Contrairement aux idées reçues, la danse dans le monde arabo musulman se conjugue au féminin comme au masculin, au singulier comme au pluriel. Moins réductrice que " danse du ventre ", l’appellation "danse orientale" reste partielle car elle ne prend pas en considération toutes ses facettes.
Festives, symboliques, sacrées et profanes, les danses du monde arabo-musulman varient selon les pays, les régions, les coutumes et les traditions. Traditionnellement et majoritairement pratiquée par les femmes, il existe des danses mixtes voire exclusivement masculines. Par ailleurs, de grands danseurs solistes et des professeurs de renom, appelés « maîtres » figurent parmi les hommes.
Outre les danses traditionnelles et les nombreux folklores, on distingue deux styles majeurs dans la danse orientale égyptienne : la danse classique orientale « Raqs Al Sharki » et les danses populaires du « Baladi » et du « Shaabi ».
Aujourd’hui et depuis plusieurs années, les fusions (combinaisons de différentes danses ayant pour base l’oriental) apparaissent sur le devant de la scène et se multiplient.
Le Sharki : la danse classique
« Raqs Al Sharqi » reste la forme incontestée de la danse orientale, la plus répandue et enseignée dans le monde depuis les années 1980. Elle voit le jour dans les années 20 et 30 au début de l'âge d'or du cinéma égyptien grâce aux prestations de ses danseuses et actrices légendaires : Samia Gamal, Tahia Carioca, Naima Akef ou encore Nagwa Fouad.
Influencée par le ballet classique occidental et les danses latino-américaines, cette danse aérienne considérée comme « noble » est caractérisée par des demi-pointes, des arabesques, divers tours et déplacements dans l’espace. La danseuse revêt le costume deux pièces à paillettes et se produit sur les grands classiques de la musique égyptienne, comme ceux d’Oum Kalthoum par exemple, pour ne citer qu’elle.
Le Baladi et le Shaabi : les danses populaires
Les danses populaires « Baladi » et « Shaabi » traduisent respectivement la « danse du pays » et la « danse du peuple ». Ils désignent aussi simultanément le nom de la danse et celui de la musique.
Ces danses populaires se définissent par des mouvements ancrés dans la terre et davantage concentrés autour du bassin, du torse, des épaules et des bras. Ils sont principalement exécutés pieds nus et à plat. La danseuse porte une robe longue fendue agrémentée d’un foulard autour de la taille, orné ou non de sequins voire de différentes breloques.
Dans le "Baladi", beaucoup d’émotions son exprimées. La danseuse est connectée avec la musique généralement dominée par l’accordéon et les percussions. Sa danse est plus subtile que dans le Shaabi où les mouvements sont très marqués et la musique plus moderne.
Les chants du Shaabi évoquent davantage les préoccupations ordinaires de la vie courante et parfois même des thèmes contestataires.
Le street Shaabi
Le "Street Shaabi" ou "Mahragan" est un style de danse égyptien qui est apparu suite à la révolution de 2011. Les jeunes générations se sont inspirés inspirées de danses modernes occidentales (break dance, hip-hop, B-Boying) en conservant les pas et attitudes de la danse shaabi et accentuant les mouvements de bras. On peut retrouver également le principe "battle" du Hip-Hop et chaque artiste est libre d'exercer et innoverson propre style.
Il s’agit donc d’une version moderne et urbaine du Shaabi traditionnel où les danseurs se produisent souvent en jeans pour accentuer le côté urbain.
Les floklores égyptiens
Mahmoud Reda, un danseur et chorégraphe égyptien également gymnaste olympique s'inspire de la vie quotidienne des égyptiens pour créer des danses folkloriques telles que le Saïdi, le Fellahi, la Melaya Leff, le Mambouti et bien d'autres.
- Le Saïdi : la danse de la canne et du bâton
Les danses de la canne « Raqs el Assaya » et du bâton « Raqs el Tahtib » appartiennent au folklore égyptien du « Saïdi », originaire de la région du Saïd, en Haute-Egypte. Elles sont inspirées d’un art martial ancestral. Les hommes manient généralement un bâton alors que les femmes privilégient l’usage de la canne.
