Début du procès fleuve de la filière jihadiste de Cannes-Torcy

Grenade lancée dans une épicerie casher en 2012, projets d'attaques contre des militaires, départs vers la Syrie : la filière jihadiste dite de "Cannes-Torcy",
qui annonce les mutations du terrorisme français, sera jugée à partir de jeudi 20 avril aux assises de Paris.

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Trois ans avant les attentats de Paris de 2015, cette cellule avait été décrite par les services antiterroristes comme la plus dangereuse démantelée en France depuis les attaques du GIA algérien dans les années 1990.

Vingt hommes, âgés de 23 à 33 ans, originaires de Torcy (Seine-et-Marne) et Cannes (Alpes-Maritimes), sont poursuivis devant la cour d'assises spéciale, chargée de juger les crimes terroristes et uniquement composée de magistrats professionnels: dix sont en détention provisoire, sept sont libres sous contrôle judiciaire et trois sont visés par un mandat d'arrêt - un en fuite et deux soupçonnées d'être en Syrie.

Ils sont amis d'enfance ou ont fréquenté les mêmes mosquées de la Riviera française et de la région parisienne, fédérés autour de Jérémie Louis-Sidney, un délinquant aussi charismatique que "fanatique" selon ses proches, qui sera abattu lors de son interpellation. Leurs moteurs: l'antisémitisme et une radicalisation souvent rapide, favorisée par un séjour dans le sud "entre frères" durant l'été 2012.

Cinquante-cinq jours d'audience sont prévus, jusqu'au 7 juillet, pour comprendre la genèse et le fonctionnement de ce groupe, dont certains membres, encore fascinés par le jihadiste toulousain Mohamed Merah, se préparaient à des actions ciblées en France mais aussi au jihad en terre d'islam.
Une filière ancrée en France, radicalisée à l'ancienne, entre copains ou à la mosquée, une génération d'avant internet qui a construit son jihad comme une révolte, pas encore téléguidé depuis l'étranger. Mais déjà, avec une dimension syrienne, de premiers départs et des envies de crime de masse.

Mais c'est d'abord contre la communauté juive que les coups sont portés. Tout commence le 19 janvier 2012, à Sarcelles, où vit une importante communauté juive. Ce jour-là, le journal satirique Charlie Hebdo vient de publier de nouvelles caricatures du prophète Mahomet, suscitant de violentes critiques de musulmans pratiquants en France comme ailleurs en Europe. A 12h30, deux hommes, capuches sur la tête, entrent dans l'épicerie casher Naouri et jettent une grenade. L'engin roule sous un chariot métallique, ne blessant miraculeusement légèrement qu'un client.

► Le reportage de Jacqueline Pozzi 
Jeudi 20 avril débutera à Paris, devant la Cour d'Assises Spéciale, le procès de la cellule terroriste Cannes-Torcy. 20 jeunes hommes, dont 12 Cannois, seront jugés, pour l'attaque à la grenade de l'épicerie casher de Sarcelles en 2011 et pour la préparation d'autres attentats. ©France 3 Côte d


"Salpêtre et cocotte-minute"

L'enquête est rapide : une empreinte retrouvée sur la cuillère de la grenade permet de remonter à Louis-Sidney. Dans son entourage apparaît Jérémie Bailly, un petit délinquant converti à l'islamisme radical que les enquêteurs décrivent comme "le fidèle lieutenant".
A Torcy sont découverts un arsenal et de quoi fabriquer un engin explosif - cocotte-minute, souffre, salpêtre et réveil - dans un box au nom de Bailly. Ce dernier reconnaîtra devant le juge que cela devait servir à "fabriquer une bombe" pour "la poser chez des militaires ou des sionistes".

Le 6 octobre 2012, un vaste coup de filet est lancé pour arrêter une vingtaine de membres présumés du groupe, simultanément à Torcy, dans l'agglomération cannoise et à Strasbourg où Jérémie Louis-Sidney, en visite chez sa compagne, est tué en résistant aux policiers. D'autres interpellations suivront jusqu'en 2014. Les enquêteurs, qui ont saisi armes, testaments religieux et listes de cibles potentielles, sont convaincus d'avoir démantelé une cellule en plein essor. 

Des "Cannois" du groupe, dont le Tunisien Maher Oujani, sont arrêtés début juin 2013 alors qu'ils envisagent une attaque imminente contre une caserne, tandis que d'autres de retour de Syrie en 2014, comme Ibrahim Boudina, sont soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat de masse sur la Côte d'Azur.
Au moment des interpellations, les policiers soupçonnent des passages à l'acte imminents, dans la région parisienne aussi: une liste manuscrite d'associations juives et des photos de personnalités sont découvertes lors de perquisitions.

Certains des "Syriens" sont toujours recherchés, probablement restés sur place où ils auraient gravi les échelons au sein des jihadistes francophones du groupe Etat islamique : c'est le cas de Rached Riahi qui aurait été blessé trois fois au combat.


Pour en savoir plus :
Jérémie Louis-Sidney, itinéraire d'un délinquant tenté par le jihad (L'Obs, octobre 2012)
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