Le tribunal correctionnel de Marseille va tenter, ce lundi et demain mardi, de démêler les circuits de blanchiment d'argent russe en France en jugeant une affaire liée à l'achat de trois propriétés sur la Côte d'Azur par l'ex oligarque russe Boris Berezovski, décédé en 2013.
Éminence grise du Kremlin à l'époque du président Boris Eltsine, Boris Berezovski, né en 1946, avait fait fortune dans le commerce de l'automobile avant de créer de nombreuses sociétés, en Russie et à l'étranger dans les secteurs financiers, médiatiques et le bâtiment. Tombé en disgrâce peu après l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il s'était exilé depuis 2000 au Royaume-Uni.
Après son départ de Russie, la justice russe avait multiplié les poursuites contre lui, l'accusant notamment d'avoir profité de son influence politique pour faire nommer ces amis à des postes clés de l'Aéroflot et organisé le détournement d'argent au détriment de la compagnie aérienne russe. Elle l'avait condamné, en 2007, à 6 ans de prison dans cette affaire.
En France, saisie par Tracfin, la cellule anti-blanchiment de Bercy, la justice a soupçonné M. Berezovski d'être à l'origine d'opérations de blanchiment entre 1997 et 2001 lui ayant permis d'acquérir, via des montages financiers sous forme de prêts entre sociétés françaises et étrangères, les propriétés le Château et le Clocher de la Garoupe au Cap d'Antibes, louées ensuite à des sociétés off-shore.
Des achats permis selon une procédure opaque par des fonds d'origine douteuse, selon l'accusation, qui évoque des fonds provenant d'abus de confiance et recel d'abus confiance.
Boris Berezovski, qui assurait n'avoir pas suivi le détail des montages financiers de l'achat des propriétés, acquises selon lui grâce au bénéfices tirés d'actions de ses sociétés, avait été mis en examen à Marseille au printemps 2011.
Berezovski, "brisé", parlait de suicide
Un agent immobilier français Jean-Louis Bordes et sa société immobilière, la Sifi, au statut fictif selon les enquêteurs, ont également été renvoyés en correctionnelle, soupçonnés d'avoir reçu des fonds de deux sociétés, l'une suisse, l'autre russe.Lors de l'enquête, M. Bordes avait évoqué le blanchiment, affirmant n'avoir jamais demandé l'origine des fonds versés à sa société au titre des loyers ni s'être renseigné sur l'activité des sociétés concernées.
Ses avocats, Me Aurélien Hamelle et Me José Allegrini, ont demandé la relaxe de leur client arguant qu'il "n'avait pas connaissance du fait que les fonds visés (...) auraient eu une origine délictuelle, à la supposer établie". En outre, les relevés de compte de la Sifi "ne permettaient nullement de connaître l'origine des fonds mis à disposition", a fortiori de savoir si "ces fonds auraient été le produit d'infractions", la fortune des deux investisseurs russes, Boris Berezovski et un autre milliardaire, Roman Abramovitch, "excluant toute suspicion".
L'action judiciaire contre M. Berezovski s'est éteinte en mars 2013 avec le décès de celui-ci. Le milliardaire avait été découvert, gisant sur le sol de la salle de bains fermée à clef de sa maison d'Ascot (Grande-Bretagne), un morceau de tissu autour de son cou.
Durant l'enquête des témoins proches de Boris Berezovski l'avaient décrit comme un homme "brisé", miné par des problèmes personnels et des soucis d'argent, qui parlait souvent de suicide. La police avait aussi accrédité cette thèse du suicide, indiquant n'avoir trouvé aucune preuve d'un meurtre.
L'enquête a toutefois conclu, en mars 2014, à un "verdict ouvert" s'abstenant trancher entre suicide et assassinat.
Trois mois après sa mort, la justice avait saisi à la demande de la Russie, l'une des résidences au Cap d'Antibes.
(Avec AFP)