TEMOIGNAGE. Emmanuel Gastaud, un sportif en or après plusieurs transplantations

Emmanuel Gastaud a subi plusieurs transplantations rénales par le passé. Il vient de faire flotter le drapeau français en Australie où il a obtenu trois médailles lors des World Transplant Games. Sportif accompli, il milite aussi pour sensibiliser au don d'organes.

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La trajectoire d'une vie peut parfois mener vers des chemins insoupçonnés. Celle du Cagnois Emmanuel Gastaud, 42 ans et père de famille, l'a récemment fait cheminer vers l'Australie, où il a évolué à vélo, à la nage, et en course à pied. Non pas pour y faire du tourisme, mais pour se distinguer dans diverses épreuves sportives.

Et une, et deux, et trois médailles

Du 15 au 21 avril, quelque 1500 sportifs du monde entier se sont retrouvés au sein de la ville de Perth, à l'ouest du pays-continent. Parmi eux, une délégation tricolore qui a porté haut les couleurs du drapeau, et un Azuréen triplement récompensé : Emmanuel Gastaud.

La plus belle, la plus aboutie est sans doute celle reçue le 21 avril dernier. Elle est en or et lui a été décernée lors du triathlon sprint.

Pendant son voyage australien, Emmanuel Gastaud a moissonné deux médailles supplémentaires : une en bronze en master et en individuel (pour la catégorie 40-49 ans), et une médaille d'or en scratch par équipe - une épreuve cycliste.

Fléchettes, badminton, volley, et même notre pétanque nationale étaient également des disciplines représentées lors de cette 24e édition des Jeux Mondiaux des Transplantés.

Ces activités sportives de haute intensité, Emmanuel Gastaud les pratique depuis de nombreuses années. Employé par le Parc national du Mercantour, ce passionné de sport est aussi le président du club de triathlon de Cagnes-sur-Mer, où il réside.

Quand on aborde les transplantations qu'il a subies, il les explique sans tabou. Pour faire évoluer les consciences autour du don d'organes et de la transplantation, mais aussi sensibiliser le grand public et livrer un message d'espoir. Sa condition physique n'entrave en rien son chemin vers les sommets. Au sens propre, comme au figuré.

Le quarantenaire a été le premier transplanté à gravir le Mont-Blanc en ski de randonnée, et à le redescendre par la face nord. C'était en 2017.

Un problème de santé au plus jeune âge

Emmanuel Gastaud a été touché par des problèmes de santé au plus jeune âge. Même s'il ne s'en souvient pas, son corps en garde la mémoire : "À la naissance, on m'a diagnostiqué ce que l'on appelle une valve à l'urètre. Elle était bouchée, l'urine sortait peu ou très mal, et il y a eu ce que l'on appelle un reflux, c'est-à-dire que l'urine est remontée dans les reins. À l'âge de trois mois, alors que j'étais tout bébé, on m'a opéré en urgence. En théorie, on peut vivre toute une vie avec un seul rein, mais à l'époque, mon autre rein a été touché. Tout part de là, d'un problème de tuyauterie et de plomberie." 

J'ai eu une ablation d'un rein à l'âge de trois mois, et l'autre a été touché. J'ai vécu quasiment normalement pendant toute l'adolescence, et ensuite le corps a demandé plus. Un demi rein n'était pas suffisant. La fonction rénale a commencé à baisser, baisser et baisser...

Emmanuel Gastaud, triple médaillé lors des World Transplant Games

Emmanuel Gastaud commence les dialyses à l'âge de 16 ans. Un passage éphémère pour le jeune homme de l'époque qui a pu rapidement bénéficier d'une transplantation. "Je n'y suis pas resté longtemps, car j'étais en pédiatrie et considéré en priorité nationale, et du coup, j'ai pu profiter d'une transplantation et j'avais 17 ans. Cette greffe a duré 10 ans. J'ai dû repartir en dialyse."

Ces rendez-vous, Emmanuel les vit au rythme de trois fois par semaine, chacun le soir, "ce qui me permettait de continuer à travailler".  Ces dialyses lui imposent un régime alimentaire strict "sans sel et sans potassium". "Surtout, ce qui était très dur au niveau de tout ça, c'était la restriction hydrique" se rappelle le champion azuréen, car "une dialyse, c'est la machine à laver. Les médecins vous disent que cela équivaut à un semi-marathon."

