Arrêté à Mouans-Sartoux, l'opposant kazakh Abliazov sous écrou; sa famille dénonce le rôle de l'Ukraine

Moukhtar Abliazov, ex-dirigeant de la principale banque kazakhe, ennemi juré du président Nazarbaïev vivait discrètement sur la Côte d'Azur. Arrêté et placé en détention, il attend que la justice examine sa demande d'extradition, requête relevant du règlement de compte politique, selon sa famille.

Avant son arrestation, M. Abliazov naviguait discrètement entre trois maisons de la Côte d'Azur avec sa soeur, sa nièce et son personnel de maison, a précisé un enquêteur de la police niçoise. L'homme possède un passeport diplomatique de la République centrafricaine, selon l'un de ses avocats, Me Bruno Rebstock.
C'est dans une jolie villa avec immense parc arboré et vue imprenable qu'il louait "depuis quelques jours" sur les hauteurs de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) qu'il a été arrêté par la police judiciaire de Nice.
Son placement sous écrou extraditionnel est intervenu à la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône).
Selon Me Rebstock, une demande de remise en liberté sera déposée "dans les tous prochains jours", et examinée dans les 10 jours.
Trois pays ont demandé l'extradition de l'ancien président de la banque kazakhe BTA, 50 ans, recherché par Interpol, qui avait fui son pays en 2009 après l'ouverture d'une enquête sur le détournement de cinq milliards de dollars: le Kazakhstan, la Russie et l'Ukraine.
"Il n'y a pas de convention d'extradition entre la France et le Kazakhstan. Avec la Russie, il est possible, en l'espèce, qu'il y ait prescription. Nous examinons donc celle de l'Ukraine, dans laquelle la banque BTA avait aussi des intérêts", a indiqué à l'AFP l'avocate générale Solange Legras, précisant que Kiev avait 40 jours pour adresser le dossier d'extradition.
La chambre de l'instruction de la cour d'appel aura cinq jours, sauf recours public, pour se prononcer.
L'intervention de l'Ukraine dans cette affaire est cependant vivement dénoncée par la famille de l'homme d'affaires et opposant politique, qui avait créé en 2001 le parti d'opposition Choix démocratique, ainsi que par Amnesty International.
M. Abliazov, "un réfugié reconnu, opposant-clef au président Nazarbeyev", encourt "un risque élevé" d'être transféré au Kazakhstan s'il est extradé vers l'Ukraine, juge Amnesty, qui demande à la France de s'assurer qu'il ne soit pas extradé vers un pays qui pourrait le livrer au Kazakhstan.
"L'Ukraine collabore avec le Kazakhstan pour faciliter in fine l'extradition d'Abliazov vers le Kazakhstan, avec pour seul but de l'éliminer en tant que force principale d'opposition démocratique", a déclaré à l'AFP Me Peter Sahlas, avocat au barreau de New York et conseil des enfants de M. Abliazov.

Des motifs politiques :
Me Sahlas a aussi signalé une résolution récente de l'OSCE regrettant que "certains États (..) notamment le Bélarus, la Russie et l'Ukraine continuent d'utiliser indûment le système Interpol pour chercher à arrêter des opposants sur la base d'accusations fondées sur des motifs politiques".
Dans un appel publié dans le quotidien italien La Stampa, un fils et une fille de l'opposant kazakh implorent également la France : "Nous vous supplions, nous vous conjurons, ne permettez pas que le Kazakhstan obtienne notre père".
Rome avait expulsé le 29 mai vers le Kazakhstan l'épouse du dissident et sa fillette, provoquant une polémique en Italie.
L'ex-président de la plus grande banque kazakhe, considéré par Amnesty International comme le principal opposant politique de M. Nazarbaïev, est accusé d'escroquerie à grande échelle, notamment par l'attribution présumée de prêts illégaux à des société offshore qu'il aurait contrôlées.
Parmi les charges retenues contre lui dans sa fiche Interpol, figurent "fraude à grande échelle", "blanchiment d'argent", "abus d'autorité" et "falsification de documents".
La banque BTA a "accueilli avec satisfaction" son arrestation et affirmé avoir fourni les informations sur sa localisation permettant de l'appréhender.
Elle indique également avoir engagé 11 actions en Grande-Bretagne pour récupérer 6 milliards de dollars d'actifs que M. Abliazov se serait indûment approprié et avoir déjà obtenu des décisions favorables pour 4 milliards.
"Vieille ficelle qui ressurgit, on le voit à travers l'actualité. C'est-à-dire, il est à la tête d'une banque et puis cette banque, lorsqu'il devient opposant politique et soudainement confisquée, et évidemment les dettes de cette banque on les qualifie de détournement et d'escroquerie", a également déclaré l'AFP Me Rebstock.
Ancien ministre de l'Énergie de 1998 à 1999, Moukhtar Abliazov avait été emprisonné en 2002 après avoir pris la tête du parti Choix démocratique. A sa libération, il avait pris la tête de la BTA qui a connu un rapide développement, avant de fuir à Londres en 2009 où la police l'avait averti en janvier 2011 de menaces imminentes de kidnapping.

La banque BTA affirme avoir aidé la police à localiser Abliazov :
  
La banque kazakhe BTA
a affirmé qu'elle avait fourni des informations sur la localisation de l'opposant et oligarque kazakh Moukhtar Abliazov, arrêté à Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes).
"La banque BTA a fourni des informations au sujet de la localisation de M. Abliazov aux autorités françaises, qui ont agi rapidement pour procéder à son arrestation, justifiée par la +notice rouge+ émise par Interpol", explique la banque dans un communiqué.
"La banque BTA accueille avec satisfaction l'arrestation de Moukhtar Abliazov. Cette arrestation est le résultat des efforts diligents de la banque, au travers du système judiciaire britannique pour récupérer les milliards de dollars qu'il a volé lorsqu'il était président (de la BTA, ndlr)".
"Nous avons provoqué cette arrestation pour l'empêcher de faire disparaître de nouveaux actifs", poursuit la banque, qui affirme que M. Abliazov "s'est joué de nombreuses décisions de justice et a fui le Royaume-Uni après avoir été condamné à la prison en Angleterrre".
Selon une source proche du dossier, c'est une femme ukrainienne, pistée par les détectives privées de la banque BTA, de Londres à la Côte d'Azur, qui a conduit les enquêteurs jusqu'à la villa de Mouans-Sartoux où il a été arrêté.
Cette femme, très proche de l'homme d'affaires kazakh de 50 ans, est apparue lors d'une audience judiciaire à Londres dans l'une des nombreuses procédures concernant les actifs de M. Abliazov le 22 juillet, a expliqué cette source à l'AFP.
Les détectives engagés par la banque BTA l'ont dès lors suivie et constaté qu'elle prenait l'avion pour Nice le soir même. De Nice, elle a conduit les détectives vers les trois villas cossues louées par M. Abliazov pour lui et ses proches, ce qui a permis son arrestation.
"La banque BTA a lancé une grande enquête contre M. Abliazov après qu'un audit a identifié un trou gigantesque - plus de 10 milliards de dollars - dans les comptes de la banque, qui a conduit à la découverte d'une fraude à grande échelle commise par M. Abliazov", détaille BTA dans son communiqué.

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