Suite à la réunion du comité syndical intercommunal ce lundi 10 février, le maire de Grasse, Jérôme Viaud, annonce un remboursement des abonnements à l'eau potable pour les habitants. Une remise payée à 50% par SUEZ et à 50% par le SIEF. L'opposition dénonce un simple effet d'annonce.
Le Syndicat intercommunal des eaux de Foulon, qui regroupe neuf communes du bassin grassois, s'est réuni ce lundi 10 février.
Le maire de Grasse, Jérôme Viaud, a annoncé sur Facebook qu'une "remise exceptionnelle" a été votée pour rembourser ses administrés victimes de la contamination de l'eau potable.
"J'ai obtenu de SUEZ un geste financier sur la facture" écrit-il. Contacté par téléphone, il affirme que le groupe va rembourser 50% de l'abonnement des Grassois.
Cela signifie que la part eau potable de l'abonnement du mois de mars va être dégrevée soit une baisse de 47% de la facture.À ce geste va s'ajouter une remise de 50% assurée par le SIEF sur les abonnements trimestriels des habitants concernés.
Un simple effet d'annonce ?
Ce "remboursement à 100%" promis par le maire sonne comme une bonne nouvelle, deux mois pile après l'arrêté préfectoral interdisant d'utiliser l'eau potable.
Dans le rapport de la réunion d'hier, mardi 11 février, il n'y a pourtant aucune mention du groupe SUEZ pour le remboursement. Le document que nous nous somme procuré mentionne seulement celui du SIEF.
Lui qui était présent à la réunion du comité syndical intercommunal réclame un remboursement total des factures des habitants "assuré à 100% par SUEZ".Ce n'est qu'une déclaration d'intention et le maire joue sur l'effet d'annonce. Techniquement ce n'est pas faisable car le SIEF rassemble 9 communes qui ont une gestion de l'eau totalement différente.
"Suite à la délibération, il n'y a eu aucun budget annoncé. C'est innaceptable que via le SIEF, les contribuables des autres villes se retrouvent à payer le remboursement des Grassois".
Qui est responsable et doit payer ?
Depuis octobre dernier, 155 personnes ont été diagnostiquées de cryprosporidiose dans le secteur de Grasse et ses environs. Aujourd'hui, l’eau est toujours impropre à la consommation dans 7 communes (arrêté préfectoral du 11 décembre).
Pour 50 000 personnes, il est toujours interdit de boire l’eau du robinet sans la faire bouillir 2 minutes. Pour la préparation des biberons et l’alimentation des personnes immunodéprimées, l’ARS recommande de "n’utiliser que de l’eau en bouteille".Plainte pour "mise en danger de la vie d’autrui"
Le candidat Stéphane Cassarini et sa colistière, Myriam Lazreug sous la liste "La voix du bon sens" ont déposé plainte, le 16 janvier, contre X, pour mise en danger de la vie d’autrui.Myriam Lazreug, avocate, précise que l’arrêté préfectoral est bien basé sur l’absence de périmètre de protection.La responsabilité principale revient à Jérôme Viaud (LR), maire de Grasse. Il avait l’obligation de sécuriser le périmètre immédiat de la source, selon le code de santé publique (art. L.1321-2).
Selon cette dernière, le maire avait jusqu’en 2010 pour se mettre en conformité.
Quelles sont les peines encourues ?
Pour une mise en danger de la vie d’autrui, la peine encourue, au pénal, est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.Pour ne pas avoir sécurisé la source, la peine encourue est d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Quels sont les intervenants dans l'approvisionnement de cette eau ?
Sur le bassin grassois, 3 acteurs sont concernés dans les différentes étapes du traitement et de l’acheminement de l’eau jusqu’aux robinets :- Le SIEF, le syndicat intercommunal des eaux du Foulon, qui regroupe 9 communes (Grasse, le Bar-sur-Loup, Châteauneuf-Grasse, Gourdon, Mouans-Sartoux, Opio, Le Rouret, Roquefort-les-Pins et Valbonne) ;
- Les communautés d’agglomération de Grasse et de Sophia-Antipolis ;
- Les exploitants des communes : SUEZ (le plus important), Hydropolis (Bar-sur-Loup et Valbonne), Les eaux de Mouans (Mouans-Sartoux) et une régie communale à Gourdon.
Les exploitants prennent ensuite le relais pour distribuer l’eau jusqu’aux robinets des abonnés.
Le SIEF reconnait sa responsabilité, l’opposition renvoie la balle vers la mairie !
Quand on aborde la question de la responsabilité, Cédric Diaz, directeur du syndicat intercommunal des eaux du Foulon répond sans hésitation :Pourtant, pour Myriam Lazreug, candidate et dépositaire de la plainte, le SIEF ne peut être tenu responsable d’infractions commises depuis 2010.C’est le SIEF qui gère le captage, le traitement et le transport jusqu’aux réservoirs. C’est le SIEF qui est responsable.
Même son de cloche de la part de Paul Euzière, lui aussi candidat aux élections municipales sous la liste Grasse à Tous - Ensemble Autrement.
Le 23 janvier, sur son blog, Paul Euzière rappelle deux arrêts de la cour de cassation relatifs à l’obligation de résultats dans la distribution d’eau potable.La ville est responsable. Suez n’a pas fait le boulot depuis des années. Les maires n’ont rien fait, ni la protection des sources, ni les contrôles du délégataire. Chaque année, dans chaque rapport, Suez a signalé des trous dans le canal du Foulon.
