Les courts de tennis des Alpes-Maritimes ont soif ! Ceux en terre-battue précisément, gros consommateur d'eau. Le problème c'est qu'il est interdit de les arroser par arrêté préfectoral, durant la journée. Mais tout le monde ne jouerait pas le jeu.
C’est un rituel bien huilé. Sitôt la partie terminée, Chloé prend bien soin d’arroser le court de tennis où elle vient de brillamment battre son adversaire d'un jour. "Si on n’arrose pas", explique le responsable d’un club des Alpes-Maritimes, "on bousille tout !"
Car ce court, comme bon nombre dans le Sud de la France, est en terre-battue. A l’image de ce qui se fait à Roland-Garros s’amuse un adhérent du TCM, le tennis-club de Menton. C’est d’ailleurs une fierté ici de se confronter aux installations mythiques des courts parisiens. En effet, pour les puristes, la terre-battue offre un confort de jeu inégalé. "Ça évite aussi le mal de genou ou de dos" surenchérit un sénior du même club mentonnais qui a ses habitudes ici.
Passée l’anecdote, la situation est en fait assez critique. Car par arrêté préfectoral, il est strictement interdit d’arroser les courts durant la journée. C’est prohibé pour toutes les installations sportives et pour les particuliers aussi.
Selon nos informations, beaucoup ne jouerait pas le jeu. Mais le sujet reste éminemment sensible, voire tabou.
Principe de réalité
Christophe Ribeiro préside au club de Beaulieu-sur-Mer. Sur place pas moins de 8 courts en terre-battue. "Le problème, lance-t-il, c’est que le terrain doit garder son degré d’humidité. Sinon le court est tout bonnement à refaire."
Cela coûte, selon lui, entre 25 et 30 000€. Un chiffre exorbitant et difficilement vérifiable. Selon nos informations, mai là encore personne n’ose parler de chiffre de consommation, un court de tennis avale 2m3 d’eau pour le remettre en service après une journée d'utilisation. Cela représente donc 2000 litres d’eau quotidiennement par cour. Alors bien sûr, en cette période de disette, cela passe mal au sein de la population, priée de faire des efforts.
Pourtant il semble difficile de faire autrement : "On ne peut, comme l’arrêté le précise, arroser la nuit, ça ne sert à rien. Le besoin d’eau est en effet à l’instant T." explique Christophe Ribeiro.
Une réflexion a été entreprise pour voir comment trouver des palliatifs à cette situation, d’autant que le manque d’eau va se répéter. C’est la deuxième année que la discipline est affectée par les restrictions d’eau pour ses courts en terre-battue. Parmi les pistes, utiliser de l’eau de récupération.
La préfecture des Alpes-Maritimes bien consciente de la situation, pratique une certaine indulgence vis-à-vis des clubs de tennis. Elle a proposé de mettre en place des compteurs d’eau spécifique pour voir la consommation réelle de l’eau. "Nous sommes tests sur cela" explique Patrice Viguier du TCM, le tennis club de Menton.
Reste que le problème est pris à bras-le-corps par la ligue de tennis PACA. L’une de ses porte-parole, Véronique Lupez explique : "On a démarré un travail de réflexion de fond sur cette question."
C’est un vrai problème économique. Car si les terrains concernés ne sont pas arrosés à chaque fois, ils peuvent être très endommagés. "C’est comme un être, il meurt. La brique pilée sèche et il faut tout refaire. Quant à l’idée de le noyer d’eau la nuit ça ne sert à rien, c’est contre-productif."
Car au-delà de la pratique ludique, il y a les écoles de tennis et surtout les différents championnats. Et la région en organise beaucoup. Une tradition french riviera qui permet de tripler la fréquentation des installations. L'exemple de Monaco est encore plus criant.
Le Monte-Carlo Country Club totalise à lui seul 22 courts en terre-battue avec une particularité, il est implanté en territoire français et, à ce titre, il devrait respecter l'arrêt préfectoral. Cela est contredit dans les faits par les événements qui s'y tiennent.
Ne pas arroser signifierait annuler toutes les compétitions, à Monaco, comme ailleurs. Impensable !
La fédération de tennis PACA dit s’être emparée du sujet. "On a lancé un appel à innovation pour tenter de trouver des solutions. Sur ce qui se fait à l’étranger aussi."
La région PACA avec ses 470 clubs de tennis concentre 70 clubs ayant tout ou en partie de courts en terre-battue. On mesure mieux l’enjeu. Pour un club, la consommation d’eau d’un seul court avoisinerait les 500m3 annuels.