En France, on a de la chance. Il y a un taxi qui venait me chercher pour m'amener à la dialyse et me ramener chez moi. Tout était pris en charge, je n'ai pas déboursé un seul centime. Notre système de santé est encore exceptionnel et il faut tout faire pour préserver cela. Malgré tout, j'ai pu garder une activité professionnelle.

Emmanuel Gastaud, triple médaillé lors des World Transplant Games

Emmanuel Gastaud s'accroche à l'espoir et fait montre de résilience. "C'est très fatigant, mais mon caractère a fait qu'à un moment donné, je me suis dit : 'Je suis jeune, j'ai une activité professionnelle... La greffe, je ne sais pas quand elle va arriver. Même avec tous ces soucis, je vais essayer de vivre tout ce que je peux vivre'". 

La greffe, une renaissance

Désormais adulte, la greffe arrive en 2011. Une "renaissance" se souvient Emmanuel Gastaud : "Ma fonction rénale est revenue quasiment à la normale, trois jours après l'opération. Derrière, il y a forcément une convalescence. J'ai eu de la chance, car je suis sorti le 9e jour de l'hôpital. C'est une opération lourde, mais on se remet très vite. Un mois et demi après, je retournais courir. Je me souviens avoir alors couru une trentaine de kilomètres, doucement."

La greffe ne reste qu'un "traitement" et ne permet pas de se soustraire à un suivi médical régulier "assez contraignant". Dans les premiers temps, des prises de sang tous les deux jours, puis ce bilan sanguin et ce suivi médical s'espacent un petit peu. Un médicament indispensable est administré en perfusion, un anti-rejet, une fois par mois, et à vie.

Ne s'interdire - presque - rien

Sportif accompli, Emmanuel Gastaud s'impose des entrainements réguliers et ambitionne déjà d'effectuer plusieurs courses avant la fin de l'été. Pour y parvenir, il maintient une condition physique et un régime alimentaire particuliers. Il ne se refuse pourtant pas de "boire une bière de temps en temps", car il sait que tout peut s'arrêter à tout moment. Ce maintien d'une hygiène de vie irréprochable est comme un hommage qu'il fait au donneur de son rein, un cadeau inestimable qu'il est primordial de chérir, car "on ne sait jamais jusqu'à quand le greffon peut tenir". 

Don d'organes

Les mentalités ont évolué depuis quelques années. 2017 a été un tournant. Dorénavant, le principe de consentement présumé est renforcé. Une personne qui ne souhaite pas donner un organe à sa mort doit se faire inscrire sur un registre national. La transplantation d'un rein est particulière parce qu'il s'agit du seul organe que l'on peut donner de son vivant. Mais cette opération a changé la vie d'Emmanuel Gastaud, comme pour 60.000 Français.

C'est souvent l'éternel débat. Oui, ça peut faire peur la transplantation, d'un point de vue physique évidemment et d'un point de vue philosophique, si je peux dire, d'avoir l'organe d'une autre personne à l'intérieur. Je veux bien mettre mon histoire un peu à jour pour sensibiliser les gens au don d'organes et à la transplantation.

Emmanuel Gastaud, triple médaillé des World Transplant Games

Rencontré à la fin de l'année 2022 par une équipe de France 3 Côte d'Azur, Emmanuel Gastaud avait témoigné dans un reportage diffusé lors du journal télévisé.

Avec ses deux médailles d'or, Emmanuel Gastaud participera aux prochaines épreuves dédiées aux transplantés, lors des Jeux européens. Pour défendre ses titres, mais aussi pour continuer à communiquer autour de ces interventions médicales qui peuvent changer la vie des personnes en attente d'une greffe.

Le 11 juin prochain, l'association d'Emmanuel Gastaud organisera la 4e édition des Relais de l'Espoir. De quoi réunir des greffés, des proches de patients et des soignants pour relever un défi sportif : vivre trois étapes sportives du triathlon ensemble.

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