Dénigré dès son inauguration, profondément modernisé, en quatre décennies, le palais des festivals de Cannes a bien changé.
Festival de Cannes 1983 : David Bowie, les Monty Python et les starlettes animent la Croisette, le torchon brûle entre les photographes et Isabelle Adjani, et le réalisateur Japonnais Shōhei Imamura ne s'attend absolument pas à recevoir la Palme d'Or pour sa Ballade de Narayama dans un écrin flambant neuf... celui du tout nouveau palais des festivals.
Un bâtiment, inauguré quelques mois plus tôt en lieu et place de l'ancien casino municipal, qui dès son premier festival attise les critiques. Signé par les architectes Hubert Bennett et le Biotois François Druet, alors âgé de seulement 39 ans, il est immédiatement surnommé "le bunker"...
"Le projet conçu au départ se délite"
Il faut dire que sa structure massive de 70 000 m², conçue et réalisée en seulement deux ans et demi, n'a pas exactement l'allure imaginée par ses concepteurs : verrières réduites, parement en pierre blanche remplacé par un simple enduit, "chapeau" d'aluminium ondulé abandonné au profit d'un banal et économique toit plat...
"Le projet conçu au départ se délite. Les consignes deviennent touffues et contradictoires", raconte, en 2011 dans L'Express, l'architecte azuréen. Moqué, le palais n'en est pas moins apprécié pour sa modernité et fonctionnalité.
Les soirs de projection, on y accède par les fameuses 24 marches qui, lors de la première année n'étaient pas encore ornées du tapis rouge. C'est un journaliste, Yves Mourousi, qui soufflera en 1984 l'idée du tapis rouge, déjà adopté par les Oscars...
Benigni qui baise les pieds de Scorsese
Dans le grand auditorium, chaque année apporte son lot de souvenirs. Le numéro de Roberto Benigni, en 1998, reste l'un des plus joyeux. Lorsque l'acteur et réalisateur italien reçoit le grand prix pour "La Vie est belle", fait mine de croire qu'il a gagné la Palme d'Or, et baise les pieds du président du jury, Martin Scorsese, hilare.
Autre moment reste dans les mémoires, moins fun celui-là, les huées adressées par une partie de la salle à Maurice Pialat, le réalisateur de "Sous le soleil de Satan" (Palme d'Or 1987)
L'histoire du palais s'écrit ainsi, festival après festival... mais le bâtiment vieillit rapidement. Pour ses trente ans, un profond lifting s'impose déjà.
C'est une star de l'architecture, Jean-Michel Wilmotte, qui est choisie pour réaliser l'agrandissement du grand auditorium (300 places supplémentaires) et la mise en lumière du bâtiment pour un budget de 25 millions d'euros.
Mais alors que les travaux n'ont pas débuté, la facture s'envole à 32 millions et la mairie de Cannes dit "stop". L'histoire semble se répéter : il faut revoir le projet à la baisse.
Un escalier intérieur à double révolution
Le palais est tout de même métamorphosé par le groupement Archidev, avec ses verrières sur la façade est pour éclairer le foyer du Grand Auditorium Louis Lumière, auquel on peut désormais accéder par un escalier intérieur à double révolution.
Aujourd'hui, le palais des festivals peut accueillir jusqu'à 40 000 personnes en même temps. Et il est, durant la quinzaine du festival de Cannes, le lieu le plus exposé médiatiquement dans le monde.