La Ministre des Sports a annoncé la reprise des entraînements pour les sportifs de haut niveau. Une reprise progressive, mise en place par exemple au Pôle France à Antibes. Avec des mesures sanitaires drastiques et en tenant compte de la longue absence d'exercice.
Les gymnastes du pôle France ont enfin retrouvé leurs agrès. Dans leur gymnase à Juan-les-Pins, ils sont à l'entraînement depuis le mardi 19 mai, parmi les premiers en France. Et ce lundi, le pôle trampoline a pu lui aussi retrouver l'Azur Arena d'Antibes. Pour tous ces athlètes, la reprise a eu lieu dans des conditions très particulières, et presque sur la pointe des pieds, mais tout de même : c'est déjà ça. Le praticable (le tapis sur lequel les gymnastes s'exercent) est recouvert d'une bâche plastique, plus facile à laver. Les vestiaires et la salle de musculation sont condamnés. Chaque gymnaste dispose de sa propre chaise pour la semaine, et d'un espace dédié pour ses exercices au sol. Les trampolinistes ont chacun leur kit de musculation personnel...
Les groupe eux aussi sont restreints : seulement quatre entraîneurs et 16 gymnastes. "On ne peut reprendre que les athlètes classés en haut niveau", explique Rodolphe Bouché, responsable du pôle gymnastique artistique. "Sur les 28 gymnastes que nous avons, 10 ne sont pas ou plus classés, pour diverses raisons, une blessure par exemple. Et deux autres sont restés dans leurs familles, l'un en Alsace, l'autre dans le Sud-Ouest." Parmi les présents, l'inévitable Samir Aït Saïd, ou encore Loris Frasca, tous deux sélectionnés pour les Jeux Olympiques de Tokyo.
Contraintes sanitaires et accès restreint
Deux entraîneurs pour six trampolinistes de l'autre côté, quatre garçons et deux filles, car ce pôle-là est mixte. Sur les trampolines, les athlètes doivent porter chaussons et chaussettes pour ne pas entrer en contact avec la toile, et ne pas projeter de transpiration. Et seules les réceptions sur les pieds sont autorisées, pas les autres figures. Chacun son trampoline, plus de cinq mètres entre chaque athlète dans une vaste salle. "On aurait pu reprendre en même temps que les gymnastes, mais l'Azur Arena est une grande salle, le protocole a été plus long à mettre en place," sourit Tristan Lajarrige, l'entraîneur. "Et puis ce n'est pas une course !"Un sacré casse-tête, cette reprise. "On y est allés vraiment progressivement, d'abord avec seulement huit gymnastes, ensuite dix etc..." reprend Rodolphe Bouché. "Avec patience et méthode, ils intègrent les nouvelles règles sanitaires. Ceux qui étaient là dès mardi jouent un peu le rôle d'anciens, et encadrent les nouveaux arrivants." Ne pas oublier que tous les âges sont représentés, de 14 à 30 ans.
Arriver en tenue au gymnase, se déchausser avant d'entrer et se laver les mains entre chaque exercice... "Pas de solution hydroalcoolique, car avec la poudre de magnésie que nous utilisons, ça fait des pâtés." Mais le plus difficile, ce sont les contacts :
D'autant que le manque était encore plus grand, chez ces athlètes habitués à vivre ensemble, à travailler cinq à six heures par jour ensemble : ils avaient hâte de retrouver le chemin de l'entraînement, mais aussi le groupe. Le soir, une séance de deux heures en extérieur permet de travailler le physique, en deux groupes de 10 gymnastes. Et de réunir l'ensemble du groupe, même ceux qui ne sont pas encore admis au gymnase."les gymnastes ont l'habitude de se manipuler, de s'aider. C'est très compliqué de ne plus se toucher."
3h d'entraînement, 5h de nettoyage
Contents de se retrouver, donc. Mais "pour nous c'est très anxiogène. On doit avoir l'œil partout, et on passe notre temps à rappeler les consignes sanitaires. Nous, entraîneurs, portons des masques. Mais impossible d'imposer ça aux gymnastes. Alors on multiplie les précautions." Prise de température avant l'entrée, mesure du rythme cardiaque dès le réveil. Et une seule séance, le matin, de 9h à midi. Car ensuite deux agents passent entre quatre et cinq heures à tout nettoyer ensuite.
Pour la reprise sportive aussi, rien n'a été laissé au hasard : les athlètes ont subi une batterie de tests et bilans, médicaux, sanguins, posturologiques et même psychologiques. "Il était important d'évaluer où ils se situaient par rapport à la reprise de l'entraînement, la perspective de retrouver le haut niveau..." explique Rodolphe Bouché. "On était en pleine préparation lors de l'annonce du confinement. Même moi, j'ai eu des moments vraiment difficiles pendant ces trois mois, notamment quand le report des Jeux Olympiques est tombé... Ce sont des choses difficiles à encaisser."
Retrouver un niveau "correct"
Le coup a été encore plus rude chez les trampolinistes. Les sélections pour les championnats d'Europe étaient prévues le 19 mars. Soit à peine deux jours après l'entrée en vigueur du "confinement" en France. "Ça a été un sacré coup derrière la tête," confie Tristan Lajarrige. "Moralement c'était très compliqué. Et physiquement ça va être très dur. Même si on a multiplié les séances par visio pendant tout le confinement, les repères sont très précis au trampoline, on passe notre temps la tête en bas ou de côté : il n'y a que la pratique pour regagner ça."
L'impression de se voir couper les ailes, en plein ascension... "L'important maintenant c'est de ne pas brûler les étapes," explique Rodolphe Bouché. "Je passe mon temps à tirer sur les rênes pour ne pas qu'ils s'emballent !" Éviter les blessures : la priorité. De toute façon le calendrier des compétitions n'est pas encore connu. Et selon leur entraîneur, il leur faudra "au moins trois mois pour récupérer un niveau gymnique correct, et autant pour pouvoir espérer disputer des compétitions." Parfois, repartir de tout en bas peut permettre de s'élancer encore plus haut : c'est justement ce que visent Rodolphe Bouché, Tristan Lajarrige et leurs ouailles.