Accueil des gens du voyage : les Alpes-Maritimes, l’un des seuls départements à ne pas respecter la loi

Vingt-trois après la législation sur l’accueil des gens du voyage, les Alpes-Maritimes peinent toujours à se mettre en conformité avec la loi. En cause, notamment, le manque de terrains disponibles.

Un groupe de gens du voyage avait averti de leur venue le département des Alpes-Maritimes deux mois à l’avance, mais aucune place ne leur était offerte. Un groupe de gens du voyage a occupé durant plusieurs illégalement, a fini par occuper un parking, près du cimetière Abadie de Cannes-la-Bocca. La commune dispose bien d’une aire dédiée aux itinérants, mais elle était déjà complète.

Privée d’eau et d’électricité depuis dimanche, la quinzaine de caravanes a donc pris la route de Mouans-Sartoux, ce mercredi 7 février. "Il n’y avait pas de problème pour les accueillir, l’aire était libre", répond simplement l’adjoint à la sécurité, Éric Duflot.

Pourtant, rien n’est aussi simple à en croire les représentants de la communauté : "Si toutes les communes avaient une aire comme celle-là, on ne se retrouverait pas à jouer au chat et à la souris", déplore l’un d’eux.

Seulement trois aires disponibles

De fait, d’après la préfecture des Alpes-Maritimes, seules trois aires agréées permanentes existent dans le département pour les gens du voyage, à Antibes, Vallauris et Nice.

Véritable serpent de mer, le sujet fait régulièrement l’objet de vives controverses, comme en juin 2023, lorsque la préfecture avait dû réquisitionner un terrain pour 120 caravanes à Grasse. Le maire Jérôme Viaud avait alors dénoncé "un accueil forcé".

Contactée par France 3 Côte d’Azur, l’association nationale des gens du voyage citoyens (ANGVC) considère même que les Alpes-Maritimes sont "le département le plus en retard en France" pour l’accueil des citoyens itinérants.

Depuis la loi Besson de juillet 2000, "relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage", toutes les communes de plus de 5000 habitants ont l’obligation de mettre à disposition une ou plusieurs aires d’accueil. Seulement, cette répartition doit faire l’objet d’un schéma départemental, négocié entre les agglomérations, le département et l’État.

"Une avancée historique"

Ce schéma, prévu par la législation, n’est toujours pas paru dans les Alpes-Maritimes, qui "restent l’un des seuls départements de France à ne pas respecter la loi", déplorait la préfecture dans un communiqué en décembre 2023.

Le préfet, Hugues Moutouh, saluait cependant sur X une "avancée historique" tandis que se dessinait la "perspective de la signature" de ce schéma tant attendu. "Ce schéma existe, mais il n’est pas encore mis en œuvre", explique le maire de Mouans-Sartoux, Pierre Aschieri, dont la commune souhaite faire agréer son aire d’accueil.

La loi, c’est la loi. Ce que l'on demande, c’est qu’elle soit appréciée à l’aune des singularités locales."

Pierre Aschieri, maire de Mouans-Sartoux

"Pour l’heure, notre terrain n’est pas aux normes. Il y manque des sanitaires, explique l’élu. Mais si on devait appliquer la réglementation, nous n’aurions plus que quatre places de caravanes… Ça n’aurait plus aucun sens et ça ne correspond pas aux demandes des gens du voyage."

L’aire serait, selon le maire, "constamment occupée". Pierre Aschieri espère alors que les services de l’État auront "l’agilité de reconnaître que cette aire répond à un besoin, sans pour autant se conformer totalement aux normes".

Une discrimination systémique

La difficulté d’offrir des aires d’accueil aux gens du voyage serait, d’après cet élu, avant tout la conséquence du manque de terrains disponibles. Sur la côte, "on a un territoire très contraint", observe-t-il. "La loi, c’est la loi. Ce que l’on demande, c'est qu’elle soit appréciée à l’aune des singularités locales."

Certains élus se montrent ouvertement hostiles aux communautés itinérantes. C’est le cas de Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-La Napoule, qui vitupère les "invasions de gens du voyage" sur X.

Des associations de défense des droits des gens du voyage dénoncent un cercle vicieux. Le manque d’aires dédiées conduisant les communautés à stationner de façon illicite, suscitant de fait un rejet d’autant plus massif. "Quand les communes ne respectent pas la loi, alors, il y a des tensions, de l’animosité avec la population. De la haine, du racisme", regrettait, en janvier dernier dans la presse locale, le président de l’association France Liberté Voyage, Fernand Delage dit "Milo".

Dans un rapport daté de 2021, la Défenseure des Droits, Claire Hédon, constatait une "discrimination systémique" : les gens du voyage constituaient "la minorité concentrant le plus d’opinions négatives de la part de la population française".

Selon une enquête menée par l’Agence européenne des droits fondamentaux, plus d’un Français sur deux se dirait "mal à l’aise à l’idée d’avoir des Roms ou des gens du voyage comme voisins".

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