Cannes 2021 : au fil des polémiques, un protocole sanitaire à géométrie variable pour le Festival

Masques qui tombent et embrassades. Face au non-respect des gestes barrières, l'organisation du 74e Festival de Cannes multiplie les rappels à l'ordre. Sans pour autant les appliquer elle-même.

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A la 74e édition du Festival de Cannes, la menace du Covid-19 semble avoir fondu comme neige sous le soleil brûlant de la Côte d'Azur. Il aura fallu d'un article pour que le virus se rappelle aux Cannois. "Le protocole sanitaire ici est extrêmement incohérent". Dès le deuxième jour du festival, le 7 juillet 2021, le quotidien américain The New York Times* taclait le dispositif sanitaire trop léger mis en place par les organisateurs et le non-respect flagrant des gestes barrières. 

Sur le site internet du Festival de Cannes, le dispositif sanitaire est décrit comme suit : le masque est obligatoire dans toute l'enceinte du Palais des festivals et, pour y accéder, il faut présenter un pass sanitaire, un certificat de vaccination ou alors un test négatif (PCR ou antigénique) de moins de 48 heures. Néanmoins, il faut seulement se munir d'un masque pour assister aux projections. En outre, le nettoyage des espaces est "renforcé" et la climatisation "conforme pour un accueil du public en période de pandémie". En bas de page, il est ajouté : "L’efficacité de ce dispositif est une question de responsabilité collective [qui] nécessite que chacun respecte scrupuleusement le protocole sanitaire".

Mais dans les faits, il devient difficile de contrôler les faits et gestes des festivaliers (et des stars) dans les salles obscures. "Avant le début d'Annette [le film d'ouverture du festival, ndlr], les trois-quarts des cinéphiles autour de moi avaient retiré leurs masques et les placeurs ont simplement haussé les épaules", écrit Kyle Buchanan dans l'article du New York Times cité plus haut. "A la fin du film, alors que l'ovation entrait dans sa cinquième minute, [Adam] Driver et son réalisateur, Leos Carax, ont tous deux allumé des cigarettes à l'intérieur du théâtre".

Tollé sur les réseaux sociaux. Alors que les photos de stars ne portant pas leurs masques pendant des projections se diffusent, Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, se rattrape : "On nous a rappelé à l'ordre, donc : les masques ! Les masques c'est la règle, la loi et la garantie que le festival aille jusqu'au bout". Pierre Lescure, président du Festival, a même enregistré un message, désormais diffusé avant chaque film, pour demander aux cinéphiles de conserver leurs masques pendant toute la durée de la projection.

Deux poids, deux mesures sanitaires

Au fil des polémiques et des rumeurs, l'organisation du Festival durcit chaque jour un peu plus les mesures barrières. "Lorsqu'on en avait marre de montrer nos tests négatifs, on passait par l'entrée des artistes pour accéder au Palais. Ils ne vérifiaient pas. Depuis l'article du New York Times, on nous l'a interdit", déplore une journaliste qui couvre l'évènement. 

Alors que les visages des équipes de film étaient découverts lors des premières conférences de presse, ils se parent de masques au fil de l'avancée du festival. C'est désormais la personne interrogée, et elle seule, qui peut enlever son masque. 

Pour autant, dans les soirées sur les plages privées et les villas, les affiches flanquées de l'injonction "masques obligatoires" se font vite oublier dans les effusions de joie et d'ivresse. Le propriétaire d'un rooftop cannois souffle, en pointant du doigt les fêtards qui ignorent délibérément les gestes barrières : "On met la tenue du festival tout entier en jeu. Tout peut prendre feu d'un moment à un autre".

En haut du tapis rouge, Pierre Lescure et Thierry Frémaux n'ont, eux-aussi, pas abandonné leurs traditionnelles accolades de la vie "d'avant Covid". Le 10 juillet encore, au cinquième jour du festival, ils félicitaient chaleureusement Sean Penn avant la projection de son film Flag Dag, à grand renfort de poignées de mains, de mots échangés au creux de l'oreille et de tapes chaleureuses dans le dos.

Le 7 juillet dernier, nos confrères de France 24 écrivaient pourtant : "Covid oblige, Thierry Frémaux a déjà annoncé qu’il ne saluerait pas les stars féminines en haut des marches avec une traditionnelle bise à la française. Il a également abandonné l’idée de ne pas porter de masque : 'Nous avons un devoir d’exemplarité'."  Le 9 juillet, c'était Spike Lee, le président du jury du festival, et Roseline Bahchelot, ministre de la Culture, qui échangeaient une bise non masquée.  

Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes s'indignent. "La pandémie s'est arrêtée à Cannes ?", en fustige un sur Twitter. Et un autre d'ajouter : "Quand tu es riche, tu n'as pas besoin de mettre ton masque, c'est ça ?". Ou encore : "Il est vrai qu’un masque rend moins bien sur les photos. Il n’y avait personne pour les rappeler à l’ordre, voire les sanctionner ? C’est honteux et tellement contreproductif…"

Ce n'est pas tant le risque de contamination qui révolte les internautes, mais plutôt le fait que ce soit un exemple flagrant de deux poids, deux mesures entre des privilégiés (riches et célèbres) et des citoyens "normaux". 

Contactée, l'organisation du festival n'a pas répondu à nos sollicitations. 

Aucun signe de cluster cannois

Et pour ceux qui seraient inquiets de l'apparition d'un cluster cannois, Pierre Lescure leur rétorque :"Hier, on a fait plus de 3 000 tests et zéro cas positif. Tout ça pour dire que les rumeurs d'un cluster cannois sont infondées. On fait tous très attention, on a tous envie de se montrer exemplaire, que le festival aille jusqu'au bout, que la pandémie s'arrête". 

Il ajoute sur Twitter : "C’est bien, mais on sait comme tout peut s'emballer. Alors, on ne lâche rien. Quant à ceux qui continuent de penser que nous ne faisons pas les choses sérieusement, qu’ils usent de leur énergie et de leur mépris pour s’en prendre aux réfractaires aux vaccins".

Il faut néanmoins noter que le taux d'incidence des Alpes-Maritimes est l'un des plus hauts de France, selon le site CovidTracker qui suit la pandémie de Covid-19 en France. Il a même dépassé le seuil d'alerte, et est de 61 pour 100 000 habitants au 11 juillet 2021 (l'incidence moyenne en France est de 35). Près de 82 % des nouveaux cas du département étaient dû au variant Delta. Variant 60 % plus contagieux que les autres souches du virus, rappelait le 9 juillet le ministre de la Santé, Olivier Véran, au micro de France Inter.

*Lien de l'article en anglais

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