Violences sexuelles dans le sport : "les entraîneurs dormaient avec les sportives" raconte l'Azuréenne Emilie Fer

Mardi 4 janvier, 54 athlètes de haut niveau dénoncent dans une tribune les violences sexuelles dans le sport. Parmi les signataires, Emilie Fer, championne du monde de kayak installée dans les Alpes-Maritimes.

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Après les révélations de Sarah Abitbol dans son livre "Un si long silence" où elle accuse son ancien entraîneur Gilles Beyer de l'avoir violée, 54 sportifs s'engagent. Les athlètes appellent dans une tribune publiée ce mardi 4 février sur Franceinfo à la libération de la parole : Il faut parler, le dire encore et encore" écrivent-ils. 

Emilie Fer, athlète azuréenne, est signataire de la tribune, sacrée championne olympique et championne du monde de kayak s'entraînait au club SPCOC La Colle-St Paul à La Colle-sur-Loup depuis 1996.

Je suis d'une génération où les entraîneurs dormaient avec les jeunes sportives, c'était quelque chose de normal, j'ai vu ça et personne ne disait rien.

Emilie Fer a signé pour sensibiliser : "Ce n'est plus possible d'avoir ce genre de comportement, il faut que la nouvelle génération sache qu'il faut parler et ne plus se laisser faire " explique-t-elle.

Doublement médaillée d'or en championnat du monde, elle dénonce l'omerta :"Il y avait une sorte de toute-puissance de l'entraîneur, tout le système tourne autour de lui. C'est un milieu complexe où il est très difficile d'intervenir et de se mettre en travers" confit-elle.

Il y a aussi une part de compétition, pour s'en sortir, pour devenir une championne, il vaut mieux bien s'entendre avec l'entraîneur et donc se taire.
 

Elle se souvient de quelques parents qui avaient soulevé le problème à l'époque, mais sans forcément faire évoluer les choses. Elle-même n'a pas été victime : "Je veux surtout que la parole se libère même si je pense, qu'aujourd'hui on ne laisserait plus des faits comme ça se reproduire" explique-t-elle. 

Aujourd'hui, la sportive a arrêté la compétition, elle vit toujours sur la Côte d'Azur et est devenue coach de vie.
 
Une autre sportive azuréenne est signataire de la tribune. Valérie Nicolas, ancienne gardienne de but de l’équipe de France de handball, avec laquelle elle a connu le titre de championne du monde en 2003 a joué jusqu'en 2012 a l'ASPTT Nice, avant de se reconvertir dans la vie politique. Contactée Valérie Nicolas, n'a pas eu le temps de nous répondre. 

Parmi les rédacteurs de la tribune, Nathalie Péchalat, Teddy Riner ou encore Marie Martinod, pour eux, les sportifs ont une part de responsabilité "nous nous sentons aussi responsables car il nous est tous arrivé d'avoir des doutes, des suspicions, des bribes d'informations…"
 
Voici la tribune qui a été publié ce mardi 4 février sur Franceinfo :

Enfin, une première percée dans le mur du silence. Les révélations récentes d'agressions sexuelles subies par plusieurs jeunes sportifs font trembler le système et réveillent notre colère. Nous, athlètes français de haut niveau, nous nous sentons révoltés. Révoltés mais malheureusement pas si étonnés que cela… Une fois dévoilée au grand jour, la vérité devient glaçante : le cas isolé devient multiple, les monstres omniprésents. Combien de victimes demeurent encore blotties dans la honte et la peur ? Combien auraient pu être évitées ?

Merci aux journalistes qui ont pris le temps de l'investigation, qui ont su d'abord croire les victimes pour mieux les écouter. Merci à ces athlètes dont les témoignages puissants montrent la force d'âme que le sport nous a appris à développer. Ils n'abîment pas l'image du sport, ils la font grandir. 

Nous exprimons notre soutien et notre solidarité avec les victimes. En tant que membres de la commission des athlètes de haut niveau français, élus par nos pairs, nous sommes chargés de défendre l'intérêt des athlètes olympiques français. Chaque sportif de haut niveau a d'abord été un enfant, un adolescent en pleine construction. Il a été entouré par une structure et formé par un éducateur à qui il a confié la clé de ses rêves.

Si nous prenons la plume aujourd'hui, c'est que nous nous sentons responsables. Ce sont nos quêtes de médailles qui façonnent en partie les rêves de performance des plus jeunes et qui les conduisent à pousser la porte d'un club. Si, pour la majorité, le sport a été une formidable école de la vie avec des valeurs de partage, d'entraide, de soutien, de respect, pour d'autres, il y a surtout la souffrance et le silence.