C'est ainsi que la Cour de Cassation a jugé d'une part, que "la commune était tenue de fournir une eau propre à la consommation et qu'elle ne pouvait s'exonérer de cette obligation de résultat que, totalement, par la preuve d'un évènement constitutif d'un cas de force majeure, ou, partiellement, par celle d'une faute de la victime" et d’autre part, "qu'en cas de faute grave du délégataire, et notamment si la qualité de l'eau, l'hygiène ou la sécurité publique viennent à être compromises ou si le service n'est exécuté que partiellement, la Collectivité peut prendre toutes les mesures aux frais et risques du délégataire et notamment la mise sous séquestre du service". (L'article 45.2).
A mois d’un mois du premier tour des élections municipales, cette contamination de l’eau devient un enjeu de la campagne.
Contactée à plusieurs reprises, par nos services, depuis le 23 janvier, la mairie de Grasse n’a pas donné de suites favorables à nos demandes d'explications.
Une seconde plainte pour "administration de substance nuisible à un mineur de moins de 15 ans"
Après la plainte, contre X, déposée le 16 janvier, pour mise en danger de la vie d’autrui par les candidats de la liste "La voix du bon sens" , le Syndicat Intercommunal des Eaux du Foulon (SIEF) nous confirme qu’une seconde plainte a également été déposée par un abonné pour "administration de substance nuisible à un mineur de 15 ans".Contacté à plusieurs reprises depuis le 23 janvier, le Parquet de Grasse ne communique ni sur le nombre de plaintes déposées dans cette affaire, et ni sur la procédure en cours.
Un périmètre de sécurité bientôt installé
D’ici à la fin février, 572 mètres de clôture devraient être installés autour des sources pour empêcher d’autres contaminations de l’eau.Un aménagement d'un coût de 100 000 euros, hors taxe !
Le SIEF affirme que l’ensemble de ces investissements n’engendreront aucune augmentation de la tarification au prix de l’eau et que ces mesures vont garantir de manière pérenne "une eau potable de qualité irréprochable".Un hydrogéologue travaille sur la mise en place des périmètres de protection des sources Foulon et Fontaniers depuis novembre 2018. Son rapport a été rendu en février 2019.
L’entrée en fonction d’une nouvelle usine de traitement de l’eau annoncée pour avril 2020
À Grasse, l'eau est traitée selon un système de chloration.Les sources Foulon et les Fontainières sont des sources souterraines. Un avantage, selon de SIEF, car elles sont moins sujettes que les sources superficielles (en surface) aux autres contaminations, contre le parasite cryptospridium, qui se font via les selles des animaux."La choration est très efficace pour lutter contre les microbes, les bactéries et les virus" précise le Sief.
Le cryptosporidium, un parasit résistant au chlore
Le parasite du cryptosporidium vit très bien dans le chlore.
La solution du traitement via un système de chloration est donc inefficace.
Pour l'éliminer, une désinfection aux ultraviolets est donc nécessaire.
Un autre traitement et donc une nouvelle usine s'impose.
Le SIEF investit donc 3 millions d’euros, hors taxes, dans la construction, sur la commune de Gourdon, en bas de Revest, d'une usine de traitement aux ultraviolets qui devrait être opérationnel "au mois d’avril 2020".
Une construction "Absolument irréalisable" pour Paul Euzère :
L’usine ne se sera jamais livrée aussi vite. C’est impossible à tenir au niveau des délais.
Une unité de filtration de l’eau
Le SIEF explique également, que pour que ce traitement aux ultraviolets soit le plus efficace possible, l’eau à traiter doit être la plus claire possible. Or, l’eau du Foulon ne l’est pas suffisamment.Une unité de filtration sera donc également nécessaire.
C’est la deuxième phase, qui devrait être opérationnelle "au cours du mois d’octobre 2020".
"Les habitants seront dédommagés"
Les maires des communes concernées par la restriction de l’eau ont validé, sur le principe, un dédommagement pour le préjudice subi par les abonnés.Selon le directeur du SIEF,
Le dédommagement sera estimé en fonction de ses éléments, mais aussi de la durée de la restriction, et de l’estimation de la gêne occasionnée.dans les foyers, l’eau consommée représente 2% de l’eau utilisée et l’eau qui sert à la cuisine est estimée à 6%.
En attendant, certaines communes basculent vers le réseau d’eaux Cannois.
Pour pallier l'urgence, certaines communes clientes du SIEF basculent sur le réseau SICASIL. Ainsi leurs usagers peuvent à nouveau avoir de l'eau potable à la sortie de leurs robinets.
La dernière communication en date remonte au 14 janvier :
Le SICASIL, est le syndicat intercommunal qui produit, achemine et distribue l’eau dans le pays de Cannes.[INFO #CRYPTOSPORIDIOSE ?]#Valbonne #SophiaAntipolis n’est plus concernée par les mesures de précaution de @ARSPaca. L’eau du robinet peut donc être consommée normalement sur l’intégralité de la commune. https://t.co/EIZyhjYYkl
— Valbonne (@ValbonneSA) January 14, 2020
Toutes les communes qui sont sorties des restrictions l’ont été grâce à ce changement d’approvisionnement.
Le secteur sud de Grasse, Saint-Jacques et ses environs et le Plan, devrait lui aussi être alimenté en eau par le SICASIL d’ici à 3 semaines.