C'est une histoire de dingue que fort peu connaissent. Une histoire où l'aura de Paris, la capitale de la France, est censée avoir plus de prestige qu’un petit village de Provence. Une histoire que n’aurait pas renié Marcel Pagnol mais qu’aurait certainement détesté celle à qui la vie avait appris l’importance de l’authenticité : Edith Piaf.

Il y a 60 ansEdith Piaf tirait son ultime révérence. Pas à Paris comme certains ont voulu le faire croire à l’époque mais, dans le sud, entre Grasse et Valbonne, dans le village de Plascassier dont le nom signifie chemin boueux, en provençal.

Perché sur une colline à 300 m d’altitude, c'est là que la Môme a choisi de poser ses valises. Dans une grande bastide qui est la sienne : Les Parettes.

Une maison qui était en vente il y a quelques années 

Usée par les excès

Elle est fatiguée, accablée par les hospitalisations à répétition, usée par les excès de trop de misère, trop de luxe, l’alcool, la morphine, les souffrances en tous genres dont son cœur est perclus comme cette polyarthrite rhumatoïde qui ravage son corps.

On est le 10 octobre 1963. Aux côtés d’Édith, son infirmière, Simone Margantin. Et puis, surtout, celle dont la présence à ses côtés se compte en décennies, Danielle Bonel, sa dame de compagnie, sa secrétaire, sa confidente, sa dernière amie.  

Il est 13h 10. La bonne à tout faire, l’apprentie-crémière, la chanteuse de cabarets et de bars a prostituées, la vedette de music-hall, la veuve de Marcel Cerdan, la dénicheuse de talents, l'actrice, la parolière, l’amoureuse inconditionnelle rend son dernier soupir.

Rupture d'anévrisme due à une insuffisance hépatique. 

Durant la nuit, en catimini, clandestinement...

À partir de là, un étrange scenario se met en place. Durant la nuit, en catimini, clandestinement son corps va être transporté en toute illégalité. 

Objectif : faire croire qu'elle a fini sa vie dans sa ville natale, Paris, pardon : Panam comme elle le chantait.

C’est la Mère Supérieure de la clinique de Cannes la Bocca qui prête son ambulance et fourni le chauffeur. L’improbable attelage rejoint dans le plus grand secret l’appartement parisien d’Édith, boulevard Lannes.

Le lendemain, son médecin produit un faux certificat de décès postdaté.

Claude Bernay de Laval indique que la chanteuse est décédée le 11 octobre à 7 heures du matin, le lendemain de la date réelle de la mort de l'artiste de 47 ans, à Paris. Non à Plascassier.

À peine 6 heures après que son décès soit annoncé, c'est Jean Cocteau avec qui la chanteuse entretenait une grande amitié et une correspondance suivie, qui meurt à son tour.

Apprenant le départ d'Edith Piaf, Jean Cocteau avait déclaré : 

C'est le bateau qui achève de couler. C'est ma dernière journée sur cette Terre. Je n'ai jamais connu d'être moins économe de son âme. Elle ne la dépensait pas, elle la prodiguait, elle en jetait l'or par les fenêtres.

Jean Costeau.

La presse s'emballe et publie la fausse nouvelle « Edith Piaf est morte dans son lit, boulevard Lannes ». La chanteuse est embaumée. Une photographie illustre l'article montrant le visage de Piaf entouré d'un horrible foulard qui retient à peine son menton.

L'infirmière Simone Margantin entre dans le scénario mensonger en racontant aux journalistes qu'avant de mourir, "Piaf était lucide, gaie et pleine de projets de chansons".

Théo Sarapo autorise la foule, qui a pris d'assaut les grilles de l'immeuble du boulevard Lannes, sitôt la nouvelle diffusée à la radio, à entrer dans leur domicile. Des petits groupes de proches et d’anonymes s’entassent auprès du cercueil de l’artiste posé sur un catafalque dans le salon-bibliothèque. Incessamment pendant deux jours, les femmes très majoritaires défilent tandis qu'au-dehors s'entassent bouquets et gerbes de fleurs sur le trottoir.

L'organisation des obsèques quasi nationales a lieu le 14 octobre.

Le convoi funèbre part très officiellement du domicile d’Edith Piaf jusqu'au cimetière du Père Lachaise. Un demi-million de personnes est dans la rue.

L'inhumation a lieu sans cérémonie religieuse. La Môme Piaf, divorcée a mené une vie sexuelle tumultueuse, et l’Église catholique oppose son veto.  Malgré tout et à titre strictement personnel l’aumônier des artistes le père Thouvenin de Villaret, lui accorde une dernière bénédiction au moment de l'enterrement.

Ce sont 40 000 personnes qui viennent lui rendre un dernier hommage.

Rompant les barrages, la foule hystérique déborde le service d'ordre, piétine les fleurs, se hisse sur les arbres et les mausolées… Marlene Dietrich, présente, est effarée et Bruno Coquatrix, le directeur général de l'Olympia, bousculé, tombe dans la fosse.

Cette foule retiendra une dernière image : celle du fossoyeur qui a déposé à côté du cercueil les objets fétiches de la chanteuse : un lapin en peluche, un béret de marin, une cravate en soie verte, une statuette de sainte Thérèse de Lisieux, une épaulette de légionnaire, une carte postale de la chapelle de Milly-la-Forêt portant une dédicace de l’ami Cocteau.

De Plascassier à côté de Grasse, nul mot ne sera soufflé. Ce n'est que beaucoup plus tard que la vérité sera révélée. Trop tard sans doute. Beaucoup sont ceux qui persistent à croire la légende qui raconte que Cocteau le poète et Piaf, le moineau, sont morts le même jour à Paris et dans la région parisienne.

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