Nous nous sentons aussi responsables car il nous est tous arrivé d'avoir des doutes, des suspicions, des bribes d'informations… Le flagrant délit est rare et il n'est pas simple de savoir comment réagir face à une intuition ou une rumeur. Que peut-on dire ? Et à qui ? La compétition, c'est aussi la sélection. Or celle-ci ne dépend pas seulement de nos performances sportives. Elle dépend également de la volonté des sélectionneurs et des fédérations. Trop souvent, parler, c'est risquer son avenir. Alors, on rentre dans un système où même si l'on entend, on voit, on subit… on a pris l'habitude de se taire.

Nous souhaitons ainsi dire NON aux dirigeants, il ne s'agit pas d'étouffer des faits pour protéger une organisation, pour préserver l'image d'un club ou d'une fédération. NON aux entraîneurs, il ne s'agit pas de détourner le regard pour protéger vos collègues ou préserver votre emploi. NON aux institutions, il ne s'agit pas d'éviter la surenchère médiatique pour ne pas écorner l'image du sport. NON aux parents, il ne s'agit pas d'oublier pour continuer comme avant, pour que votre enfant accomplisse ce que vous projetez pour lui. Ces arguments, ces logiques, érigent les murs qui protègent les agresseurs. Il faut parler, le dire encore et encore.

OUI, nous, athlètes de haut niveau, souhaitons que les choses changent. OUI, nous avons la responsabilité que d'autres témoignages ne sortent pas dans vingt ans. OUI, les personnes impliquées qui ont laissé le mal se répandre doivent assumer leur inaction. OUI, nous soutenons la ministre des Sports qui a su prendre des positions fortes et engager la lutte contre toute forme de violence dans le milieu sportif.

Nous appelons à la création d'une cellule d'écoute des victimes, indépendante des fédérations et tenue de respecter l'anonymat le plus complet. Une cellule en capacité de saisir le ministère des Sports pour permettre le lancement d'enquêtes administratives et la saisine du procureur de la République. 

Nous proposons que les casiers et les antécédents judiciaires des bénévoles, des entraîneurs et des dirigeants de clubs et de fédérations soient systématiquement contrôlés, par une cellule neutre, indépendante et dotée d'une capacité d'intervention.

Et l'interdiction à vie d'exercer tout métier au contact de la jeunesse, quel que soit le domaine, pour tous les agresseurs et les prédateurs sexuels avérés.

Nous demandons enfin la mise en place d'actions de formation, de sensibilisation et de prévention pour éduquer les enfants, adolescents, entraîneurs et managers dans toutes les structures sportives.

A tous ! Sportifs, parents, entraîneurs, managers, présidents de fédération, de ligue, de club, bénévoles, journalistes, médecins, politiques, victimes ou témoins, amoureux du sport, ne laissons pas le mur du silence se reconstruire ! 

Voici la liste des signataires : 

Les membres de la Commission des athlètes de haut niveau du Comité national olympique et sportif français composée de :

Ophélie David, Astrid Guyart, Marie Martinod et Nathalie Péchalat (rédacteurs)

Gwladys Epangue et Fabien Gilot (coprésidents)

Joël Abati, Valentin Belaud, Sarah Benchali, Kévin Bouly, Matthieu Brelle-Andrade, Gilles Cherdieu, Margaux Chrétien, Souleymane Cissokho, Manuel Cornu, Paul-Henri de Le Rue, Ladji Doucouré, Youna Dufournet, Gévrise Emane, Emilie Fer, Laurence Fischer, Thibault Godefroy, Tatiana Golovin, Emilie Gomis, Gauthier Grumier, Olivier Guillon, Charlotte Hym, Ayodele Ikuesan, Anouck Jaubert, Ludivine Kreutz, Franck Lafitte, Benjamin Lang, Jonathan Laugel, Laëtitia Le Corguillé, Hélène Lefebvre, Christophe Legoût, Jérôme Neuville, Valérie Nicolas, Mélonin Noumonvi, Vincent Milou, Jérémy Monnier, Sarah Ourahmoune, Matthieu Péché, Carole Péon, Ingrid Petitjean, Hongyan Pi, Florent Piétrus, Delphine Racinet-Réau, Romain Riboud, Teddy Riner, Isabelle Severino, David Smétanine, Gaëtane Thiney, Jean-Charles Valladont.

 
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