- Le FELLAHI : la danse paysanne
En arabe, le mot « Fellahin » signifie « agriculteurs » ou « paysans ».
Le « Fellahi » est une danse festive qui évoque les travaux domestiques quotidiens comme celui de puiser l’eau d’un puits. Les danseuses portent des robes longues et larges ainsi qu'une jarre ou cruche sur l’épaule, parfois un panier.
- Le Mambouti : la danse des pêcheurs
La danse des pêcheurs appelée « Mambouti » prend une forme enjouée et théâtrale dans laquelle danseuses et danseurs miment le travail des pêcheurs.
- La Melaya ou Iskandarani : la danse du voile égyptien
La « Melaya Leff » désigne un grand châle rectangulaire de couleur généralement noire. La danseuse utilise ce voile traditionnel pour se couvrir et de se découvrir au gré de son inspiration, dévoilant une robe courte aux couleurs vives. La « Melaya » désigne à la fois une danse appelée aussi « Iskandarani » et son accessoire (Melaya Leff).
Danse symboliques et spirituelles
- Raks' Shamadan : la danse du chandelier
Dans la danse du « Raks' Shamadan » à la fois symbolique et traditionnelle, la danseuse porte un chandelier (ou candélabre) allumé sur la tête et accompagne un orchestre lors de la procession nuptiale. La lumière des bougies représente un gage de bonheur pour les futurs mariés. Elle exécute ensuite un solo composé principalement de mouvements au sol.
- La Tanoura : la danse de la jupe
La « Tanoura ou Tannura » qui signifie « jupe » en arabe est à l’origine une danse spirituelle et religieuse d’origine soufi, exclusivement masculine. Aujourd’hui, elle est plutôt considérée comme un folklore que l’on retrouve dans les cérémonies festives. Elle s’apparente à la danse des « Derviche Tourneur ».
- Le Dabke : la danse du coup de pied
Le « Dabke ou Dabka » signifie littéralement « coup de pied » est une danse du Proche Orient originaire des « Pays du Levant ». Elle peut être pratiquée de différentes manières lors de mariages, de banquets et de fêtes occasionnelles.
Dans cette danse de groupe, les danseuses et danseurs forment une ligne en se tenant les mains et frappent énergiquement le sol des pieds en rythme avec la musique.
- Le Khaleegy : la danse du Golfe
Les danseuses de « Khaleegy ou Khaleeji » qui traduit « golfe » jouent beaucoup avec leurs épaules, leurs nuques et leurs cheveux. Elles portent une robe ample et transparente par-dessus leur costume. On retrouve ce folklore traditionnel des pays du Golfe - surtout en Arabie Sahoudite et au Koweit - à l’occasion de mariages et de cérémonies officielles.
Les fusions
En un siècle, la danse orientale égyptienne s’est complexifiée et modernisée. De nombreux mariages culturels ont donné naissance à d’autres formes de danses hybrides, les « fusions ». Le gipsy oriental ou arabo - andalou, le tango et tahitien oriental, le Bellywood ou Bolly Belly (oriental et Bollywood), le Street Shaabi (oriental et hip hop) en font partie. On observe une forme d’opposition entre les partisans d’une danse puriste et les autres qui favorisent les fusions aux influences modernes.
- La danse tribale ou ATS
Dans le reste du monde, la forme de fusion la plus ancienne et la plus populaire est incontestablement la Danse Tribale ou ATS (« American Tribal Style Bellydance »), parfois considéré comme un courant « divergent » de la danse orientale.
