement de l'activité économique, générant des situations individuelles catastrophiques.

Il serait donc "logique" que ces établissements connaissent un regain d'activité sans pareil... Et bien non !

Le prêt sur gage est un prêt immédiat obtenu contre le dépôt temporaire d'un objet de valeur. Son principe expliqué en vidéo par l'étabissement de Paris :

Activité en baisse en 2020

Si plus de 43 000 opérations d'engagement, de renouvellement ou de prolongation ont été effectuées en 2020 dans le département des Alpes-Maritimes, il n'en demeure pas moins qu'à la fin de l'année 2020, pour la première fois depuis 4 ans, les chiffres étaient en baisse.

Pour preuve, le montant de l'encours a baissé de 7.5 %, et le nombre d'encours également, de près de 10 %.

Parce que ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, l'encours, c'est l'addition des différents contrats et des différents capitaux prêtés à un usager. Donc, conséquence logique, la fréquentation des usagers est, elle aussi, en baisse.

Une bonne chose, direz-vous, puisque cela signifie que moins de personnes ont recours aux services du Mont-de-piété.

Oui mais voilà, tout cela est tout à fait surprenant et à l'encontre de ce à quoi nous devrions nous attendre. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées afin de tenter de comprendre cette situation pour le moins paradoxale.

  • Une interruption de l'activité du Crédit municipal durant le premier confinement

Tout Mont-de-piété qu'il est, le Crédit municipal n'échappe pas aux conséquences de la crise sanitaire. De la mi-mars à la mi-mai de l'an passé, les portes du « clou » ont été contraintes à rester clauses durant le premier confinement.

Voilà, peut-être, une première explication qui pourrait justifier la baisse d'activité. Mais pas que !

  • Un radical changement d'habitudes des usagers

Avec la crise de la Covid-19, bon nombre de nos clients sont venus retirer les valeurs qu'ils avaient engagées comme l'indique la baisse de 7,8% des encours de prêts sur gages pour l'année passée. Pour la plupart, de l'or, des bijoux signés, des pierres précieuses. Lors de la réouverture, au mois de mars, on s'attendait à revoir nos usagers. Mais pas du tout. Les gens étaient venus récupérer leurs biens et c'est tout.

constate Jean Daumas, le directeur-général du Crédit.

Un phénomène qui n'a rien de régional. Au niveau hexagonal, le schéma est identique. Cette baisse d'activité représente, pour l'an passé, près de 15 millions d'euros.

"En fait, en discutant avec les usagers lorsque nous avons réouvert nos portes, beaucoup nous ont dit qu'ils retiraient leurs biens de peur que le Crédit municipal ne ferme pour de bon," précise Nadia Verlet, agent d'accueil et de guichet de Nice.

"J'avoue que j'ai du mal à comprendre cette inquiétude. Si il y a bien un endroit où les biens sont en sécurité, c'est chez nous." réfléchit à voix haute Jean Daumas. "Je pencherai plutôt pour une conséquence de la baisse notoire de la consommation en France. A cause du confinement, les commerces étaient fermés donc les gens ont eu moins besoin d'argent. Aujourd'hui, au moment où je vous parle, on arrive tout juste à équilibrer les entrées sorties".

  • Un certain type d'usagers liés à un certain mode de consommation

"Le client de passage est rare. Les prêts de moins de 50 euros représentent moins de 2% de notre activité. C'est vraiment à la marge. Les usagers du clou sont des utilisateurs qui possèdent forcement quelque chose, puisque notre raison d'être est le prêt sur gage" explique le Directeur général, Jean Daumas.

"Après, nous avons des clients dont le système de fonctionnement est de financer leur quotidien avec le crédit municipal. Quand certains touchent leurs allocations, ils viennent récupérer leur(s) bien(s). A la fin du mois suivant, ils sont à nouveau en difficultés et ils reviennent déposer. Ce qui m'amène à nouveau à envisager l’explication que du fait du confinement les gens ne pouvaient plus faire des achats et donc avaient moins besoin d'argent. C'est assez mathématique. Je pense qu'il faut la prendre en compte. J'ai, également, remarqué que durant cette période, notre activité d'épargne, car nous faisons aussi des comptes à terme, a paradoxalement augmentée. Nous avons eu un nombre supérieur de demandes de personnes qui voulaient déposer de l'argent en compte de dépôt à terme. Ce ne sont pas du tout les même personnes évidement, mais cette clientèle est, aussi, venue à nous".

  • Le bas de laine à la maison... une valeur qui fonctionne toujours

Selon le patron du Mont-de-piété niçois, "les personnes qui possèdent de l'or, des bijoux, des pierres, savent que c'est une valeur sure, sonnante et trébuchante, quand temps de crise économique, leurs propriétaires préfèrent en avoir près d'eux, et qu'au pire du pire, ils peuvent venir les re-gager, chez nous, pour une durée de 6 mois renouvelable. C'est un confort de gestion, de trésorerie".

Nouveaux usagers

Si la baisse d'activité en 2020 reste un phénomène assez déconcertant pour les professionnels du Crédit, mais qu'ils tentent néanmoins de rationaliser, cela ne doit pas cacher un nouveau type d'usagers qui eux sont bel et bien une des conséquences de la crise sanitaire actuelle.

"Nous avons constaté de nouvelles catégories d'usagers depuis le printemps 2020. Des personnes qui travaillent dans les secteurs du tourisme et de la restauration. Des auto-entrepreneurs qui sont très sévèrement touchés par un chômage partiel ou un chômage tout court. Des saisonniers, des professions libérales qui n'arrivent plus a exercer leur métier et qui pour finir le mois viennent chez nous" selon Nadia Verlet, agent d'accueil et de guichet du Crédit municipal de Nice.

De nouveaux usagers qui s'ajoutent à une clientèle déjà en mutation précise Jean Daumas. " Il y a encore cinq ans, nous avions très peu de retraités. Idem pour des mères de familles, ou des salariés indépendants. De nouvelles catégories de personnes qui n'arrivent plus à faire les fins de mois, ou qui font fonctionner leur activité grâce aux biens engagés. Nous sommes le derniers remparts quand les banques ne prêtent plus. Les usagers apportent leur bien. Avec une pièce d'identité et un justificatif de domicile on peut débloquer de l'argent immédiatement jusqu'à 3 000 euros en espèce. Le montant moyen de nos prêts est de 840 euros".

Le saviez-vous ?

Le Crédit municipal est comme indiqué plus haut, souvent appelé le Mont-de- piété, chez ma tante ou le clou. D’où viennent ces appellations ?

> La première nous vient au XVI e siècle de l’Italien. Elle est une traduction très libre de « monte di pieta » qui voulait dire « crédit de pitié ».

> La seconde date du XIX e. C’est un terme ironique qui vient de ces personnes qui, ne voulant pas avouer leur recours au prêt sur gage, expliquaient leur soudaine rentrée d’argent par un apport venu de la proche famille. Pourquoi la « tante » plutôt que la belle-mère ? Certains l’expliquent par l’utilisation du féminin de « oncle » qui, en Belgique au XVIIe, désignait un prêteur sur gage.

> La dernière image, datant de la même époque et venant des « clous », où les objets mis en dépôt étaient supposés être accrochés.

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