Ce lundi 17 avril, un rassemblement à l'initiative de la CGT a eu lieu dans l'enseigne Castorama du Cannet. Des employés se sont mobilisés pour soutenir deux de leurs collègues convoqués par leur direction pour avoir participé à des occupations interdites, dans le cadre d'un mouvement social pour la hausse des salaires.
"Toutes et tous ensemble pour soutenir Emilie et Nicolas". C'était l'objet du rassemblement organisé par la CGT ce lundi 17 avril à 8 heures dans le magasin de bricolage Castorama du Cannet (Alpes-Maritimes).
Venus pour épauler deux de leurs collègues convoqués par la direction pour un entretien disciplinaire, de nombreux salariés de l'enseigne sont présents. Arborant gilets et drapeaux aux couleurs du syndicat, ils entonnent des chants en lien avec la réforme des retraites du gouvernement, sifflets à l'appui.
"2.000 euros c'est le minimum, 64 ans c'est le maximum !", entend-on d'abord, avant que cela ne devienne "Relâcher nos camarades !". Ces derniers, Emilie Briche et Nicolas Euzenot, tous deux représentants syndicaux, sont en "entretien disciplinaire" avec la direction du magasin.
Compréhension des clients
Tout ceci se déroule sous les yeux des clients. "J'ai été surpris dans le magasin mais après j'ai appris ce qu'il s'est passé et donc je trouve ça normal", commente l'un d'eux qui travaille dans le bâtiment et qui vient ici tous les jours pour acheter des fournitures. "On va tous passer par là, ça va devenir partout pareil. Je pense que ce n'est pas fini", poursuit-il.
A la sortie du magasin, un retraité ne semble pas non plus dérangé par le rassemblement, bien au contraire. "Il y a de l'ambiance, il y a de la musique, c'est très sympathique", sourit-il. Lui aussi affirme comprendre la manifestation : "il n'y a pas de raison de sanctionner des salariés. C'est tout à fait normal que les gens protestent".
Des occupations nocturnes de magasins
Mais contre quoi protestent-ils exactement ? Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires et devant "le mutisme de leur direction", une dizaine d'employés de l'enseigne Castorama avaient investi, aux mois de février et mars, des magasins partout en France. Allant même jusqu'à y dormir la nuit, ils occupent ainsi illégalement les entrepôts de Strasbourg, Gonesse, Hénin-Beaumont, Marseille… pour demander une augmentation des salaires. Emilie Briche et Nicolas Euzenot prennent part à ce mouvement.
Seulement le résultat n'est pas réellement celui escompté : "au lieu de négocier, des camarades ont été assignés en justice. Bilan, 11 délégués syndicaux CGT de Castorama ont été déjà condamnés à payer les frais de justice et les frais d’huissiers qui intervenaient à chaque occupation de magasin. Maintenant ils sont convoqués chacun leur tour pour une sanction. C’est double peine !!!", dénonce l'union départementale CGT des Alpes-Maritimes dans un communiqué. Face à ce qu'elle définit comme une "discrimination syndicale", elle appelle à "ne pas se laisser faire" et à "répondre comme il se doit à ces attaques".
Risque de mise à pied
Les deux représentants syndicaux arrivent finalement, sous les applaudissements et les chants de leurs collègues. Ils prennent la parole au micro pour remercier les dizaines de personnes venues les soutenir. Nicolas Euzenot, délégué syndical central Castorama, se lance le premier : "ce qui s'est dit c'est qu'on n'a pas respecté le règlement intérieur de Castorama, qu'on n'a pas le droit d'occuper les magasins, qu'on n'a pas le droit d'apporter nos affaires personnelles et donc qu'on mettait nos vies et celles des personnes de la direction générale qui étaient avec nous en danger".
Les deux salariés risquent une sanction disciplinaire pouvant aller de l'avertissement au blâme, voire une mise à pied. "Mais quoi qu'il arrive, ce sera contesté par nos unions locales et notre fédération. On n'en restera pas là. Non seulement on va continuer le combat, mais en plus de ça on va attaquer aussi Castorama sur leur posture à eux, parce que ce n'est pas normal d'avoir une réponse comme ça de la direction générale au lieu de trouver une entente", ajoute Nicolas Euzenot.
Des difficultés financières
Emilie Briche et lui se sont mutuellement assistés lors de leurs entretiens respectifs. La fonction de délégué syndical offre bien une certaine protection, "mais on n'est pas intouchables", s'exclame Emilie Briche, pour qui une mise à pied, synonyme de suspension de salaire, serait un coup dur après les jours de paie auxquels elle a renoncé pour se consacrer aux journées de grève.
Actuellement, on a des collègues qui n'arrivent plus à vivre de leur salaire. Moi je gagne 1350 euros par mois, je suis seule avec ma fille, clairement je n'y arrive plus. Déjà on est attaqués en justice et là, le fait d'être convoqué, c'est double peine !
Emilie Briche, déléguée syndicale Castorama
En effet, Nicolas Euzenot et elle ont été condamnés par le tribunal : "on a eu une ordonnance de référé qui est tombée et on est condamnés à payer les frais d'huissiers, les dépens, les frais de justice...tout ce qui va avec !", désespère la salariée.
"On marche sur la tête"
"Je ne comprends pas que dans un contexte d'inflation sur les produits de première nécessité, le carburant etc, une direction générale puisse arriver aux négociations annuelles obligatoires avec une augmentation pour tout le monde de 37 euros nets ! On marche sur la tête, c'est vraiment prendre les gens pour des cons ! Alors qu'ils ont reversé 571 millions de livres aux actionnaires...(Castorama est une filiale de l'entreprise britannique Kingfisher, NDLR )", s'insurge Emilie Briche.
Contactée, la direction de Castorama a formulé une réponse par voie de communiqué. "Nous sommes fondamentalement attachés à la qualité du dialogue social et à ce qu’il se déroule dans des conditions normales", indique-t-elle, "par ailleurs, nous avons à cœur d’offrir une rémunération attractive à nos équipes, intégrant à la fois le salaire de base et des dispositifs qui les associent aux performances de l’entreprise. A ce titre, nos équipes ont touché en moyenne 15 mois de salaire l’an dernier et nous avons accordé plusieurs augmentations de salaire au cours de l’année".
La direction du magasin Castorama a jusqu'à 30 jours pour faire connaître à Emilie Briche et Nicolas Euzenot les sanctions prises à leur égard.