Publié au Journal officiel ce vendredi 23 février, le plan national loup, devant "concilier la conservation de l’espèce et le sauvetage du pastoralisme et de l’élevage", suscite le rejet des éleveurs ovins des Alpes-Maritimes. Un département sous la pression constante du prédateur.
Selon le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, il devait apporter une réponse aux "demandes qui avaient été formulées par beaucoup d'éleveurs". Le nouveau plan loup ne semble pourtant pas avoir calmé leur colère. Pour les éleveurs ovins des Alpes-Maritimes, ce plan "ne changera rien, ne représente aucune avancée", résume Jacques Courron, président de la filière ovine maralpine.
Zone historique de l’implantation du loup, le département des Alpes-Maritimes a connu une "hausse de 15%" des attaques de bétail entre 2022 et 2023, selon la section régionale PACA de la FNSEA. Des chiffres corroborés par les statistiques étatiques, qui décomptaient 271 victimes supplémentaires en septembre 2023 par rapport à l’année précédente.
Il nous aurait fallu un plan vraiment ambitieux. Ça fait 34 ans qu’on la subit, cette bestiole.
Jacques Courron, président de la filière ovine maralpine
Ce syndicaliste dénonce un dialogue de sourds avec l’État et "des effets d’annonce", quand l’exécutif met en avant la facilitation des tirs de loup à la suite d’une attaque.
Des "mesures spécifiques" promises par l’État
Le plan national loup n’a pas prévu de modifier le quota de prédateurs pouvant être abattus, actuellement fixé à 19% de la population (soit 209 canidés). Cependant, les protocoles de tirs sont assouplis et certaines obligations sont levées, comme celle consistant pour les louvetiers (en charge de la chasse des loups) à éclairer l’animal avant de tirer.
Le ministère de l’Agriculture précise par ailleurs que le plan loup prévoit "une analyse de vulnérabilités" des "200 élevages les plus prédatés" de France, étude qui aboutira des "mesures spécifiques".
Dans les pâturages maralpins, la rupture semble cependant consommée. Certaines solutions, comme le recours massif aux chiens de protection, se retourneraient par exemple contre les éleveurs. "On nous oblige à mettre des patous… mais les emmerdements, on les subit tout seul !", enrage Jacques Courron, déplorant des "conflits d’usage" avec les promeneurs, parfois pris pour cible par les chiens protégeant le troupeau.
L’épuisement des éleveurs
"Le ras-le-bol atteint son sommet", souffle de son côté Bernard Bruno, éleveur du côté de Saint-Vallier-de-Thiey.
Personne ne nous a écoutés il y a 30 ans et on voit le résultat : le nombre d’élevages a été divisé par quatre dans le département des Alpes-Maritimes.
Bernard Bruno, éleveur
La dernière attaque sur ses brebis remonte à seulement "trois jours", dit-il. "J’ai une dizaine de chiens pourtant, mais le loup en tire une et file dans la garrigue. C’est déjà trop tard", raconte Bernard Bruno.
Les indemnisations proposées par l’État en compensation des pertes de bétail ne l'intéressent pas. "On n’en a rien à faire de leurs sous. On voudrait être tranquilles, libres. Parce que lorsque vous avez un troupeau de moutons, vous êtes aux aguets, à les surveiller comme le lait sur le feu", désespère-t-il. "Chez nous, on ne travaille pas dix heures par jour, mais seize heures par jour."
Le statut du loup bientôt révisé ?
Le plan national loup est revu tous les cinq ans par l’État. Il vise à "concilier la conservation de l’espèce et le sauvetage du pastoralisme et de l’élevage". Mais l’exécutif se retrouve pris en étau entre les éleveurs et les défenseurs de la biodiversité.
Ces derniers dénoncent l’inanité des prélèvements de loups, une pratique qui conduirait à une déstabilisation des meutes, entraînant de nouvelles prédations. "Une nouvelle fois, le gouvernement a choisi de se ranger du côté des lobbies agricoles intensifs", dénonce l’association One Voice, dans un communiqué, accusant l’État d’organiser une "extermination programmée" de l’espèce.
Le retour progressif du loup pourrait bientôt conduire à la révision de son statut au niveau européen, passant d’"espèce strictement protégée" à "espèce protégée". "Pour gérer plus activement les meutes critiques de loups, les autorités locales ont demandé davantage de flexibilité", a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Des propos jugés inquiétants par des associations de défense du loup.