A Roquefort-les-Pins, l’arrêté de la préfecture stipulant que l’eau du robinet était devenue à nouveau consommable n’a pas éteint les inquiétudes de certains riverains qui demandent une communication plus claire de la mairie, de l'ARS et de Veolia.
Retour en arrière. Le 21 juin dernier, de l’eau en bouteille est distribuée aux enfants des deux écoles de ce village des Alpes-Maritimes, ce qui ne manque pas d’interroger, déjà, les parents d’élèves. Le 24, le préfet des Alpes-Maritimes décide d’interdire l’eau délivrée par le réseau public de la commune pour la consommation humaine (boisson, préparation des aliments et des glaçons). Pour les autres usages, il recommande de laisser couler l’eau pendant deux minutes avant de s’en servir. En cause, la présence trop importante de plomb et de nickel.
L’explication concernant la présence de taux élevés de plomb et de nickel dans l’eau a été expliquée par Véolia. Celle qui coule dans les canalisations de Roquefort-les-Pins a vu son pH être déséquilibrée, la rendant agressive ou abrasive. Cela n’est pas un problème directement.
Sauf qu’en l’état, cette eau devient corrosive sur certains métaux contenus dans les conduits qui acheminent l’eau, comme le plomb et le nickel, justement. Ces derniers sont ensuite charriés jusque dans l’évier des habitations.
Véolia assure avoir commencé des travaux dès le 19 juillet, et qui devraient s’achever à la fin de la semaine prochaine, pour injecter de la soude pour rééquilibrer le pH de l’eau afin de la rendre moins agressive. Aussi d’importantes purges ont été réalisées pour vider l’eau problématique et l’une des quatre sources d’alimentation en eau de la commune, qui était jugée au coeur du problème, a été arrêtée.
Communiqué de Veolia sur la situation de l'eau potable à Roquefort-les-Pins, daté du 9 juillet 2021 by France 3 Franche-Comté on Scribd
En conséquence, le 22 juillet, l’arrêté de juin est abrogé et remplacé par un autre qui autorise à nouveau la consommation de l’eau par les habitants. Sauf que celui-ci n’est pas jugé rassurant par certains habitants qui s’interrogent sur sa signification, notamment parce qu’il n’est pas explicitement dit que les taux de plomb et de nickel étaient revenus à la normal : "les résultats analytiques révèlent une baisse significative de la fréquence des non-conformités et des concentrations en plomb et nickel dans l’eau", écrit la préfecture. Malgré la baisse de la fréquence des non-conformités, comme il est écrit dans l’arrêté, le préfet recommande une purge de deux minutes avant toute sorte de consommation.
"A aucun moment il est dit que les taux de plomb et de nickel sont revenus à la normal"
"Les informations que nous recevons sont incohérentes, nous n’avons aucune certitude que tout va bien et que nous pouvons consommer l’eau sans danger, regrettent deux habitantes qui souhaitent rester anonymes. A aucun moment il est dit que les taux de plomb et de nickel sont revenus à la normal". Elles dénoncent le manque de communication de la mairie, de l’ARS et de Véolia concernant la publication des taux des deux matériaux incriminés dans l’eau de la commune. La mairie a bien communiqué le 12 juillet sur les prélèvements faits sur le réseau d’eau potable mais en parlant également de "nombre de points non conformes en plomb et en nickel" mais pas en valeur absolue.
Dans cette communication largement diffusée dans les boîtes aux lettres, et intitulée "Tempête dans un verre d’eau", le maire de la commune, Michel Rossi, en a profité pour glisser un tacle aux habitants qui se posent des questions, les qualifiant "d’esprits forts qui prétendent – mieux que les experts- connaître les causes, les effets, et surtout les responsables du problème rencontré".
Au début du mois, dans un document d’informations, Véolia affirmait que, "en date du 05 juillet 2021, 97% des échantillons analysés en 1er jet sont conformes. Tous les échantillons analysés après un temps d’écoulement sont conformes", sans préciser à quoi correspondait cette conformité. Interrogé, Véolia assure respecter ce que lui demande l’ARS Paca et renvoie vers l’agence de santé qui ne nous a pas encore répondu.
Une pétition, signée par plus de 17.000 personnes, a été lancée pour demander à mairie de Roquefort "des informations transparentes, réponses à toutes les questions en annexe, et la mise en place d’un système d’information et de prévention efficace et rapide".
En vrac, voilà les questions que se posent les habitants et auxquelles ils estiment que la mairie ne leurs a pas répondu : "Si on doit faire couler l’eau avant de se laver, pourquoi se baigner dans l’eau des piscines ne poserait pas de danger alors que le plomb semble pouvoir pénétrer un organisme par voie cutanée ? ; quid des commerçants (boulangeries, restaurants et bars...) : qu’est-il fait pour alimenter les machines à café, la préparation et cuisson des aliments ? ; d’où provient le nickel qui contamine notre eau ? ; … ".
Un point les inquiète particulièrement : des excès de plomb et de nickel avaient déjà été relevés ponctuellement avant juin 2021 dans les analyses du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine (bulletins disponibles sur le site du ministère de la Santé orobnat.sante.gouv.fr).
Arrêt de la distribution d'eau
Dans le laps de temps où l’eau était jugée impropre à la consommation par la préfecture des Alpes-Maritimes, du 24 juin au 22 juillet, Véolia organisait une distribution gratuite d’1,5 litre d’eau en bouteille par jour et par personne. La quantité, qui peut paraître faible pour boire, se laver, ou encore faire la vaisselle, a été réduite à néant depuis l’autorisation de la consommation de l’eau du robinet. Aussi, en respectant la purge de deux minutes avant de consommer l’eau, préconisée par la préfecture, la facture peut s’alourdir pour les habitants de Roquefort-les-Pins. A ce propos, Michel Rossi, assure avoir "demandé à la direction de Véolia qu’elle tienne compte des conséquences subies par les Roquefortois sur la prochaine facturation d’eau qui leur sera adressée". Véolia répond "qu’une proposition sera présentée aux riverains lorsque l’incident sera définitivement clos".
Sur son site internet, le ministère de la Santé rappelle que l’ingestion ou l’inhalation de plomb est toxique ; "elle provoque des troubles réversibles (anémie, troubles digestifs) ou irréversibles (atteinte du système nerveux, encéphalopathie et neuropathie)". Les femmes enceintes et les enfants sont particulièrement vulnérables.
Quant au nickel, une étude de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) explique qu'une grande consommation de nickel peut entraîner des dommages sur les reins, des effets sur le système immunitaire et une mortalité néonatale.