Appelée aussi « tribal fusion », cette danse combine des pas et des mouvements de danse orientale et d’autres issus de la danse indienne traditionnelle, tzigane, flamenco ou encore hip hop. Ce mélange des genres permet d’obtenir un style singulier et hypnotique. Au départ, elle se définit comme une danse de groupe semi-improvisée suivant le concept du " lead and follow " où chaque danseur est tout à tour meneur et suiveur. Aujourd’hui, elle se pratique aussi bien en groupe qu’en solo. Côté musique, il y a en a pour tous les goûts ; du traditionnel à l’électro, en passant la world music, la new âge et la médiévale.
Les costumes sont composés de pièces ethniques à l’apparence naturelle (moults bijoux anciens, grelots, sarouel, ceinture à frange ou à pompons, choli, et turban sur la tête). Les tatouages et l’usage des sagattes sont deux autres marques de fabrique des danseuses tribales.
L’American Tribal Style Bellydance ou ATS voit le jour dans les années 1950 en Californie, aux Etats Unis. Sa fondatrice, Jamila Salimpour créée une danse unique après avoir travaillé sur les origines et les racines des danses orientales. Ainsi, le « tribal » ne se réfère pas à une tribu particulière mais puise son inspiration parmi différentes cultures orientales, tsiganes et occidentales.
A partir des années 90, le style s'est structuré et développé grâce au travail de Carolena Nericcio-Bohlman et de sa troupe FatChanceBellyDance. Carolena Nericcio est en fait l’élève de Masha Archer, elle-même élève de Jamila Salimpour. Elle créée une méthode d'improvisation via un répertoire de pas permettant aux danseurs d'être synchronisés lorsqu'ils dansent ensemble.
Outre Carolena Nericcio, Rachel Brice est peut être la danseuse tribale la plus célèbre dans le monde. Elle s'est produite dans la troupe Indigo avec les BellyDance Superstars, dirigée longtemps par la non moins célèbre Jillina Carlano. Cette dernière était venue à Marseille en 2009 donner à un stage à des élèves d'un haut niveau.
Les accessoires : entre tradition et modernité
Les sagattes
Les fameuses « sagattes » (sagat) ou encore «zills, zils» sont des petites percussions en cuivre, en aluminium voire en argent ou or. Placées sous le majeur et le pouce, elles sont principalement utilisées dans la danse Baladi pour accompagner la derbouka.
Il arrive cependant que certains musiciens égyptiens en jouent dans les orchestres traditionnels. A la fois instrument de musique et accessoire décoratif, elles auraient été introduites par les danseuses « Ghawazi » et sont aujourd’hui très utilisées dans la danse tribale.
- Le voile :
Il peut être simple, double voire triple, de forme rectangulaire ou encore de demi-lune. Le voile est utilisé dans le style classique de la danse orientale, le « Sharki ». En occident, les danses mythiques « des sept voiles » de Salomé et de Mata Hari participent à faire de cet accessoire, le plus envoûtant et le plus fascinant.
Il est apparu concrètement dans la danse à partir des années 20. Les danseuses l’utilisent pour faire leur entrées dans les films et comédies musicales égyptiennes. Il s’agit en fait d’une invention « hollywoodienne » ayant pour but de magnifier leur prestations et leur mise en scène.
- Les ailes d'Isis
Il est probable que les ailes d’Isis soient inspirées de l’univers du cirque et de la danse de la serpentine de Loie Fûller, apparue à la fin du 19ème siècle.
- Les éventails de soie
Les éventails de soie sont originaires d’Asie, on les trouve essentiellement dans la danse chinoise classique. A partir des années 2000, les danseuses tribales américaines les introduisent dans leur chorégraphies.
En un demi siècle le style classique "Raqs Sharki" a réussi à s'imposer comme le style majeur de la danse orientale dans le monde entier. Or, désormais en Egypte, c'est un "Shaabi" moderne et urbain qui vient détrôner les airs des grands classiques sur les scènes cairotes.
Ces dernières années, les influences étrangères, la multiplication des accessoires, la variété musicale et la diversité des costumes contrinuent à l'évolution de cet art sous toutes ses formes - y compris celles considérées parfois comme divergentes telles que les fusions et la danse tribale ("ATS").