Dans le haut pays grassois, le démantèlement d'un téléski augure-t-il la fin des stations de basse altitude ?

À Saint-Auban, le téléski de la Graou, qui était à l'arrêt depuis 1990, a été démonté ce jeudi 22 juin. Une opération symbolique qui remet sur la table la difficulté des petites stations de basse et moyenne altitude à s'adapter aux aléas liés au dérèglement climatique.

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Face aux remontées mécaniques fantômes, les Domaines Skiables de France passent à la vitesse supérieure. La chambre professionnelle des opérateurs de domaines skiables (DSF) a procédé ce jeudi 22 juin au démantèlement du téléski de la Graou, à Saint-Auban. 

"Les pièces sont rouillées. Ça fait longtemps qu'elles n'ont pas bougé, donc elles sont grippées. Mais on va y arriver. D'ici à la fin de la journée, tout sera au sol !", s'exclame Robin Deymier, vice-président de DSF, présent sur place.  

En effet, quelques heures plus tard, il ne reste plus rien du petit téléski de la Graou. Les équipes de DSF ont désormais l'habitude de procéder à ce type d'opération : depuis 2016, il est obligatoire de démonter les installations laissées à l'abandon. 

"Le matériel a besoin d'être entretenu chaque année. Cette maintenance, il faut la faire, car elle est règlementée par l'Etat. Et il faut pouvoir y subvenir pour exploiter [un domaine] d'une année sur l'autre", détaille Robin Deymier. Chose qui demande un certain budget, que Saint-Auban n'avait pas.  

Une pointe de nostalgie 

Le tire-fesses de cette petite commune de 265 habitants du haut pays grassois, dans les Alpes-Maritimes, était donc à l'arrêt depuis plus de 23 ans.

Dans son ensemble, l'infrastructure se composait d'un téléski à perches fixes, de trois pistes de ski, d'un bâtiment d’accueil avec un snack et d'une caisse de remontée mécanique.

Beaucoup de personnes de Saint-Auban ont skié sur ces pistes. Beaucoup d'enfants y ont aussi appris à skier.

Claude Ceppi, maire de Saint-Auban

Devant le démontage de la structure, le maire du village est pris d'une pointe de nostalgie. Le téléski de Saint-Auban, construit en 1965, manquera aux habitants du village et aux visiteurs de la région qui l'ont connu.

Il avait été définitivement mis à l’arrêt en 1990, car il n'était plus aux normes. Sa mise à niveau et son maintien en activité n’étaient plus rentables. De plus, le site n’était pas adapté pour faire face à des hivers moins enneigés.  

Un parc éco-touristique pour le remplacer

Le lieu où était implanté le téléski de la Graou, à 1000 mètres d'altitude, fait désormais partie d’un parc éco-touristique baptisé "Terre des Lacs". Il est géré par la commune de Saint-Auban, qui est à l’origine de ce projet pour la reconversion du site.

Tout au long de l'année, ce dernier proposera désormais diverses activités : descentes des canyons de l’Estéron, parcours dans les arbres, escalade, équitation, pêche à la truite, randonnées, raquette à neige…

Et "la nature va reprendre ses droits, les arbres vont continuer à pousser, les moutons vont pâturer ici. Tout simplement", philosophe François Chollet, gérant du parc Terre des lacs.  

Les petites stations face au manque de rentabilité...

Saint-Auban n'est pas un cas isolé. Si, dans les Alpes-Maritimes, aucune autre remontée mécanique ne devrait être ôtée prochainement, 23 opérations de démantèlement sont prévues dans la région PACA, dans les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence notamment. 

En général, ce sont des endroits dans lesquels le ski n'a jamais atteint un niveau de spécialisation qu'on peut retrouver dans les grandes stations.

Laurent Reynaud, délégué général des Domaines Skiables de France

"Aujourd'hui, si vous n'avez pas de neige de culture, de damage, de profilage des pistes et une professionnalisation des équipes, vous n'êtes pas en capacité d'opérer un domaine skiable de façon rentable", poursuit-il. 

...et au dérèglement climatique 

À terme, les stations de basse et moyenne montagne sont-elles promises à la même fin que le petit téléski de la Graou ? "Pour l'avenir, cela dépendra des stations et de leurs atouts. C'est sûr que si les sites ne se sont pas protégés contre l'aléa d'enneigement, qui est plus fort aujourd'hui, ils sont davantage exposés", reconnaît Laurent Reynaud. 

De là à renoncer à la pratique du ski ? "Bien souvent, il faut des années avant que le village, ses habitants, son conseil municipal acceptent de tourner cette page, soutient Laurent Reynaud, mais lorsque les habitants sont prêts, on vient bénévolement pour saluer la mémoire d'une installation et l'enlever du paysage".

Rendre les installations de ski abandonnées à la nature est un des 16 éco-engagements - les autres ont trait aux déchets, aux paysages, à l'eau, à la biodiversité ou à l'énergie - pris par les 200 domaines skiables français en octobre 2020.

Au cours des douze dernières années (2010-2022), 611 appareils ont été démontés sur les domaines skiables français. Et la démarche de continuer. Dans les prochains mois, 71 installations abandonnées (67 téléskis et 4 télésièges), réparties sur 47 sites, devraient être démantelées. 

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