Deux médecins du quartier Ranguin à Cannes-La-Bocca s'apprêtent à partir à la retraite. Ils ont de grandes difficultés à trouver des remplaçants pour les 4000 personnes de leur patientèle. Une inégalité dans l'accès au soin qui s'intensifie, et pas seulement dans les zones isolées.
Le Docteur Zimmer et le Docteur Da Ros prennent leur retraite fin décembre. Depuis le printemps, ils cherchent trois remplaçants pour leur patientèle qui compte 4000 personnes. À ce jour, ils n'ont toujours pas trouvé de médecins pour reprendre leur cabinet dans le quartier Ranguin à Cannes-La-Bocca.
"Ça nous ennuie de laisser le cabinet vide et ne pas laisser une solution à nos 4000 patients pour qu’ils puissent se faire soigner dans le quartier" explique le Docteur Christian Zimmer.
Et son associé d'ajouter : " ll faut continuer l’activité médicale. C'est un quartier populaire, les gens n'ont pas toujours les moyens de se déplacer pour aller consulter au centre de Cannes. Ils viennent au cabinet à pied, c’est un confort pour eux."
Le quartier composé principalement de logements sociaux se retrouverait donc sans médecin début janvier, alors qu'il en faudrait trois.
Depuis on est deux pour une population qui nécessiterait 3 médecins
Docteur Philippe Da Ros - Médecin généraliste à Cannes-la-Bocca
"On était deux médecins dans le quartier depuis 30 ans, on a trouvé un jeune associé qui est resté 2 ans. Il a été échaudé par la surcharge d’activité. On l’a perdu au début du covid, Depuis on est deux pour une population qui nécessiterait 3 médecins" selon le Docteur Philippe Da Ros.
Alors, les deux associés essayent d'attirer coût que coûte de jeunes médecins, ou des moins jeunes, peu importe. Pour l'attractivité du poste, ils ont même décidé d'offrir leur patientèle gratuitement, ainsi que tout leur matériel. De plus, ils ont contacté l'ARS, l'ordre des médecins, la faculté de médecine, la mairie de Cannes. Enfin, ils ont passé des annonces sur des sites spécialisés. Tout cela pour obtenir quelques échanges avec un médecin ayant exercé plusieurs années à Lyon qui n'a pas encore abouti sur un accord ferme et définitif.
Un changement de mentalité
Mais pourquoi, dans une région d'habitude si attractive, les deux médecins peinent-ils à trouver leurs remplaçants ?
"On rencontre beaucoup de médecins qui ont 40 ans et qui ne font que des remplacements, car c’est plus flexible, il n'y a pas de charge, ils n'ont pas à gérer un cabinet, ils encaissent 100 % de ce qu’ils gagnent. Ils acceptent les missions en fonction de leur mode de vie. Ce sont des remplaçants professionnels. Cela devrait être interdit par le conseil de l’ordre" déplore le docteur Da Ros.
Depuis quelques années, les remplaçants se sont succédé. "Il y a de plus en plus de jeunes qui se dirigent vers des postes salariés, notamment les femmes. C’est plus facile pour élever des enfants en se mettant à mi-temps, alors que nous, on est plutôt sur des doubles temps" indique le Docteur Philippe Da Ros. "Il y a plus d'offres que de médecins, ils ont donc l’embarras du choix et venir travailler dans les cités est l'ultime décision."
Les déserts médicaux gagnent du terrain
Pour l'heure, la mairie de Cannes cherche une solution. Même si la tâche reste ardue Anthony Frémondière, directeur adjoint de cabinet à la mairie de Cannes demeure optimiste. "Les conditions de travail sont bonnes, les locaux agréables. Un jeune médecin qui a envie de travailler devrait pouvoir s’installer assez facilement. Mais c'est un sujet qui nous préoccupe."
La mairie a même cherché un médecin ukrainien parmi ceux réfugiés dans la commune depuis la guerre. Sans succès.
Il n'existe pas de région en France qui soit épargnée
Docteur Philippe Da Ros - Médecin généraliste à Cannes-la-Bocca
La problématique des déserts médicaux ne se cantonne plus aux zones isolées de France. C'est le constat que fait David Lisnard, président de l'Association des Maires de France rapporte Anthony Frémondière. "Ça fait partie des 3-4 sujets majeurs que les maires rencontrent, qui concernent beaucoup de territoires ruraux et désormais les zones urbaines. Cannes n’est pas épargnée. Il n'existe pas de région en France qui soit épargnée d'ailleurs ! "
Si la pénurie de médecins généralistes s'aggrave en France, les médecins spécialistes sont aussi en souffrance avec de fortes disparités en fonction des territoires s'alarme le Docteur Philippe Da Ros "Sur cannes la bocca on est pas les seuls dans ce cas la. Beaucoup de spécialistes partent sans trouver de successeurs. On a perdu un cardiologue, un rhumatologue. Cette année, on est déjà à trois spécialistes."
Et de conclure : "Nous faisons tout en notre pouvoir pour trouver une solution, mais la santé publique ne relève pas de la commune. Il faut surtout poser à l'Etat, la question du numerus clausus. Il y a une pénurie de médecins. Il faut remettre la médecine générale au cœur du service de santé."
Le point dans le département avec Philippe Paquis, Président du conseil de l'ordre des médecins des Alpes-Maritimes :
Aujourd'hui en France, en moyenne, seulement un départ à la retraite sur six est remplacé. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, 56% des habitants vivent dans un désert médical.