Cette édition 2021 s'annonce comme un grand crû, avec une sélection débordante et, de l'avis de tous, de qualité... Mais certains ingrédients pourraient manquer. La direction du festival a annoncé 35% de journalistes en moins, par rapport à une année normale. Ambiance.
Comme à chaque fois, au moment de son festival, Cannes s'ébroue, telle une fourmilière victime d'un monumental coup de pied. Trottoirs bondés, embouteillages improbables de limousines et défilés hauts en en couleurs.
De petite ville sans histoire, la belle endormie passe tout d'un coup au statut de star internationale.
Tapis rouge payant
Cette année, pourtant, ce n'est pas tout à fait le même film. Un petit quelque chose change. Moins de cliquetis d'objectifs. Moins de cris et de bousculades. Plus de chaleur.
Cette édition marque le retour du cinéma sur la Croisette après une année quasi blanche, mais tout n'est pas encore revenu à la normale. Calendrier décalé (d'habitude le festival a lieu en mai), menace sanitaire encore présente, et même contribution financière exceptionnelle demandée aux journalistes au nom du climat...
Cannes ne déroule pas forcément le tapis rouge pour tout le monde de la même manière.
Fabrice Leclerc est journaliste à Paris Match. Il assiste à son 36ème festival. Et ne peut s'empêcher de ressentir une certaine frustration... "Nous, nous gardons le même dispositif que d'habitude... Trois journalistes, un photographe, et une équipe de coordination... Mais on sait déjà que ça n'aura pas la même saveur qu'une année normale, un goû de festival génétiquement modifié." Trop de contraintes.
Et une pointe d'appréhension, malgré le déconfinement. "Je connais des collègues qui viennent chaque année, comme moi, et qui ont renoncé à venir cette fois-ci," détaille ce spécialiste du 7ème art.
La première montée ce mardi 6 juillet :
Une grappe de photographes goguenards ne contredisent pas : "au moins on est un peu moins bousculés pour bosser..." philosophent-ils, attablés au café-wifi du palais des festivals... Un peu moins de monde, un peu moins d'empoignades... Les festivaliers aussi sont moins nombreux : 29.000 contre 40.000 habituellement. Personne parmi les journalistes présents n'avouera que la contribution de 20 euros HT pour toute accréditation pouvait peser dans la balance.
Mais personne n'est dupe non plus.
Incontournable
Le festival de Cannes reste cependant un évènement difficile à éviter pour la plupart des médias. "Pour Radio France, c'est un incontournable : notre dispositif est quasiment le même que chaque année", confie Sandrine Bréchot, chargée de production. Les rédactions de France Inter, FranceInfo, France Culture et France Bleu sont présentes en nombre, une vingtaine de journalistes au total.
Et plus de 45 personnes à la technique et à la production : avec des cabines d'enregistrement, un studio au sous-sol et un autre au 5ème étage du palais, Radio France assure aussi les transmissions pour les radios étrangères.
"C'est ce qui représente 60% de notre boulot", reprend Sandrine Bréchot. "Cette année il y a un peu de changement... On a pas encore vu les radios italiennes. Par contre la BBC est bien là, ce qui est une bonne surprise. Il y a aussi des radios tchèques, suisses... Ce qui change vraiment pour nous, c'est que nous sommes en grille d'été : il n'y a pas les émissions habituelles qui se délocalisent sur le festival, comme par exemple Boomerang d'Augustin Trapenard. Ça fait une grosse différence."
Et puis les couloirs du palais sonnent un peu plus creux qu'à l'habitude : "au sous-sol du palais, nous sommes juste à côté du Marché du film. C'est désert !" souffle-t-elle.
"Cette année, c'est pas génial"
Au détour d'un couloir où l'on aura pu croiser Jodie Foster ou Mylène Farmer, sans la cohue qu'entraînerait normalement de telles apparitions, un journaliste travaillant pour M6 glisse : "cette année c'est pas génial... Chez nous, on est deux fois moins nombreux que d'habitude... Par contre on fait deux fois moins de sujets aussi... C'est l'été, les vacances, il y a d'autres priorités !"
L'équipe squatte une chambre d'hôtel. Pour le montage et l'envoi des reportages, c'est le système D.
La question de la couverture du festival a forcément une connotation économique. Envoyer des équipes coûte cher, les loger à Cannes en plein festival encore plus.
Sans entrer dans les détails purement économiques, on voit souvent des équipes de reportages entrer en courant dans des hôtels, ou plus surprenant, dans des immeubles d'habitation.
Des appartements entiers sont transformés en base arrières, en studios d'enregistrement ou en salles de rédaction.
L'argument économique
France Télévisions, par exemple, occupe quasiment un immeuble entier, avec des moyens techniques regroupés pour toutes les chaînes du groupe et permettre duplex, montages et envois dans les meilleurs délais.
Plus de 80 personnes ont été accréditées afin de représenter au mieux France Info, France 2, France 3, CultureBox, et bien sûr France 3 Côte d'Azur.
Ceux qui ne se voient pas rater l'événement, forcément, sont les médias spécialisés. Même si le coût de l'opération entre de plus en plus en ligne de compte.
On a fait des économies l'année dernière, avec l'annulation du festival en tant que tel. L'argument économique ne pouvait pas nous toucher, pas cette année du moins... Et puis, les numéros consacrés au festival représentent nos meilleurs tirages !
L'heure n'est pas encore au serrage de ceinture. L'équipe occupe un appartement coquet du vieux quartier du Suquet. Un peu de hauteur, une belle terrasse qui sert à la fois de logement pour une partie de l'équipe, de salle de rédaction et de cadre pour les interviews et chroniques internet :
"A Télérama on se bat pour venir, on a du instaurer un système de roulement. C'est normal !"
Le magazine a donc dépêché sur place la même équipe qu'à l'accoutumée, plus d'une dizaine de personnes au total, entre journalistes, photographes, et éditeurs web... "C'est notre coupe du monde à nous !"
Ça tombe bien : l'Euro de football est bientôt fini. Il est temps de se consacrer entièrement au cinéma !